Interview

Quel avenir pour les métiers de l'agriculture ?

Par Gabrielle Blanchout, publié le 31 mai 2011
7 min

Nourrir 9 milliards d’humains, c’est, selon les prévisions de l’ONU, le défi qui se posera à l’horizon 2050 . Comment se préparer dès aujourd’hui à ce challenge ? Des experts du secteur agricole donnent leurs conseils pour se lancer dans cet univers professionnel méconnu.

Nicole Le Hir, déléguée régionale de l’APECITA Bretagne (organisme spécialiste de l’emploi dans l’agriculture, l’agroalimentaire et l’environnement).


Nicole Le Hir, déléguée régionale de l’APECITA BretagneQuels sont les métiers qui recruteront d'ici à 5 ans ?
 

"Les exploitations grossissent afin de faire des économies d’échelle, ce qui implique, en proportion, plus de salariés et des emplois plus qualifiés. Les besoins sont particulièrement élevés dans l’élevage porcin et bovin, la production fruitière, l’horticulture, le maraîchage, l’arboriculture et la viticulture. Du côté de la fonction commerciale, mal considérée, on a du mal à attirer les candidats. Pourtant, il y a une forte demande de très bons techniciens ­doublés de bons commerciaux, notamment dans les entreprises d’agrofournitures qui, pour justifier leurs prix élevés, intègrent à leurs produits des services, du conseil ou de l’accompagnement technique."


Quel choix d'études aujourd'hui ?
 

"On vient à l’agriculture parce qu’on aime ça, même si les salaires restent bloqués dans la moyenne, voire la moyenne basse. C’est un milieu très dynamique, à la conjoncture très fluctuante. Les différences entre les exploitations sont énormes, mais il y a des opportunités, avec une tendance à l’internationalisation et du transfert de technologie vers l’Asie ou les pays de l’Est : autant d’opportunités pour de jeunes techniciens et ingénieurs. Le BTS (brevet de technicien supérieur) a toujours une bonne cote, mais viser le niveau licence peut faciliter une éventuelle reconversion."



Patrick Guès, responsable communication à l’Union nationale des MFR (maisons familiales et rurales).


Patrick Guès, responsable communication à l’Union nationale des MFRQuels sont les métiers qui recruteront d'ici à 5 ans ?
 

"Pour s’installer comme exploitant, il faut avoir l’âme d’un chef d’entreprise et du capital. Pour pallier cette difficulté, on voit se développer de nouvelles formes d’installation à caractère sociétaire. Par exemple, un agriculteur proche de la retraite va s’associer avec un jeune à qui il transmettra ensuite son exploitation. À côté de cela, les métiers de la mécanique agricole et de l’agro-équipement sont particulièrement en tension. Le secteur de la forêt devrait aussi être source d’emplois dans les prochaines années, au regard du développement de la construction bois et des énergies renouvelables. 2 secteurs attirent : les métiers du cheval et ceux de l’élevage canin. Ceux qui s’y formeront n’y trouveront pas forcément un emploi, mais cela constitue une belle porte d’entrée vers d’autres métiers du secteur."


Quel choix d'études aujourd'hui ?
 

"La palette des formations dans notre secteur est très large. Cela se reflète dans l’offre des MFR [maisons familiales et rurales], qui va de la 4ème jusqu’au BTS et, hors MFR, jusqu’au diplôme d'ingénieur. Mon conseil est de trouver la formation qui donne envie d’aller le plus loin possible, en gardant en tête qu’on peut toujours accéder au diplôme de niveau supérieur par le biais de passerelles. Il faut aller voir un maximum d’établissements (dans le public, le privé, les MFR…) car dans l’enseignement agricole, chacun a sa spécialité et sa manière de fonctionner."



Stéphane Honorat, viticulteur dans les Bouches-du-Rhône, secrétaire général adjoint du syndicat des JA (Jeunes agriculteurs).


Stéphane Honorat, secrétaire général adjoint du syndicat des JA (Jeunes agriculteurs)Quels sont les métiers qui recruteront d'ici à 5 ans ?
 

"Le métier d’agriculteur évolue en fonction de son environnement, c’est-à-dire ses consommateurs, mais aussi son territoire et les politiques locales, nationales et européennes. Après un fort développement des grandes surfaces, on revient aujourd’hui sur des marchés dits de proximité. Quand on est producteur, on a une liberté d’action très intéressante, avec la possibilité de gérer son emploi du temps comme on le souhaite et celle d’exprimer ses envies et ses passions. Par exemple, en ce qui me concerne, je suis viticulteur, mais je travaille également sur des nouveautés en termes de packaging de mes bouteilles. Car c’est aussi un métier d’innovation, afin d’attirer le plus grand nombre de consommateurs et d’avoir le meilleur revenu possible."


Quel choix d'études aujourd'hui ?
 

"Notre optique : plus on est formé, mieux on est à même d’appréhender les problèmes. On a d’abord à assurer sa production, mais on peut aussi être conduit, comme tout chef d’entreprise, à gérer du personnel, des investissements… À l’heure actuelle, pour bénéficier des aides et de l’accompagnement à l’installation, il faut avoir au moins le BTA [brevet de technicien agricole]/bac pro. Mais le BTS est notre niveau de référence, par exemple le BTSA analyse et conduite de systèmes d’exploitation."



Samuel Maignan, chargé de mission à la FRAB (Fédération régionale des agrobiologistes) de Champagne-Ardenne.


Samuel Maignan, chargé de mission à la FRAB (Fédération régionale des agrobiologistes) de Champagne-ArdenneQuels sont les métiers qui recruteront d'ici à 5 ans ?
 

"Il y a une carence en conseillers techniques spécialisés en agriculture biologique. Comme la France a un gros retard à rattraper dans ce domaine, la tendance devrait se maintenir. Les effectifs sont notamment à la hausse sur des postes traitant des thématiques transversales, par exemple qualité de l’eau et agriculture biologique."


Quel choix d'études aujourd'hui ?
 

"L’agronomie fondamentale, c’est la base de l’agriculture et ce qui fait la noblesse du métier d’agronome. Je mets en garde ceux qui seraient tentés de tout miser sur l’apprentissage de techniques ­agricoles sans s’interroger sur leur usage chez les agriculteurs. Dans nos recrutements, à la FRAB, la motivation pour l’agriculture bio et pour le projet que notre réseau porte a toujours été le premier facteur. Même si, au final, nous sommes tous ingénieurs agri ou agro, la formation initiale n’est pas le principal critère de recrutement. La motivation sincère pour un travail est essentielle quand on veut faire du développement."



Sylvain Carof, agriculteur et ancien maître de conférences associé à l’IUT (institut universitaire de technologie) de Brest.


Quels sont les métiers qui recruteront d'ici à 5 ans ?
 

"Selon moi, l’évolution majeure sera la concentration des exploitations. Les agriculteurs devront être très compétents dans des domaines étroits de l’agriculture en tant que fournisseurs de matières premières. L’image de l’agriculteur “multimétier” (maçon, mécanicien…) va s’estomper car cette polyvalence l’empêche d’être véritablement efficace dans sa spécialisation. Il va donc falloir des agriculteurs qui soient aussi d’excellents techniciens avec de solides connaissances scientifiques, mais également des gestionnaires, capables d’externaliser une partie de leurs tâches à long et à court termes (certaines décisions liées au climat sont à prendre dans l’heure, par exemple). Tout cela implique une certaine marge de manœuvre financière."


Quel choix d'études aujourd'hui ?
 

"Certains candidats qui viennent à l’IUT pour obtenir une formation technique sont un peu méprisants vis-à-vis de la science, pourtant elle reste le support de la technique. Quelque 80% de nos diplômés poursuivent leurs études après leur DUT (diplôme universitaire de technologie). Il y a une forte concurrence sur les formations post-bac+2, je conseille donc de se méfier un peu. Certaines formations font miroiter salaires élevés et postes de cadres dits à haute responsabilité, mais il faut garder les pieds sur terre. D’autant que les recruteurs semblent lassés des formations d’ingénieurs trop orientées vers la communication ou le commerce. Ils ont besoin de jeunes solides dans les matières scientifiques et en mesure de devenir des stratèges visionnaires capables de relever les défis à venir."

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