Interview

Handicap et emploi : savoir convaincre

Par Julie Lastérade, publié le 25 septembre 2009
5 min

Caroline Desmerger est chargée du prérecrutement chez Hanploi.com. Elle met en relation candidats et futurs employeurs.

Comment expliquer que si peu d’entreprises parviennent à atteindre les 6 % de salariés handicapés dans leur personnel ?

C’est presque mathématique. 800.000 personnes se sont déclarées en situation de handicap en France, cela représente 4 % des personnes en âge de travailler. Les entreprises doivent en employer 6 %. C’est énorme comparé au nombre de personnes qui se déclarent. Non seulement il faut les trouver, mais il faut qu’elles soient en mesure d’occuper les postes à pourvoir. Il faut aussi savoir que les candidats ne mettent pas forcément leur handicap en avant. C’est d’ailleurs le grand drame de certaines entreprises, elles ont en interne des personnes en situation de handicap qui ont préféré ne pas se déclarer. Les directions du personnel aimeraient bien en déclarer certaines pour respecter les quotas.

Outre le fait de respecter la loi qui impose un quota de 6 % de recrutement de personnes en situation de handicap, quel est l’intérêt, pour une entreprise, d’employer ces jeunes diplômés ?


Le handicap peut finalement être considéré comme une valeur ajoutée. En effet, un étudiant avec un handicap a dû surmonter encore plus de difficultés que les autres pour atteindre son projet professionnel. On peut donc d’office supposer qu’il a une très bonne capacité de conviction et du dynamisme. Sinon il n’en serait pas arrivé là.

Comment expliquer dans ce cas le fort taux de chômage chez les personnes handicapées ?


Certaines idées reçues persistent. L’entreprise s’imagine encore souvent que le handicap, c’est un fauteuil roulant ou une canne blanche, alors que 85 % des personnes en situation de handicap n’ont pas besoin d’aménagement.
Il y a également les craintes liées à l’absentéisme ou à une moindre productivité. Il faut montrer qu’elles ne sont pas fondées. Il est important de rappeler qu’il n’y a pas de différence entre le recrutement d’une personne en situation de handicap et une personne valide. Dans les faits, le chômage concerne surtout les personnes chez qui le handicap est apparu au cours de la vie. Elles ont un deuil à faire, une reconversion professionnelle à entreprendre parce que leur vie a changé. Cela peut demander du temps.

Vous vous chargez de sélectionner des candidats à l’emploi et en situation de handicap pour des entreprises. Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes pour convaincre lors d’un entretien ?


Si je n’avais qu’un conseil à donner, ce serait celui-ci : avoir un projet professionnel validé. Car c’est souvent ce point qui bloque. Trop souvent, les jeunes répondent à une annonce sans trop savoir pourquoi. Ensuite, il faut se renseigner sur l’entreprise, sur son activité, mais aussi sur ses accords en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Et bien sûr, il faut s’entraîner à parler de soi, de son parcours, de son projet professionnel. Enfin, très pratiquement, penser à préparer son itinéraire de manière à arriver à l’heure. Handicap ou pas, la ponctualité est de mise.

Les critères de recrutement d’un jeune handicapé sont-ils différents de celui d’une personne valide ?


Non. Le recrutement se fait toujours sur les compétences. Il doit y avoir adéquation entre les compétences et le poste à pourvoir. Ensuite, le candidat aura peut-être besoin de moyens de compensation. La seule différence est là. Il faudra alors penser à mettre des choses en place pour qu’il puisse occuper son poste de façon efficace. Sinon tout se passe comme pour un recrutement classique.

Pratiquement, à qui envoyer son CV ?


Le postulant envoie sa candidature à la Mission handicap de l’entreprise. Le CV y est lu par une personne formée à ce type d’embauche, qui pourra juger si le candidat convient ou non à un poste à pourvoir. Mais rien n’empêche d’envoyer son dossier en parallèle directement à d’autres services.

Comment aborder le sujet du handicap ? Faut-il en parler ?


Ce qui est important pour l’employeur, ce n’est pas tellement de parler du handicap, qui relève de la vie ­privée, mais plutôt de ses conséquences sur le poste. Pour pouvoir mener à bien sa mission, il faut que le travail soit compatible avec les contraintes liées au handicap. Ensuite, soit l’employeur a abordé le sujet, par exemple en demandant au candidat s’il a des contre-indications ou besoin d’aménagements spéciaux. C’est alors l’occasion pour le postulant de préciser ses besoins. Soit l’employeur n’a pas posé de question. Dans ce cas, libre au candidat de parler ou non de son handicap. Il n’y a pas de réponse toute faite. Cela dépend de chacun et de l’entreprise. Annoncer son handicap avant l’entretien, c’est s’exposer au refus de certains, peu sensibilisés. Le cacher, c’est s’attendre ensuite à une réaction à chaud de l’employeur, car il va être surpris lorsqu’il va le découvrir. L’avantage de ce cas de figure, c’est qu’arrivé à l’entretien, un candidat peut faire changer d’avis un recruteur qui a priori ne l’aurait pas reçu. Cette option impose d’être bien dans sa peau et de pouvoir assumer.

Et par rapport aux collègues ?


Je conseillerais de rester naturel. Si le salarié a besoin de parler de son handicap, pourquoi pas ? Mais à condition de ne pas parler que de cela. Plus on est dans la plainte, plus on se pose en victime, et moins on s’intègre dans une équipe. C’est désagréable de travailler avec des collègues qui se considèrent comme des victimes permanentes.

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