Interview

Quel avenir pour les métiers de l’humanitaire?

Par Gabrielle Blanchout-Busson, publié le 29 octobre 2010
1 min

Tremblement de terre en Haïti, inondations au Pakistan, crise alimentaire au Niger… Toutes ces catastrophes vous donnent envie d’agir? Nos experts vous conseillent sur la meilleure stratégie de formation à adopter pour parvenir à aider les autres tout en travaillant.

Thomas Scrive, directeur de Un enfant par la main (association de parrainage d’enfants et de financement de microprojets).


Thomas ScriveQuels sont les métiers qui recruteront d’ici 2015 ?
 
"Sur le terrain, les besoins resteront importants au niveau des fonctions d’encadrement, du type chef de mission ou chef de projet. Il y a également un besoin constant de spécialistes dans certains domaines techniques, comme la sécurité alimentaire ou les problématiques liées à l’assainissement. Même chose pour les experts en protection des personnes, chargés de s’assurer que les populations sur le terrain voient leurs droits fondamentaux respectés."

Quel choix d’études aujourd’hui ?
 
"Les formations généralistes, du type école de commerce, restent pertinentes pour accéder aux fonctions de soutien administratif ou logistique, mais il existe d’autres formations, notamment à l’université, qui permettent de se spécialiser ou d’acquérir une double spécialisation quand on est déjà diplômé en droit, en agronomie, etc. Cependant, la motivation, l’engagement, la maturité et les capacités d’adaptation priment sur le diplôme. Toutes choses que les candidats doivent démontrer à travers leurs engagements associatifs."

Olivier Benquet, responsable du service recrutement et parcours de l’ONG Action contre la faim.


Olivier BenquetQuels sont les métiers qui recruteront d’ici 2015 ? 
 
"Je conseille aux étudiants qui souhaitent travailler dans l’humanitaire de se demander d’abord quel métier ils souhaitent y exercer, puis d’orienter leur stratégie d’études en fonction de ce métier-là. En termes de volume, on demande beaucoup d’ingénieurs. Ils interviennent sur des postes de chargé de projet dans une multitude de domaines, de la gestion de l’eau à la logistique. Nous avons aussi besoin de nutritionnistes, mais il existe peu de formations en France qui apportent les compétences recherchées sur le terrain, en malnutrition par exemple."

Quel choix d’études aujourd’hui ?
 
"Aujourd’hui, le gros des ressources humaines est embauché sur le terrain. Cela fait partie de notre mandat d’ONG [organisation non gouvernementale] de soutenir le marché de l’emploi local. Il faut donc que ceux qui par­tent apportent quelque chose de plus : des compétences en management de projet et d’équipe, des capacités d’abstraction, une spécialisation rare, etc. Un nutritionniste, diplômé par exemple du master 2 spécialité nutrition, agrovalorisation en santé publique de Montpellier 1, avec une petite expérience, trouvera sans problème une mission à l’international. Les infirmiers, s’ils ont l’objectif de travailler dans l’humanitaire, sont assurés de trouver du travail dans le secteur avec 1 ou 2 années d’expérience et/ou une spécialisation en gestion de projet ou en gestion d’équipe, via l’IFAID (Institut de formation et d'appui aux initiatives de développement) Aquitaine par exemple."


Ghislain Brégeot, directeur d’IFAID (Institut de formation et d’appui aux initiatives de développement) Aquitaine, membre de coordination SUD (Solidarité, urgence, développement).


Ghislain BrégeotQuels sont les métiers qui recruteront d’ici 2015 ?
 
"Les fonctions les plus recherchées sont celles que l’on a du mal à trouver sur place. Je pense notamment aux coordinateurs de projet, qui vont permettre à des gens de différents horizons de travailler ensemble. C’est une fonction maîtresse parce qu’elle implique une autre fonction importante : la médiation. Celle-ci fait le lien entre ceux qui ont des besoins (les pays, les collectivités locales, les acteurs de la société civile, etc.) et ceux qui ont des moyens financiers (les bailleurs de fonds)."

Quel choix d’études aujourd’hui ?
 
"En termes de formation, on recherche le mouton à 5 pattes ! Les candidats doivent avoir des compétences techniques et, en même temps, des compétences en gestion de projet, management des ressources humaines, gestion financière… Il est aussi important de réfléchir dès sa formation à ce qui vient après la période des missions sur le terrain. Celle-ci dure en moyenne de 3 à 5 ans, avant que l’usure, ou tout simplement la vie familiale, ne conduise les professionnels à rechercher des postes en France. Choisir une formation qui prenne également en compte le développement local et l’aménagement du territoire permet aussi d’anticiper sur le long terme."

Anne Le Naëlou, sociologue, maître de conférences, responsable du master 2 crises, interventions d’urgence et actions de développement à l’IEDES (Institut d’études du développement économique et social) de Paris 1.


Anne Le LaëlouQuels sont les métiers qui recruteront d’ici 2015 ?
 
"La tendance, aujourd’hui, est au travail à long terme, pas seulement dans l’urgence. Cela implique d’avoir des personnes qui comprennent bien le terrain, qui peuvent se rendre en Haïti, par exemple, et accompagner le développement en s’appuyant sur le tissu social existant. Il faut un niveau de compréhension et de synthèse qui manque parfois aux techniciens. À côté de cela, il y a également besoin de juristes et d’experts en coopération internationale, qui soient capables d’anticiper les problèmes juridiques que peut impliquer l’aide d’urgence (par exemple, quand il est nécessaire de capter l’eau d’un endroit)."

Quel choix d’études aujourd’hui ?
 
"L’université propose beaucoup de formations. Certaines se complètent, comme les 2 masters 2 de Paris 1 : le master 2 de coopé­ration internationale, action humanitaire et politique de développement, et celui de l’IEDES. On peut aussi citer, à Paris Est-Créteil-Val-de-Marne, le M1 et M2 action humanitaire internationale et ONG, une formation très pratique. Toutes ces formations reçoivent de nombreuses candidatures. Avoir fait un peu de terrain, par des stages et autre, et savoir en parler par écrit et par oral, voilà qui fait la différence."

Bertrand Quinet, responsable des formations longues professionnelles à l’association Bioforce.


Bertrand QuinetQuels sont les métiers qui recruteront d’ici 2015 ?
 
"Les besoins portent sur des profils solides dans le domaine de la gestion et de la finance. Les budgets des grands acteurs du secteur peuvent en effet atteindre plusieurs millions d’euros, et exigent des compétences dans le domaine de la recherche de fonds et dans les relations avec les bailleurs."

Quel choix d’études aujourd’hui ?
 
"Beaucoup d’étudiants veulent partir après une formation universitaire mais ne sont pas en capacité de le faire, car les ONG demandent une expérience professionnelle préalable. Nos formations sont perçues comme des formations très opérationnelles, qui viennent compléter un enseignement théorique, et incitent les ONG à être moins exigeantes quant à l’expérience. Pour les profils opérationnels, celles-ci seront moins regardantes sur l’expérience."

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