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Études et handicap : le coup de pouce des entreprises

L'accessibilité des bâtiments aux fauteuils roulants encourage les jeunes handicapés à s'engager dans des études.
L'accessibilité des bâtiments aux fauteuils roulants encourage les jeunes handicapés à s'engager dans des études. © Stéphane Audras / R.E.A
Par Sarah Masson, publié le 27 mai 2016
1 min

Votre ambition est d’aller le plus loin possible au-delà du bac ? Vous pouvez compter sur certaines entreprises "handi-accueillantes" pour vous aider à décrocher un diplôme de niveau bac+2 minimum… et pourquoi pas une première embauche.

Beaucoup de grandes entreprises ont noué des partenariats avec les écoles ou les universités, parfois en collaboration avec des associations. L'idée ? Permettre aux étudiants en situation de handicap d'accéder aux études supérieures et les accompagner jusqu'à leur premier emploi. La plupart du temps, l'accord se concrétise par un appui financier de l'entreprise à l'établissement. Mais pas seulement : avec certains dispositifs, les jeunes sont suivis tout au long de leur cursus, du secondaire jusqu'à l'insertion professionnelle. 

Pour les entreprises, l'objectif est clair : recruter des jeunes diplômés en stage, en alternance, voire en CDI (contrat à durée indéterminée). Tour d'horizon de quelques initiatives autour de la formation et de l'employabilité des jeunes diplômés ­handicapés, menées par des entreprises "handi-accueillantes".

Atos : agir collectivement pour l'insertion des personnes handicapées

"Faites reconnaitre votre handicap !" insiste Juliette Arnould, responsable mission emploi handicap et diversité chez Atos France. L’entreprise, comme dans l'ensemble du secteur numérique, éprouve de réelles difficultés à trouver des candidats qui remplissent ses exigences de qualification. "Nous avons mis en place un processus de recrutement et d’intégration spécifique, ajoute-elle. Il faut donc impérativement que les jeunes nous informent de leur handicap."

L’objectif de la politique handicap chez Atos ? Attirer des jeunes en situation de handicap vers les métiers du numérique. "Nous proposons aux étudiants et aux lycéens des interventions dans leurs établissements pour leur faire découvrir nos métiers. Très peu de jeunes en situation de handicap se dirigent vers des formations scientifiques. Via notre réseau de référents handicap, nous agissons localement pour faire connaitre nos offres d’emploi, de stages et d’alternance dans les écoles et les universités.

Pour cela, l’entreprise joue "collectif" : elle participe à plusieurs conventions mises en place par des établissements supérieurs et des groupes d’entreprises. Ainsi, depuis 2014, Atos est partenaire, avec un réseau d’entreprises, d’une licence pro "web et application mobile" à l’université de Cergy-Pontoise. Au total, sept alternants y ont été formés. L’un d’eux vient d’être embauché chez Atos en CDI.

Enfin, Atos a constitué un collectif d’entreprises, "Handicap et numérique", qui réunit 12 sociétés du numérique. Un site internet a été créé (www.handi-numerique.com), afin d’informer les jeunes handicapés sur le secteur du numérique et sur les parcours de formation et les opportunités d’emploi.

Thales : imaginer des innovations technologiques

Le groupe Thales travaille en étroite collaboration avec les relais handicap des universités. L'idée ? Faire le lien entre les différentes étapes scolaires et professionnelles des jeunes en situation de handicap. "Nous avons signé des accords qui fédèrent le monde du secondaire, du supérieur et de l'insertion professionnelle", explique Gérard Lefranc, directeur de la mission insertion de Thales. 

Le groupe a mis au point une technologie destinée à aider les jeunes handicapés à la prise de notes : le système EyeSchool. À travers une caméra ou un tableau interactif, les jeunes peuvent recevoir une image adaptée à leur déficience (visuelle ou auditive). En 2014-2015, ce dispositif a été déployé auprès de 400 élèves et étudiants dans cinq régions françaises.

Depuis 2011, Thales encadre aussi une convention signée avec l'académie de Toulouse, le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche et d'autres grands groupes industriels (Airbus, Airbus-Défense, Capgemini, Sogeti, Safran et Spie). L'accord vise à encourager ces jeunes à s'engager dans des études longues : "afin de leur permettre de se projeter sur des métiers à haute technologie", précise Gérard Lefranc. Des conventions similaires ont été signées avec d'autres académies dans les bassins d'emploi de Thales (Nice, Orléans-Tours, Bordeaux, Lille et les trois académies d'Île-de-France.

Le groupe travaille aussi avec l'université Paris-Saclay à la création d'un "dictionnaire" en langue des signes pour la traduction de termes techniques utilisés pendant leurs études.

Grâce à ses actions, Thales a pu atteindre cette année le taux de 6 % de salariés handicapés et la direction prévoit d'embaucher 120 personnes en trois ans. "Nous voulons maintenir ce niveau d'embauche, conclut Gérard Lefranc. Nous accueillons aussi une centaine de stagiaires chaque année."

@talentegal : conseiller les jeunes dans leur orientation

À l'origine de l'association @talentegal, une hypothèse : s'il y a peu d'étudiants handicapés qualifiés, c'est peut-être parce qu'ils sont mal orientés ou mal conseillés au cours de leur parcours scolaire. Lancé en 2010 par Alcatel Lucent (devenu depuis Nokia) en partenariat avec six établissements supérieurs (l'INSA Rennes, l'ISEPTélécom Bretagne, l'IUT de Vélizy, Neoma Business School et le Centre de réadaptation de ­Mulhouse), @talent­egal a pour ambition d'accompagner les jeunes en situation de handicap vers des diplômes de bac+2 à bac+4/5 jusqu'à leur premier emploi.

Depuis 2013, Safran a rejoint le programme, suivi d'Areva en 2014 et SII en mars dernier. De la troisième à la terminale, l'association intervient dans les établissements pour inciter ces élèves à continuer leurs études et à rejoindre une école partenaire. Les étudiants qui intègrent le programme bénéficient ensuite d'un encadrement complet. Ainsi, pendant leurs études, ils peuvent rencontrer un responsable des ressources humaines pour simuler un entretien, refaire leur CV ou les guider dans leur recherche de stage. Ils ont aussi l'occasion d'échanger avec des salariés anglo-saxons des entreprises partenaires pour pratiquer leur anglais. Ils bénéficient enfin d'un accès à une plate-forme de e-learning pour des formations complémentaires en développement personnel, qui sont très directement applicables au contexte professionnel. Depuis son lancement en 2010, 62 étudiants ont déjà participé au programme et 30 sont d'ores et déjà dans le programme.

Accor : signer avant tout un CDI

Chez AccorHotels, un seul mot d'ordre : le CDI... Depuis 2012, 90 personnes en situation de handicap ont été intégrées dans l'entreprise et, dans sa branche hôtel, le taux d'emploi des personnes handicapés atteint 5,66 %. Dans un domaine qui recrute, l'objectif de la mission handicap d'AccorHotels est de permettre aux jeunes handicapés d'intégrer des filières qualifiantes, en général peu accessibles pour eux. 

Ainsi, les dispositifs Passerelle, destinés à des jeunes handicapés inscrits dans des CLIS (classes pour l'inclusion scolaire), regroupent environ cinq jeunes par "session" dans divers CFA (centres de formation d'apprentis) de la région parisienne. L'objectif est de leur offrir une formation (de huit mois à un an) au service ou à la cuisine. "Nous souhaitons ouvrir la voie de l'apprentissage aux jeunes en situation de handicap et spécifiquement aux jeunes qui sont scolarisées dans des CLIS", complète Caroline de Andrade, responsable de la mission handicap d'AccorHotels.

Pour aller plus loin, le groupe expérimente depuis trois ans un tout nouveau partenariat avec la Faculté des métiers d'Évry et les entreprises Sodexo et Elior. "Au-delà de nos dispositifs habituels, le but est d'ouvrir une classe dédiée aux élèves pas ou peu diplômés, issus de structures spécialisées et le plus souvent atteints de déficience intellectuelle, explique Caroline de Andrade. Ces handicaps sont en effet très souvent oubliés." Onze jeunes de 18 à 20 ans suivent une formation en apprentissage pendant un an. À la clé, un diplôme d'agent de restauration polyvalent. La première "promo" des métiers de l'hôtellerie s'est ouverte en janvier 2014.

Société générale : favoriser l'employabilité

La mission handicap du groupe Société générale entretient des relations avec un réseau fourni d'écoles et d'universités (Sciences po, l'université de Poitiers…). La banque fait notamment partie des entreprises partenaires de l'Institut Villebon-Georges-Charpak, fondé en 2013. "L'idée est de permettre à des lycéens issus de milieux modestes et/ou en situation de handicap d'accéder à de longues études scientifiques", explique Sandrine Dhellemmes, directrice Inclusion et mission handicap au sein du groupe Société générale. La formation, fondée sur l'entraide et le suivi personnalisé, leur permet d'accéder à un bac+3 et ensuite d'intégrer une école d'ingénieurs à bac+5. À la rentrée 2014-2015, la troisième promotion a accueilli une trentaine d'étudiants (dont 12% de jeunes en situation de handicap). À l'issue des trois années de formation, ils obtiennent une licence en sciences et ingénierie, co-délivrée par les universités Paris-Descartes et Paris-Sud, en partenariat avec ParisTech.

Le groupe Société Générale accueille, cette année, 6 stagiaires de L3 issus de cette formation. Il participe, en outre, avec d'autres banques françaises, au dispositif HandiFormaBanques. Un contrat de professionnalisation d'un an est proposé aux jeunes handicapés, avec une formation spécifique sur des postes de chargés d'accueil. Cette année, la banque a recruté 8 nouveaux candidats en contrat d'alternance par le biais de HandiFormaBanques. "Grâce à ce dispositif, nous développons leur employabilité, conclut Sandrine Dhellemmes. Mais notre but est de transformer un maximum de contrats en CDI !"

Groupama Banque et Inbox : identifier les candidats à bac+5

Pour les PME (petites et moyennes entreprises) et les ETI (entreprises de taille intermédiaire), les problématiques liées au handicap et à la diversité ne sont pas les mêmes. Ici, pas de mission handicap dédiée. Chez Groupama Banque, face au handicap, on refuse pourtant de rester spectateur : "Il ne suffit pas d’attendre que les candidats viennent à nous, affirme Cédric Montserrat, responsable carrières et emploi. Nous voulons jouer un rôle actif. Nous apportons un soutien à des associations comme Tremplin ou Face (Fondation agir contre l’exclusion), qui accompagnent les jeunes dans leur milieu scolaire." Car c’est là où le bât blesse : les recruteurs ne reçoivent que très peu de CV de candidats handicapés qualifiés. Même combat chez Inbox, PME d’une quarantaine de salariés. "Nous recrutons a minima à bac+3. Mais l’essentiel de nos embauches s’effectue à bac+5, explique Marilyn Courtois-Périn, PDG de la société. En outre, notre cœur de métier est une niche : nous recrutons essentiellement des data scientists et des développeurs Web." 

Là aussi, Inbox travaille en partenariat avec Tremplin, afin d’identifier des candidats potentiels, qui seront embauchés en stage ou en alternance. Et pourquoi pas, ensuite en CDI ! "Ce serait un aboutissement pour une entreprise comme la nôtre. Quoi qu’il en soit, un jeune qui poursuit des études en master et qui est bon dans sa filière a de grandes chances d’être embauché chez nous." 

Le conseil de Cédric Montserrat, de chez Groupama Banque : "Vous êtes en situation de handicap ? Faites en une force et ne lâchez rien. Vous méritez au même titre que les autres de réussir. N’abandonnez pas vos études : ce sont les établissements supérieurs et les entreprises qui doivent s’adapter à vous , et non le contraire. À bon entendeur…

Des associations pour mieux étudier

Parmi les associations qui œuvrent pour améliorer les conditions d’études des étudiants handicapés et les pousser à faire de longues études, deux sont très actives : la FEDEEH (Fédération étudiante pour une dynamique études et emploi avec un handicap) et Starting-block

La première rassemble des bénévoles, issus de différentes associations étudiantes dédiées au handicap, et des anciens étudiants handicapés. Elle gère le programme Phares (par-delà le handicap, avancer et réussir des études supérieures), destiné à favoriser l’accès aux études supérieures. Il s’agit d’un accompagnement dans la durée (de la troisième à la terminale) qui repose sur un tutorat étudiant hebdomadaire et collectif. Cette année, la FEDEEH propose un nouveau type de parrainage, sous la forme d’un tutorat individuel, pour réussir ses études en première année.

La seconde, Starting-block, est connue pour sa campagne annuelle Handivalides qui mobilise, autour d’animations sur les campus, les associations en faveur de l’inclusion des étudiants handicapés dans l’enseignement supérieur. L’association intervient également dans les collèges et lycées.

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