Décryptage

Mobilisation contre Parcoursup : "Ce qui a réveillé les étudiants, c'est l'agression à Montpellier"

Des étudiants manifestent à Paris contre la réforme de l'entrée à l'université, mardi 3 avril 2018
Des étudiants manifestent à Paris contre la réforme de l'entrée à l'université, mardi 3 avril 2018 © Laura Taillandier
Par Laura Taillandier, publié le 03 avril 2018
6 min

Et de trois. Après l'université Paul-Valéry à Montpellier et la fac de lettres de Nancy, le site de Tolbiac de Paris 1 Panthéon-Sorbonne a voté le blocage illimité contre la réforme de l'entrée à l'université, mardi 3 avril 2018. Alors que le mouvement gagne du terrain dans les établissements, les étudiants qui manifestent à Paris sont confiants : le mouvement commence à prendre.

Rassemblés devant la gare de l'Est, mardi 3 avril 2018, les étudiants ont envie d'y croire. Ils sont plusieurs centaines et en sont persuadés : le mouvement contre la réforme de l'entrée à l'université serait en train de prendre. "On sent que l'espoir qui était éteint se réveille", se réjouit Mathilde* en histoire de l'art à Paris 1.
Après l'université Paul-Valéry à Montpellier, et la fac de lettres de Nancy, c'est au tour de son établissement d'avoir voté ce matin le blocage "illimité" de l'université Panthéon-Sorbonne. En clair : la paralysie totale sur le campus de Tolbiac jusqu'au retrait de la loi ORE (Orientation et réussite des étudiants).

La colère "monte"

Blocages filtrants ou permanents, ce sont, selon l'UNEF, onze universités qui sont aujourd'hui mobilisées. "Cela montre bien que la colère monte", assure Pauline Raufaste, la vice-présidente de l'UNEF. Guidant les étudiants qui commencent à se rassembler devant la gare aux cotés des cheminots, l'élue étudiante est confiante. "Le fait que le gouvernement reste sourd aux revendications commence à énerver les jeunes."
D'abord localisé à Montpellier, Toulouse, Bordeaux ou encore Rennes, le mouvement gagne peu à peu la capitale. Des blocages ont été votés jusqu'à jeudi dans les universités de Paris 8 et de Paris 4. "Notre modèle, c'est un peu Tolbiac. On espère qu'il y aura un effet domino", commente Valentin, en cours avec Lucille et Adèle.
Certains étudiants estiment que le "blocage illimité" est la seule façon d'instaurer un rapport de force. "C'est la seule manière que le mouvement prenne. Et nous avons eu ce matin une large majorité pour le faire", relate Camille*, en histoire de l'art à Paris 1. Mais le mouvement n'a pas encore gagné toutes les universités franciliennes. "À Nanterre où il y a une histoire forte, je m'attendais à beaucoup plus d'engagement", observe Léna, en L3 en philosophie dans l'université.

"Nous comptons faire entendre notre voix"

"Ce qui a reveillé les étudiants, c'est ce qui s'est passé à Montpellier, juge Adèle en histoire à l'université de Paris 4. Comme eux, ça m'a révolté. Ce n'est pas normal que les étudiants ne puissent pas donner leur avis". Depuis l'agression de plusieurs étudiants dans un amphithéâtre de la fac de droit de l'université de Montpellier, le 22 mars 2018, les assemblées générales et les rassemblements se multiplient dans les universités.

Mais les tensions se renforcent elles aussi. À Lille 2, des étudiants ont été victimes de violences de la part de l’extrême droite, selon l'UNEF, le 26 mars, aux alentours de l’université quand des élèves ont également été agressés sur le campus de Strasbourg deux jours plus tard. "Si nous sommes là, c'est pour montrer à ces gens que nous sommes bien présents et que nous comptons faire entendre notre voix", souligne Lucille, à Paris 4.

Contre le Plan étudiants, mais pas que...

Faire entendre leur voix tout d'abord contre la réforme de l'entrée à l'université. "On voit déjà les effets d'un système sélectif à l'œuvre. Si les filières qui restent accessibles le deviennent aussi, il n'y aura plus rien pour certains lycéens. Il y a l'idée que l'université doit être dans l'efficacité, la production mais pour moi elle doit rester avant tout un lieu d'apprentissage", dénonce Juliette en licence de philosophie à Paris 1. "On a l'impression que les jeunes sont des tocards, alors qu'on se bat pour des droits importants. Je vais rarement dans les manifs, si j'en suis c'est que je n'aime pas ce qui se passe." "Pour moi, c'est totalement inédit", acquiesce Marguerite, foulard à fleurs noué autour du cou.

Eva et Melody, en terminale dans l'académie de Créteil observent un peu en retrait le rassemblement. Elles font partie des quelques lycéens que compte le cortège. Confrontées à la machine Parcoursup, les deux lycéennes déplorent notamment "l'exercice des lettres de motivation". "On est obligé de rédiger des trucs qu'aucune université n'aura le temps de lire. C'est du temps perdu pour nous en pleine année du bac", regrette Eva. Qui aimerait que davantage de lycéens soient dans la rue. "On a essayé de motiver d'autres élèves pour venir mais ils ne se sentent pas concernés. Ils ont l'impression que manifester ne changera pas grand chose", regrette la lycéenne.

Devant la gare, les étudiants sont aussi là d'une manière générale pour marquer leur opposition "au projet de société que nous propose le président Macron", résume Valentin. Plus loin, Juliette, confirme : "Je suis aussi venue ici pour soutenir les cheminots et participer à un mouvement plus global". Dans les bouches, les mots "convergence des luttes" résonnent tout particulièrement alors qu'à deux pas les banderoles des cheminots flottent dans les airs derrière un épaisse fumée.
Et si les rangs de la manifestation compte chaque fois davantage d'étudiants, il n'y avait pas encore foule à ce rassemblement. "On sent que l'ambiance change mais peut-on parler de tournant dans le mouvement étudiant ? Je n'ai pas de boule de cristal", ironise Julie * en sociologie à l'université de Nanterre. La prochaine manifestation nationale est prévue le 19 avril. D'ici là une nouvelle date pourrait peut-être se glisser dans le calendrier du mouvement, selon l'UNEF.
Les prénoms marqués par un * ont été modifiés.

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