Témoignage

Droit de la concurrence : stratégique pour les entreprises

Par Marie-Anne Noury, publié le 27 septembre 2012
5 min

Pierre Zelenko est ancien élève de l’ENA, docteur en économie (EHESS) et en philosophie du droit (Paris 1), diplômé de l’ESCP et de Sciences po Paris.Nicolas Zacharie est diplômé de la London School of Economics (2001), de l’université de Nottingham (2000) et de Paris 1 (1999).Ils sont tous les deux respectivement associé et counsel chez Linklaters. 

L’importance stratégique pour les entreprises du droit de la concurrence n’a cessé de ­prendre de l’ampleur au cours de ces 10 dernières années. En effet, il n’est plus rare aujour­d’hui de voir condamner des entreprises à plusieurs centaines de millions d’euros d’amende par les autorités de concurrence communautaire ou nationale.

Toutefois, le droit de la concurrence n’est pas seulement répressif, mais recouvre en réalité 3 domaines principaux : le contrôle des concentrations, le contrôle des comportements anticoncurrentiels (antitrust) et les aides d’État. En ce sens, il se distingue d’autres spécialités telles que le droit de la distribution ou le droit de la consommation.


Les concentrations


Les opérations de fusion-acquisition impliquant les sociétés dépassant certains seuils de chiffre d’affaires peuvent nécessiter l’obtention d’une autorisation préalable d’une ou de plusieurs autorités de concurrence. Ces autorités exercent alors un contrôle préventif en concurrence et disposent du pouvoir de bloquer l’opération ou d’imposer des engagements parfois substantiels, notamment des cessions d’une partie des activités des parties.

Dans un premier temps, le rôle de l’avocat consiste à étudier en amont la faisabilité d’une opération du point de vue de la concurrence. Il détermine alors si celle-ci doit être notifiée et évalue le risque de voir une autorité de concurrence interdire l’opération ou imposer des engagements. Compte tenu de l’impact potentiellement significatif de ces derniers sur les synergies, les spécialistes du droit de la concurrence sont impliqués de plus en plus en amont des réflexions sur les projets de fusion-acquisition.

Dans un second temps, l’avocat rédige, avec l’aide de son client, le ou les dossiers de notifications devant les autorités de concurrence compétentes. Il n’est pas rare de devoir ainsi gérer plusieurs notifications dans de nombreux pays à travers le monde, avec l’aide de conseils locaux.


Les comportements anticoncurrentiels


Les autorités de concurrence examinent aussi les comportements anticoncurrentiels, qu’ils prennent la forme d’ententes (ou cartels) ou d’abus de position dominante. Il s’agit donc non plus d’une action préventive mais d’un contrôle quasi juridictionnel pouvant aboutir à des sanctions dont le plafond s’élève jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise !

Dans ce domaine, l’avocat joue tout d’abord un rôle de conseil dans les décisions stratégiques que peut prendre son client lorsqu’il intervient sur un marché. Il est aussi son défendeur lorsqu’une procédure d’instruction est ouverte, généralement à la suite d’une dénonciation d’un des membres d’une entente ou d’une plainte d’un concurrent. Son assistance peut s’exercer dès le stade d’éventuelles perquisitions effectuées par l’autorité, puis tout au long de la procédure pouvant mener à une décision de sanction, jusqu’au recours toujours possible devant les juridictions compétentes.

Enfin, l’avocat peut avoir un rôle préventif, en organisant des séminaires et autres formations au sein des entreprises afin de sensibiliser ses membres aux règles de la concurrence, et surtout à ses dangers. On parle alors de compliance.


Les aides d’État


Les aides que les États peuvent être amenés à ­verser aux entreprises font l’objet d’une réglementation stricte de nature à vérifier qu’elles ne faussent pas indûment le jeu du marché et elles sont soumises à l’étroite surveillance de la ­Commission européenne. La dernière crise financière a ainsi été l’occasion pour cette dernière de réaffirmer ses prérogatives, malgré l’urgence au plus fort de la crise lorsque certains États sont venus au secours de leurs banques. L’avocat joue un rôle de conseil soit directement auprès des États, soit auprès des entreprises bénéficiaires, soit auprès des entreprises concurrentes qui n’auraient pas bénéficié de l’aide et s’en trouveraient affectées par un désavantage dans la concurrence.


Les compétences et qualités requises


Outre la connaissance du droit et de sa pratique, il est nécessaire de bien connaître le domaine d’activité des clients et de bien comprendre les enjeux économiques. De ce fait, les doubles formations sont souvent privilégiées à l’embauche. Une bonne maîtrise de l’anglais est aussi indispensable. Enfin, des qualités humaines sont nécessaires car l’avocat spécialisé en droit de la concurrence est souvent en contact direct avec de nombreux interlocuteurs au sein de l’entreprise et à tous les niveaux.

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