Décryptage

Mal-être des étudiants infirmiers : un diagnostic et des remèdes

Remédier au malaise des étudiants infirmiers : une situation urgente.
Remédier au malaise des étudiants infirmiers : une situation urgente. © plainpicture/Johner/Depiction AB
Par Martin Rhodes, publié le 20 septembre 2017
6 min

Le 18 septembre 2017, la FNESI (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers) a publié une enquête choc sur le mal-être des étudiants infirmiers. Constat chiffré et recommandations pour sortir d'une situation qualifiée d'alarmante.

Intitulé "Mal-être des étudiants en soins infirmiers : il est temps d’agir", l'enquête de la FNESI (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers) compile plus de 14.000 réponses, soit environ 15 % de la totalité des étudiants en soins infirmiers. 2.100 d'entre eux ont joint un témoignage au questionnaire. Regroupés dans un fichier informatique de 300 pages, leur contenu fait froid dans le dos.

"Certains étudiants sont sous antidépresseurs depuis plus de deux ans, d’autres ont fait une tentative de suicide au cours d’un stage", soupire Antoine Jourdan, vice-président en charge de l’innovation sociale à la FNESI. Avant d'ajouter : "La situation est vraiment alarmante."

Petite forme, grands dangers

Si 50 % des étudiants déclarent que leur santé physique s'est dégradée depuis leur entrée en formation, les données les plus inquiétantes concernent leur santé psychologique. 52,5 % des ESI (étudiants en soins infirmiers) déclarent que leur santé psychologique s’est dégradée depuis leur entrée en formation, et 26,2 % s’estiment en mauvaise, voire très mauvaise santé psychologique. Près d'un étudiant sur cinq déclare avoir déjà souffert de dépression. Pire encore, 4,7 % des répondants ont connu au moins un cas de suicide dans leur établissement.
Le stress est l'une des principales causes de cet épuisement. Un stress qui a considérablement augmenté en six ans, date de la dernière enquête de la FNESI. 28,8 % des étudiants se disaient alors souvent stressés (contre 54 % en 2017), et 12 % tout le temps stressé (contre 24,2 %). Conséquence directe de cette angoisse, la consommation d'anxiolytiques a presque doublé en seulement six ans.

Les stages, "vecteurs de stress"

"On constate notamment que les stages (environ 50 % de la formation) sont de plus en plus vecteurs de stress", explique Antoine Jourdan. La charge émotionnelle inhérente au métier d'infirmier (confrontation à la maladie et à la mort) n'explique pas tout. Les restrictions budgétaires que connaissent les services hospitaliers entraînent une dégradation des conditions d'apprentissage et de travail, ainsi qu'une certaine tension entre les professionnels de santé. Ainsi, un tiers des étudiants déclarent avoir déjà été harcelés par un soignant.

Un conseil : en parler

Un soutien psychologique n'est pas toujours proposé aux étudiants, et seulement 13,8 % d'entre eux ont fait la démarche de consulter un professionnel de la santé mentale. L’organisation suggère que chaque ESI ait accès à un SUMPPS (Service universitaire de médecine préventive et de promotion de la santé), et que des groupes de parole encadrés pas des psychologues ou des psychiatres soient mis en place dans tous les instituts de formation.
Un suivi psychologique individuel et entièrement gratuit pourrait venir en renfort de ce dispositif qui existe déjà dans une poignée d'établissements. La FNESI avance également l'idée de cours théoriques pour sensibiliser aux risques psychosociaux et encourager les ESI à être vigilants quant à leur propre bien-être.

Difficultés financières et refonte du concours

L’enquête constate par ailleurs "une différence non négligeable entre les étudiants de toutes les filières confondues et les étudiants de la filière soins infirmiers quant aux déclarations sur leurs situations financières". Près d'un ESI sur deux estiment avoir des difficultés, deux fois plus que l’ensemble des étudiants selon les données de l'Observatoire national de la vie étudiante. Plus étonnant encore au regard de leur cursus, 37,6 % des ESI ont renoncé à des soins pour des raisons financières, contre 13 % de l’ensemble des étudiants.

Un accès difficile aux services du CROUS

Des différences qui s’expliquent notamment par le fait que les étudiants infirmiers sont globalement issus de catégories socio-professionnelles modestes, comme l’a révélée une étude publiée en 2016 par la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques).

D’autres phénomènes viennent s’ajouter à ces inégalités de départ. "Il s’avère souvent compliqué, pour les IFSI éloignés géographiquement de leur université de rattachement, de bénéficier des services du CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires)", ajoute l’étude. Parmi ces services, citons notamment les restaurants ou les logements universitaires.

Limiter le nombre de concours

La FNESI condamne une certaine sélection par l’argent. Elle pointe notamment du doigt le prix élevé des organismes de préparation (1.800 € en moyenne), ainsi que le coût des concours (une centaine d’euros à chaque fois) et les frais qu’ils occasionnent (déplacements, logement, nourriture). "Les prépas encouragent les étudiants à passer le plus de concours possible, explique le vice-président de la FNESI, avant d’ajouter : si l’on est bien préparé, il n’est pas nécessaire de passer cinq concours ou plus dans toute la France."

Conclusion : l’association demande une "refonte de l’accès à la formation en supprimant toute sélection, afin de démocratiser [son] accès". Elle propose de répartir les candidats dans les quelque 328 IFSI via APB (Admission-postbac), en prenant notamment en compte leur lieu d’habitation. Mais pour la FNESI, la priorité est surtout de créer un observatoire du bien-être des étudiants en santé afin de poursuivre le travail de cette enquête.

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