Décryptage

Loi Travail : bloqués, fermés, où en sont les lycées ?

Le 31 mars 2016, le lycée Hélène-Boucher à Paris était bloqué, mais pas fermé.
Le 31 mars 2016, le lycée Hélène-Boucher, à Paris, était bloqué, mais pas fermé. © Nicolas Tavernier/REA
Par Sarah Hamdi, publié le 31 mars 2016
1 min

Jeudi 31 mars 2016, 4e journée de mobilisation de la jeunesse contre la loi Travail. Nouveauté : dans l'académie de Paris, 11 lycées ont été fermés par leurs proviseurs à titre préventif, pour éviter les dérives. Ailleurs en France, de nombreux établissements ont été bloqués. Etat des lieux et témoignages.

Ce jeudi 31 mars 2016, il y a eu comme un court-circuit dans les blocus de lycées en région parisienne. Et pas seulement en raison de la pluie... Toujours en pleine mobilisation contre la loi Travail, lycéens et étudiants sont redescendus dans la rue pour la quatrième semaine consécutive. Mais, cette fois-ci, plusieurs chefs d'établissement ont décidé de fermer leurs locaux "par mesure de prévention".

Au total : 176 lycées bloqués en France

Sur les 2.500 lycées de France, 176 étaient bloqués ce matin, selon les chiffres du ministère de l'Éducation nationale, contre 115 lors du rassemblement du 17 mars. En région parisienne, 11 établissements étaient fermés en prévention des violences et des dégradations. Pour eux, pas de rassemblements, pas de blocages. Comme au lycée Paul-Bert, situé dans le XIVe arrondissement de Paris. "Ici, c'est le calme plat", explique Philippe Pradel. Le proviseur du lycée a décidé de suspendre les enseignements contre l'avis du recteur. Ce qui a motivé sa décision ? "La montée des violences la semaine dernière. Mais aussi l'inquiétude d'élèves qui "ont déclaré ne pas vouloir venir au lycée 'avec ce qui se prépare', pour ne pas être assimilés aux éléments incontrôlés". Certains propos menaçants circulant sur les réseaux sociaux les auraient alertés. La veille, un e-mail a donc été envoyé aux parents pour les prévenir que les portes resteraient closes. "Je ne leur retire pas le droit de défendre leur avenir, de manifester, de contester. En revanche, les poubelles, les vitres cassées, les fumigènes... On est impuissants face à ce qui se passe, on essaye juste de colmater les brèches", déplore-t-il.

Résultat : aucun élève ne s'est déplacé ce matin. Rien à voir avec l'ambiance des semaines passées. "La première fois, j'avais prévenu les élèves que je ne voulais pas de dégradations. Pas besoin de poubelles ou de barrières de chantier. Mais le 17 mars, cela a été la guérilla urbaine toute la journée. De jeunes adultes étaient venus pour attiser les conflits. Projections d'extincteurs contre la façade, voitures abîmées... on a passé toute la journée en état de siège", déplore-t-il.

La fermeture en amont illégale

En théorie, la fermeture d'un lycée ne peut être envisagée que le jour même de la mobilisation. Et seulement pour des raisons de sécurité absolue, avec l'accord du recteur. L'académie de Paris a d'ailleurs rappelé aux chefs d'établissement la nécessité "d'assurer la continuité du service public d'éducation et de permettre l'accueil des élèves qui le souhaitent".

Mais sur Twitter, le syndicat des chefs d'établissement a posté des photos de lycées fermés, où s'étaient produits des incidents, avec le même gimmick : "Que ce serait-il passer à 'X' si le lycée n'avait pas fermé aujourd'hui ?"

"La fermeture est une façon d'éviter le pire. Nous ne sommes pas des spécialistes du maintien de l'ordre, mais chaque jeudi, c'est de pire en pire. On essaie de faire en sorte qu'il n'y ait pas de morts pendant ces blocages", n'hésite pas à déclarer Philippe Tournier, le secrétaire général du SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l'Éducation nationale).

Un entre-deux a parfois été trouvé. Au lycée Chaptal, à Paris, un professeur témoigne : "Les élèves ne pouvaient entrer qu'entre 7 et 8 heures. Ensuite, les grilles étaient fermées. Oralement, ils ont été invités à ne pas venir en cours." Il faut dire que la tension est montée d'un cran. Après les violences policières sur un élève de 15 ans au lycée Henri-Bergson, le feu à la porte du lycée Jacques-Decour, les affrontements avec les forces de l'ordre... certaines lycéens craignaient de participer à des rassemblements. "J'ai sondé la classe d'hypokhâgne. Ils étaient à peine une dizaine à vouloir manifester. C'est très peu", explique l'enseignant.

En ligne de mire : le bac, déjà

De leur côté, les lycéens se montrent partagés sur les réseaux sociaux. Il y a les partisans des blocages, ceux qui préfèreraient ne pas rater les cours chaque semaine à quelques mois du bac et les mitigés.

Vers une fermeture systématique des lycées ?

Malgré tout, les jeunes militants contre la loi Travail ont promis de descendre dans la rue chaque semaine jusqu'au retrait du projet de réforme. Les lycées pourront-ils suivre ce rythme d'une fermeture hebdomadaire ? "Je prendrai la décision au coup par coup. Sur le principe, je ne pense pas que cela soit une bonne réponse. Mais je n'ai pas envie de faire un métier qui n'est pas le mien, celui du maintien de l'ordre", estime le proviseur Philippe Pradel. Une journée d'action étudiante est déjà en préparation pour le mardi 5 avril 2016…

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