Reportage

Moovjee : les conseils des lauréats pour créer votre start-up

Thibault Duvauchelle (à droite) ingénieur de l'Ecole des ponts ParisTech a créé AVA qui propose aux personnes sourdes une transcription instantanée des conversations
Alexandre et Thibault font partie des lauréats des prix Moovjee 2018. Pour eux, il faut confronter son idée au réel. © Etienne Gless
Par Étienne Gless, publié le 18 avril 2018
9 min

Les prix du Moovjee (Mouvement des jeunes entrepreneurs) récompensent des jeunes créateurs d'entreprise au projet fort et innovant. Marché, recherche de financements, recrutement des talents... L'Etudiant a recueilli les conseils des lauréats 2018 pour celles et ceux d'entre vous qui voudraient à leur tour se lancer pendant ou à l'issue de leurs études.

Un créateur d'entreprise bien accompagné multiplie par trois ses chances de succès. Le Moovjee, le mouvement pour les jeunes et les étudiants entrepreneurs, accompagne les jeunes créateurs d'entreprise de 18 à 26 ans, du CAP à bac+5, en formation ou jeune diplômé. Le 9 avril 2018, le Moovjee décernait ses prix aux plus belles start-up aidées.

"Cette année, nous comptions 37 % de jeunes femmes entrepreneures parmi les porteurs de projet", se réjouit Dominique Restino, le président du réseau d'accompagnement. Bénédicte Sanson, la directrice du mouvement, le justifie ainsi : "nous recherchons des entrepreneurs expérimentés et bénévoles qui, par leur questionnement et leur partage d'expérience, permettent aux jeunes entrepreneurs de trouver leur propre voie et d'élaborer leur propre vision."

L'Etudiant a interviewé plusieurs lauréats du prix Moovjee 2018 avant qu'ils reçoivent leur prix sur la scène du théâtre du Trianon, à Paris, devant 1.400 personnes. Retour d'expériences.

Thibault, fondateur d'AVA : "Testez votre produit dans le monde réel"

"Une des principales difficultés à surmonter, c’est de trouver la bonne solution pour le bon marché. Nous avons fait évoluer le produit pour qu'il corresponde aux vraies attentes des utilisateurs", confie Thibault, 26 ans, fondateur d'AVA. La start-up développe une application pour les personnes sourdes et malentendantes, qui transcrit en temps réel les conversations autour d'elle, en se basant sur les technologies de l’intelligence artificielle.

Pour mettre au point sa solution, Thomas, diplômé de l'École nationale des ponts et chaussées et d'un diplôme d'ingénieur de l'université de Berkeley en Californie, a embauché un directeur de la recherche et développement, Alexandre, 24 ans, diplômé de l'École polytechnique et titulaire d'un mastère spécialisé en mathématiques, vision, apprentissage de l'ENS Cachan.

Aux apprentis entrepreneurs, les deux ingénieurs conseillent de tester au plus tôt leurs hypothèses et leurs produits auprès des utilisateurs : "Trop de créateurs perdent du temps et consacrent un, deux ou trois ans à mettre au point la technologie parfaite pour se rendre compte que personne n’en voulait ! avertit Alexandre. Mieux vaut tester vos hypothèses sur le marché dans le monde réel : est-ce que vos utilisateurs paieront pour acheter votre solution ? Vous disent-ils que votre produit ou service leur est utile ? En parlent-ils à leurs amis ?" La meilleure des technologies ne peut avoir raison contre le marché !

Garance et Karl, créateurs de Yokimi : "Multipliez les hackathons et autres start-up week-ends"

Garance professeur de français et Karl ingénieur diplômé de l'Ecole centrale de Paris ont créé  Yokimi (aide aux devoirs)
Garance professeur de français et Karl ingénieur diplômé de l'Ecole centrale de Paris ont créé Yokimi (aide aux devoirs) © Etienne Gless

"Je participais à un jury où je représentais l'Éducation nationale dans un hackathon et le projet de Karl m'a plu." Garance, 28 ans, professeure de français au collège, et Karl, 25 ans, ingénieur diplômé en 2017 de Centrale Paris, se sont associés pour créer leur entreprise dans le domaine des EdTech. Karl est un spécialiste en intelligence artificielle et en entrepreneuriat, Garance une passionnée de pédagogie.

"Participez à un maximum d'événements liés à l'entrepreneuriat, comme les hackathons et autres start-up week-ends pour rencontrer des gens d'horizons différents et trouver des associés",

suggère Karl. Le duo met au point une application sur Messenger permettant aux élèves de CM1, CM2 et 6e de réviser de façon ludique leurs cours de maths : Yokimi est un peu un professeur de maths virtuel.

Pour l'heure, il s'agit d'un prototype testé dans des écoles publiques et privées. "J'avais le sentiment qu'il fallait faire quelque chose dans le monde de l'éducation, mais je n'étais pas du tout introduit dans ce milieu. En rencontrant Garance, cela m'a permis de faire émerger une solution qui séduit les enfants", rappelle Karl.

"Nous avons su 'pivoter' par rapport au projet initial, souligne l'ingénieur. Au départ, la solution avait été conçue comme un support et une aide pour le professeur en classe. Nous l'avons revue pour qu'elle soit pensée d'abord pour l'élève", ajoute Garance. L'ingénieur et la professeure peaufinent leur projet depuis septembre 2017 sous le statut de micro-entrepreneur : "Déposer des statuts d'une société coûte cher. Un bon plan, c'est de commencer à tester son projet comme auto-entrepreneur. La démarche s'effectue en ligne et c'est gratuit", ajoute Karl.

Johnny, cofondateur de Velco : "Pensez au marché international dès le démarrage"

Johnny Smith, 26 ans, cofondateur de la start-up Velco à Nantes
Johnny Smith, 26 ans, cofondateur de la start-up Velco à Nantes © Etienne Gless

"Notre marché est international et pas seulement français. Nous nous adressons aux cyclistes du monde entier." Johnny, diplômé d'Audencia, est le cofondateur de la start-up Velco, créée durant ses études de commerce avec deux autres étudiants, Pierre et Romain, élèves ingénieurs à l'ESEO. Ambition du trio : lever les freins à la pratique du vélo en ville (vol, insécurité routière, manque d'infrastructures) en proposant des outils connectés à l'instar de leur premier produit, Wink, un guidon connecté.

"Il est en précommande, sa production démarrera dans un mois et demi. Nous avons généré un chiffre d'affaires intéressant et avons déjà un carnet de commandes bien rempli pour l’année 2018", se réjouit Johnny. La mise au point du produit a été plus longue que prévu et il a fallu faire patienter les fans de bicyclette en ville : "Le plus difficile a été d’intégrer la technologie d’un smartphone dans un guidon de vélo, un défi technique qui nous a demandé deux ans de R&D. Nous avons même déposé deux brevets."

La start-up, qui a créé 12 emplois, a déjà reçu plusieurs récompenses pour ses innovations technologiques, dont deux prix au Consumer Electronic Show, lesalon de l’électronique grand public de Las Vegas

en janvier. Elle a aussi remporté un prix au concours Lépine et obtenu le label FrenchTech. Un démarrage sur les chapeaux de roue !

Laura et Alexandra, créatrices de Blue Cargo : "Créez votre entreprise quand vous êtes étudiant, c'est moins risqué !"

Alexandra et Laura créatrices de Blue Cargo prix Moovjee 2018
Alexandra et Laura créatrices de Blue Cargo prix Moovjee 2018 © Etienne Gless

"Le milieu ou la fin de ses études constituent un moment qui n'est pas trop risqué pour entreprendre. On a moins à perdre. On nous donne souvent le conseil inverse : attendre d'avoir travaillé cinq ans dans l'industrie pour devenir meilleures professionnellement. Peut-être, mais les risques sont beaucoup plus élevés à 30 ans", estime Laura, diplômée de l'ENSAE et cofondatrice de Blue Cargo.

"À 24 ans, on risque moins de sacrifier des choses dans sa vie personnelle, comme sa vie de famille, ajoute son associée, Alexandra, étudiante à l'Essec. J'ai même des camarades qui ont créé leur entreprise dès la première année à l'ESSEC. Ils ont bénéficié des services de l'école durant quatre ans pour mûrir et faire décoller leur projet, alors que nous, on commence."

Pour les deux jeunes femmes, les écoles de commerce ou d'ingénieurs sont aujourd'hui très ouvertes à l'entrepreneuriat des étudiants : "Elles sont maintenant capables de bâtir des programmes à la carte pour chaque étudiant qui a un projet". Hébergée par l'incubateur Schoolab, le projet innovant de Laura et Alexandra, est sur le point de donner naissance en mai 2018 à une création d'entreprise : "Nous aidons les opérateurs de terminaux portuaires à stocker leurs conteneurs de manière intelligente", précise Laura. Leur application organise la zone de stockage en prédisant les flux. Pari réussi.

Kevin, créateur d'Ino : "N'allez pas trop vite, vous risquez de multiplier les erreurs et de perdre de l'argent"

Kevin Buisson, diplômé de Grenoble EM et créateur de Ino Algues,  jus de fruits à base d'algues
Kevin Buisson, diplômé de Grenoble EM et créateur de Ino Algues, jus de fruits à base d'algues © Etienne Gless

"Nous avons pu lever facilement 100.000 € auprès des banques. Mais nous avons commis des erreurs de débutant, en faisant trop de choses à la fois", confesse Kevin, 26 ans, diplômé de Grenoble École de management et fondateur de Ino, des boissons aux fruits à base d'algues commercialisées dans des magasins bio. "Nous avons trop dépensé en R&D pour faire le meilleur produit, au lieu de se poser la question de ce qui était vraiment nécessaire. Même constat sur la communication…" reconnaît-il.

Kevin oublie l'échec mais retient la leçon : ne pas confondre vitesse et précipitation. Aller vite, il le faudra cependant s'il veut imposer sa marque dans l'univers très concentré de la grande distribution. La jeune start-up compte ainsi démarcher des sociétés de capital-risque pour lever une nouvelle fois des fonds.

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