Décryptage

Choix des spécialités en médecine : qu’est-ce qui motive les étudiants ?

publié le 04 décembre 2012
1 min

À l’issue de leur sixième année d’études, les étudiants en médecine passent l’ECN (examen classant national). Selon le rang obtenu, ils choisissent une affectation (lieu et discipline). Or si certaines spécialités attirent les foules, d’autres, comme la médecine générale, ne font pas l’unanimité. Enquête sur ce qui motive les étudiants dans leur choix.

Devenir médecin : une vocation. Tout du moins, c’est une idée (un fantasme ?) répandue. L’ANEMF (Association nationale des étudiants en médecine de France) a fait le tour des différentes motivations qui poussent les jeunes vers les études de médecine : “J’ai un parent dans le monde médical”, “j’ai vécu une expérience familiale ou personnelle de la maladie”, “je voue de l’admiration pour un médecin”, “j’ai un intérêt scientifique, un intérêt pour la relation d’aide ou pour le soin”, “je veux relever un défi pour me prouver ce dont je suis capable, pour moi, mes parents, pour mes proches, les autres…”. Des raisons nobles. En bas de liste, l’association cite également “la condition sociale et la sécurité de l’emploi”.

Et pour le choix de la spécialité ? “C’est surtout le vécu qui compte, analyse Pierre Catoire, président de l’ANEMF. “Le premier critère, c’est la ‘modélisation’, le fait d’avoir suivi un maître de stage intéressant. Entre ensuite en considération la renommée de la spécialité. Moins la rémunération. Avec moins d’études, on aurait pu exercer un métier beaucoup plus rémunérateur : faire de l’odontologie, du commerce… On ne serait pas forcément médecin”, insiste-t-il.
 
L’ophtalmologie, spécialité plébiscitée
Totalement désintéressés les futurs médecins ? Pour se faire une idée plus précise, il suffit de regarder les spécialités choisies en premier en fonction du rang à l’ECN. Selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) (1), 15 spécialités voient les trois quarts de leurs postes pourvus avant même la première moitié du classement. Parmi elles, l’ophtalmologie est la première à pourvoir tous ses postes. Dans le Top 5 viennent ensuite la dermatologie, la cardiologie, la radiologie (radiodiagnostic et imagerie médicale) et la médecine nucléaire.

Des spécialités pour la plupart très rémunératrices. Les ophtalmologistes (en moyenne 11.307 € de revenus mensuels net en 2011 en cabinet libéral), les radiologues (12.424 €) et les cardiologues (9.784 €) font partie des médecins qui gagnent le plus, mais loin derrière les anesthésistes-réanimateurs (15.914 €) (2). Un contre-exemple cependant : les dermatologues (6.424 €) gagnent moins que les généralistes (6.572 €).
 
Qualité de vie + passion + rémunération
“Les étudiants d’aujourd’hui sont plus terre-à-terre que la génération précédente, analyse Dominique Perrotin, président de la Conférence des doyens de médecine. Ils prêtent davantage attention aux conditions d’exercice et choisissent en priorité les spécialités les plus rémunératrices, où l’on a moins de responsabilités et de gardes. Il y a 30 ans, les spécialités phares étaient la médecine interne et la chirurgie viscérale, qui séduit aujourd’hui beaucoup moins.”

Grégoire, étudiant en deuxième année à l’université Paris-Descartes, tient à nuancer : “Il faut tout de même savoir que même ces spécialités restent très prenantes tant pendant les études que pendant l’exercice par la suite. D’autre part, à l’heure actuelle, tout le monde cherche la sécurité financière et les étudiants en médecine n'y font pas exception.
 
Le rythme effréné du généraliste refroidit
Chaque année, la médecine générale ne parvient pas à pourvoir tous ses postes. En 2011, 633 places sont ainsi restées vacantes. Il faut dire que la discipline représente 52 % des postes ouverts (soit environ 4.000). À noter : selon une étude de la DREES (3), la durée moyenne d’une semaine de travail d’un généraliste s’élève à 57 heures. Certains atteignent la barre des 71 heures hebdomadaires.
En plus de leurs activités en cabinet, ces patriciens peuvent effectuer des gardes, s’impliquer dans la régulation des appels d’urgence au sein du SAMU, exercer dans une structure type maison de retraite ou crèche, s’occuper de la comptabilité, etc. 14 % entretiennent eux-mêmes les sols de leurs locaux ! Pour autant, la médecine générale ne se révèle pas toujours un choix par défaut chez les étudiants. Toujours selon la DREES, la spécialité recrute à tous niveaux de classement ECN (du 57e au dernier rang en 2011).
 
Comment changer la donne ?
Comment en attirer davantage alors que la formation des médecins est très centrée sur la pratique à l’hôpital ? “Seulement 49 % des étudiants font un stage en médecine générale de deuxième cycle, alors que celui-ci existe depuis 1997. Ils ne sont pas du tout contre, mais il n’existe pas assez de formateurs et de terrains de stage. En France, on ne recense que 110,5 postes équivalents temps-plein universitaires pour 10.146 internes de médecine générale, contre 5.662 pour 9.000 internes de spécialité”, déplore Pierre Catoire.

Il faut donc diversifier les terrains de stage, par exemple en les formant aussi dans les centres de soins ou les maisons médicales pluridisciplinaires. Autre piste, pour la rémunération : en finir avec le paiement à l’acte au profit d’un salaire ou d’une rémunération en partie forfaitaire. En effet, les actes techniques (les radios, les interventions chirurgicales, par exemple) sont plus rémunérateurs que les actes cliniques (consultations, visites avec examen du patient).
 
Resterait encore un problème à résoudre : les jeunes médecins – déjà pas assez nombreux pour remplacer leurs aînés qui partent à la retraite – rechignent à s’installer en zone rurale, préfèrent la Côte d’Azur au Nord. Depuis plusieurs années, l’état de la démographie médicale empire donc et le pic de l’épidémie est prévu pour 2020. Une urgence dont il faut se préoccuper (lire encadré).

Déserts médicaux : le plan d’action

Si certaines régions comptent une densité de médecins plus importante que la moyenne (Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Aquitaine), d’autres peinent à attirer (Pays de la Loire, Centre, Haute-Normandie, Picardie, Champagne-Ardenne) (4).
 
Pour tenter de résoudre le problème des déserts médicaux (qui ne date pas d’hier), l’ANEMF a proposé un plan de démographie médicale en dix points.
De son côté, Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la santé, doit détailler courant décembre 2012 son propre plan d’action. La ministre a notamment annoncé la création de 200 postes de “praticiens territoriaux de médecine générale” dès 2013. Il s’agit d’accorder à des jeunes médecins libéraux qui iront s’installer dans des zones isolées et/ou sensibles une aide financière pendant deux ans. Objectif : que tous gagnent au moins 55.000 € par an (environ 4.600 € par mois). S’ils ne parvenaient pas à atteindre ce plafond, l’État leur paiera la différence avec ce qu’ils auront gagné.


(1) Note de la DREES de mars 2012 sur “Les affectations suite aux ECN 2011”
(2) Source UNASA (Union nationale des associations agréées).
(3) Note de la DREES de mars 2012 sur “Les emplois du temps des médecins généralistes”
(4) Note de la DREES de mars 2012 sur “Les médecins au 1er janvier 2012”.

Virginie Bertereau
Décembre 2012
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