Décryptage

Vrai ou pas ? “Les diplômes ne valent plus rien” et autres idées reçues sur l’emploi

Par Emmanuel Vaillant, publié le 27 septembre 2012
1 min

Philippe Frémeaux, auteur de “Vingt idées reçues sur les métiers, l’emploi et le travail”. Les diplômes qui ne valent plus rien, les métiers dans l’industrie qui seraient en voie de disparition, le temps de travail qui devrait s’allonger… nombreux sont les clichés sur l’emploi. Philippe Frémeaux, éditorialiste au magazine “Alternatives économiques”, y consacre un livre : “Vingt idées reçues sur les métiers, l’emploi et le travail”. Nous l’avons rencontré pour en passer certaines au crible. L’occasion pour lui d’apporter quelques conseils pour se lancer sur le marché du travail.


Idée reçue n° 1

“On ne sait pas quels seront les métiers porteurs dans 10 ans.”


FAUX. “Au risque de décevoir, la vérité est que la plupart des métiers de demain seront ceux d’aujourd’hui. Nous aurons toujours besoin de cuisiniers, de chercheurs, d’enseignants, d’ingénieurs, de policiers, de maçons… parce que les besoins sociaux sont relativement stables et la façon de les satisfaire évoluent lentement.

À quelques exceptions près, ce ne sont pas les métiers eux-mêmes qui changent, mais les conditions et les manières de les exercer. À cause de l’évolution des technologies, de la mondialisation, de nos modes de vie et des modèles d’organisation dans l’entreprise… On le voit par exemple avec le métier d’assistante qui n’a plus rien à voir avec le travail de dactylo. Tous ces changements imposent plus de qualifications dans chaque métier.”


Idée reçue n° 2

“Nous allons tous devoir changer 5 fois de métier dans notre vie.”


FAUX, MAIS… “Par choix ou par nécessité, nombreuses sont les personnes qui changent de métier au cours de leur vie. Cette mobilité concerne d’ailleurs plutôt les jeunes. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier. On s’aperçoit même que la montée du chômage conduit nombre de salariés à s’accrocher à leur poste. Ce qui change c’est qu’il y a de plus en plus de métiers qui s’exercent de manières très différentes au fil du temps.

C’est par exemple le cas des ingénieurs qui débutent dans la technique sur leur domaine de spécialité avant d’évoluer vers le techno-commercial puis le management. Sachez aussi que moins de la moitié des jeunes entrés sur la marché du travail occupent un emploi qui correspond exactement à leur spécialité de formation.”


Idée reçue n° 3


“Les diplômes ne valent plus rien.”


FAUX. “Des jeunes, souvent les plus défavorisés socialement, se demandent encore quel est intérêt de poursuivre des études longues. D’autant plus quand ils voient que, dans certaines filières, l’insertion des plus diplômés n’est pas évidente. On ne répètera jamais assez que la détention d’un diplôme est la meilleure garantie contre le chômage.  (lire à ce propos notre article : “Insertion professionnelle : les grandes écoles restent des valeurs sûres pour l'emploi”).

Et si certains diplômés, notamment à bac + 5, peuvent avoir des entrées sur le marché du travail difficiles et chaotiques, à long terme leur formation leur assure une bonne insertion et une bonne progression dans l’entreprise.”
 


Idée reçue n° 4

“L’industrie va disparaître.”


FAUX. “Il n’est pas question de minimiser les difficultés de l’industrie, mais il faut les relativiser. Si beaucoup d’emplois industriels disparaissent, d’autres se créent. Le nombre de cadres techniques de l’industrie continue à progresser. Ce sont surtout les emplois les moins qualifiés qui ont chuté de manière spectaculaire du fait des gains de productivité et des délocalisations.

Par ailleurs, on constate qu’une grande partie des emplois concernant l’industrie ne sont pas comptés dans l’emploi industriel : les fonctions les plus qualifiées sont externalisées auprès de sociétés d’ingénierie qui sont considérées comme des services. Dire que nous allons tous travailler dans les services et que l’industrie n’a pas d’avenir est une erreur grossière.”
 


Idée reçue n° 5

“Il n’y a plus de ‘vrais’ métiers.”


VRAI, MAIS… “C’est le sentiment que la plupart des enfants éprouvent quand ils questionnent leurs parents sur leur profession. À part des métiers très identifiés (le médecin qui soigne, l’enseignant qui enseigne, l’avocat qui défend…), de très nombreux métiers exercent des tâches fonctionnelles qui ne sont pas faciles à décrire. Par exemple, il est difficile de décrire le travail d’un rédacteur en chef d’un magazine économique qui coordonne, anime des réunions, écrit un peu…

Pour autant, derrière ces tâches fonctionnelles il y a des compétences précises liées au métier : savoir écrire, avoir une culture économique… En examinant de près le fonctionnement du marché du travail, on s’aperçoit que les entreprises exigent de plus en plus une double compétence : un savoir-faire lié au métier et une capacité à l’appliquer.”

 

Idée reçue n° 6

“L’économie verte va créer beaucoup d’emplois.”


PAS SÛR… “Contrairement aux discours politiques, rien ne permet de prévoir ce que serait l’effet sur l’emploi d’une vraie transition écologique. Certes, de nouvelles activités se développent comme les éoliennes : de 5.000 emplois aujourd’hui à 60.000 prévus en 2020. Cela concerne de jeunes recrues mais aussi des personnes (ingénieurs, mécaniciens…) qui viennent d’autres secteurs (automobile, aéronautique…).

Prenons aussi l’exemple des bâtiments à haute qualité environnementale : ils utilisent d’autres matériaux, d’autres normes, mais les métiers (architectes, chef de travaux, chauffagistes…) sont inchangés. Ils évoluent en compétences, pas en nombre.

De plus, une société moins productiviste soucieuse notamment de réduire l’obsolescence des produits pourrait tout aussi bien mobiliser une moindre quantité de travail. L’augmentation constante du contenu de nos poubelles depuis un siècle peut très bien s’inverser, ce qui ferait baisser le nombre d’emplois dans le retraitement de nos déchets…”

  

Idée reçue n° 7

“Tous les emplois sont devenus précaires.”


FAUX, MAIS… “La précarité s’est développée avec le chômage. Les faits sont là : les trois quarts des embauches se font aujourd’hui sous forme de CDD (contrats à durée déterminée), intérim, temps partiels non choisis… Pour autant, tous les emplois ne sont pas devenus précaires. La grande majorité des emplois en France (87 %) demeurent en CDI (contrats à durée indéterminée). Pour des raisons simples : les entreprises ont besoin de garder leurs salariés bien formés qui connaissent bien leur travail.”

  

Idée reçue n° 8

“Tous les métiers sont ouverts aux filles.”


VRAI, MAIS… “À l’évidence, nombre de professions restent très féminisées, souvent dans des métiers peu qualifiés et peu reconnus. Ce sont les métiers qui sont l’extension des tâches traditionnellement dévolues aux femmes dans l’espace domestique : les métiers du soin, de l’entretien, de l’éducation, de l’esthétique… À l’inverse, des métiers restent très masculins, à l’exemple de la mécanique.

Cela dit, étant donné leur réussite scolaire, les femmes accèdent progressivement à de nombreux métiers qualifiés, même si le mouvement est plus lent dans les filières scientifiques. C’est dans les métiers qui recrutent sur concours (notamment les emplois de la fonction publique, les médecins, les professionnels du droit) que la discrimination est la moins forte.


Idée reçue n° 9

“Il faudra travailler plus demain.”


FAUX. “Dire qu’il faut ‘travailler plus pour gagner plus’, c’est considérer que l’on est entré dans une période de stagnation où il n’y a plus de progrès économique. Parce que le fondement d’une économie qui fonctionne est lié aux gains de productivité. En longue période, les progrès de la productivité ont précisément permis à l’humanité de moins travailler tout en vivant mieux. En 2012, nous travaillons sur la vie active 3 fois moins qu’en 1900.

 
À LIRE

“Vingt idées reçues sur les métiers, l’emploi et le travail”, de Philippe Frémeaux, éditions Les petits matins (2012), 12 €.

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