Interview

Philippe Poutou : “Je propose un présalaire pour tous les étudiants”

Philippe Poutou
Philippe Poutou, candidat du NPA à l'élection présidentielle 2017. © Romain Beurrier/REA
Par Propos recueillis par Catherine de Coppet, publié le 06 avril 2017
5 min

Un présalaire pour les étudiants, une limitation des stages, une hausse de la rémunération des apprentis… Dans une interview réalisée par écrit pour l’Etudiant, le candidat du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste), détaille ses propositions. Cette interview s'inscrit dans une série d’entretiens avec les candidats à l’élection présidentielle, tous sollicités par notre rédaction.

Vous avez l'intention de mettre en place un “présalaire” d'autonomie pour les jeunes, financé par les cotisations patronales… À combien s’élèverait-il ? À qui s’adresserait-il ?

Le présalaire se situerait au niveau du SMIC, mais d'un SMIC largement revalorisé à hauteur de 1.700 €. C'est, selon nous, ce dont un individu a besoin pour vivre décemment aujourd'hui en France. Ce présalaire s'adresserait à l'ensemble des étudiants, donc serait universel. La limite ne serait pas une limite d'âge mais de statut. Durant le temps des études, sous certaines conditions d'assiduité qu'il s'agirait de fixer démocratiquement en prenant en compte la diversité sociale des conditions d'études, tout étudiant toucherait ce présalaire, donc jusqu'à son obtention d'un emploi.

Vous proposez de revaloriser le salaire des apprentis au SMIC… Serait-ce valable pour les apprentis de tous âges ?

Les apprentis étant des travailleurs en formation, il n'y a aucune raison qu'ils ne bénéficient pas des mêmes droits que les travailleurs et ne soient pas payés au minimum à la hauteur du SMIC. Concernant les modulations par âge, le SMIC ne pourrait évidemment être qu'un minimum ; les apprentis ayant une ancienneté dans l'entreprise et/ou une qualification plus élevée devraient pouvoir bénéficier d'une rémunération plus importante. Les vacances des apprentis doivent être financées par les entreprises qui les emploient ; là encore, il n'y a aucune raison que les entreprises qui embauchent des apprentis reportent sur l'État le coût de la formation.

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Vous prônez la suppression des stages obligatoires non rémunérés… Maintiendriez-vous cependant le montant actuel de la rémunération des stages ?

Les stages doivent à la fois être strictement limités à des situations qui les rendent nécessaires pour la formation pédagogique de l'étudiant et étroitement contrôlés par la puissance publique. Ces deux conditions sont nécessaires pour que les stages ne servent pas aux entreprises à faire faire à des stagiaires non payés ou faiblement payés ce qui serait normalement assumé par un salarié, ce qui aboutit par ailleurs au fait que le stage n'a alors aucune véritable vocation pédagogique d'apprentissage.

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Concernant la rémunération, dans la mesure où nous sommes favorables à un présalaire d'autonomie pour les étudiants (au niveau d'un SMIC largement revalorisé comme nous le proposons), la question ne se pose pas véritablement ; les étudiants en stage continueraient de recevoir ce présalaire.

Il faut baisser de manière très sensible le nombre d'élèves par classe

Vous promettez des créations massives de postes de fonctionnaires (et une titularisation des précaires)… Cela signifierait combien de postes supplémentaires pour le second degré (collège + lycée) ?

Il faudrait créer au minimum 100.000 postes de fonctionnaires (y compris en titularisant de nombreux enseignants précaires sans lesquels, là encore, les établissements ne pourraient actuellement pas fonctionner). C'est la réorganisation complète de l'économie, accompagnée d'une refonte radicale de la fiscalité, qui permettrait de financer ces postes.

Les conséquences seraient immédiates, notamment dans l'éducation prioritaire, puisque cela permettrait de baisser de manière très sensible le nombre d'élèves par classe. On sait que les acquisitions des élèves s'améliorent nettement quand on passe par exemple de 25 élèves par classe à 15. C'est une des mesures, là encore de justice sociale, qu'il s'agirait de mettre en œuvre immédiatement, mais pour cela il faudra dégager de l'argent public et recruter de nombreux nouveaux enseignants.

Vous promettez une légalisation du cannabis… “Quid” de la protection des jeunes contre le risque d’addiction (cannabis, alcool et autres drogues) ?

Nous pensons que la prévention est la meilleure solution, et, pour nous, la légalisation permet de sécuriser la consommation (éviter les pratiques mafieuses et les produits mal conçus, plus toxiques).

Vous souhaitez mettre fin à l’interdiction du port du voile au lycée… Pourquoi ?

La loi du 15 mars 2004, que nous voulons abroger, s'était présentée comme une loi de laïcité, interdisant toute expression religieuse ostentatoire dans le cadre de l'école publique (au moins avant l'enseignement supérieur), pas seulement le port du voile. Mais effectivement, cette loi a été très explicitement dirigée par ses concepteurs contre les musulmans. Non seulement cette loi a abouti à la déscolarisation de dizaines – et peut-être de centaines – de filles, mais elle eu pour conséquence que beaucoup de parents musulmans se sont tournés vers l'enseignement privé.

Elle a également provoqué des situations d'humiliation pour de nombreuses jeunes femmes, obligées de retirer leur foulard contre leur volonté à l'entrée dans l'établissement, avec le sentiment qu'on refuse de les recevoir à l'école publique telles qu'elles sont, avec leurs convictions.Tout cela constitue un détournement scandaleux de l'idéal de laïcité.

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Nous sommes pour notre compte des défenseurs de la laïcité, mais non pas de la laïcité telle qu'elle a été détournée et instrumentalisée depuis 15 ans contre la population musulmane. Pour nous, la laïcité doit s'appliquer – selon la lettre et l'esprit de la loi de 1905 – à l'État et à ses agents, nullement aux usagers, qui doivent quant à eux pouvoir exercer leur liberté de croire ou de ne pas croire. Cela excepté les situations qui rendraient difficile l'enseignement (des tenues empêchant par exemple de suivre les cours de sport), ou encore les situations effectivement avérées de prosélytisme religieux.

Lire aussi l'entretien de Philippe Poutou sur EducPros

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