Interview

L’"après-Charlie" : et si on poursuivait le débat sans tabou ?

Samuel Grzybowski_ Président et fondateur de Coexister. Co auteur de "L'après-Charlie, 20 questions pour en débattre sans tabou"
Samuel Grzybowski, président et fondateur de Coexister. Coauteur de "L'après-Charlie, 20 questions pour en débattre sans tabou". © Photo fournie par le témoin
Par Isabelle Dautresme, publié le 13 octobre 2015
1 min

Neuf mois après les attentats parisiens, parlez-vous encore des événements entre élèves ou avec vos profs ? Pour nourrir votre réflexion, mais aussi confronter les points de vue, la lecture de “L’après-Charlie : 20 questions pour en débattre sans tabou”, pourrait être riche d'enseignements. Rencontre avec l'un des auteurs.

"Est-on obligé de dire : Je suis Charlie ?", "Pourquoi les synagogues sont-elles protégées et pas les mosquées ?", "Pourquoi toute la presse fait-elle la leçon aux musulmans ?"... Telles sont quelques-unes des questions auxquelles un petit livre intitulé "L'après-Charlie : 20 questions pour en débattre sans tabou" tente de répondre. Rencontre avec Samuel Grzybowski, président-fondateur de Coexister et coauteur de l'ouvrage.

Comment est né le projet de ce livre ?

L’idée de ce livre est né du sentiment de délitement de la société française suite aux attentats de "Charlie Hebdo" et de l’Hyper Cacher en janvier 2015. Alors que des marches républicaines s’organisaient un peu partout en France pour dire "non" au terrorisme, les premières critiques émergeaient. Des lycéens ont refusé de respecter la minute de silence, les thèses complotistes se multipliaient sur Internet, des mosquées ont été attaquées…

Lylia Bouzar (présidente du CPDSI – Centre de prévention des dérives sectaires liées à l’Islam), Jean-Louis Bianco (président de l’Observatoire de la laïcité) et moi-même avons eu l’idée de ce livre. Le principe est simple : nous avons sélectionné une vingtaine de questions que se posent les jeunes, notamment sur les réseaux sociaux, et avons tenté d’y répondre. À six : nous trois et trois jeunes contactés par Twitter. L’idée est de montrer que, pour une même question, il y a plusieurs réponses possibles. Chacune apportant un éclairage différent et complémentaire.

Ces questions recouvrent des problématiques très diverses qui vont de la liberté d’expression à la laïcité, en passant par les discriminations, les théories du complot...

Ces questions vous ont-elles surpris ?

L’association Coexister intervient dans les lycées sur le thème du vivre ensemble depuis 2009. Habituellement, les questionnements des lycéens tournent autour des convictions religieuses, des préjugés, du racisme... Après "Charlie", on en a vu émerger de nouvelles. Du type : “Est-on obligé de dire : je suis Charlie” ?, ou “ Pourquoi la laïcité est contre l’islam ?", ou bien encore “Pourquoi ne dit-on pas que les musulmans sont les premières victimes du djihadisme ?” La question de Dieudonné revient aussi tout le temps. Ces jeunes ont le sentiment que l'indignation est à “géométrie variable”. Les médias, les politiques ne traitent que de la souffrance occidentale. La preuve, ils sont nombreux à dénoncer que “le massacre de près de 2.000 musulmans au Nigeria n’ait fait l’objet que d’une brève.

Quel objectif visez-vous avec ce livre ?

Nous cherchons à susciter le débat. Les jeunes ont l’impression de ne pas être écoutés. Ils ont parfois le sentiment d’être exclus, de ne pas avoir droit de cité, voire d’être invisibles.

"En donnant la parole aux jeunes, on les incite à modérer leurs propos"

Or, il faut qu’ils puissent exposer leurs idées, leurs points de vue sur tous les sujets. Aucun n’est tabou. Ce qu’on a constaté, c’est qu’en leur donnant la parole, on les incite à modérer leurs propos. Pour s’en convaincre, il suffit de lire les réponses données par les jeunes dans le livre. Le plus souvent la réflexion l’emporte sur l’émotion.

Quel rôle peut jouer l’école pour favoriser ce “vivre ensemble” ?

L’école doit donner aux élèves les clés pour comprendre les différentes religions. C’est pourquoi nous appelons à ce que tous les élèves suivent un enseignement laïque du fait religieux, qui doit être une matière à part entière.

Par ailleurs, il est du devoir de l’école de créer du lien entre les élèves. Pour cela, il faut pouvoir les faire dialoguer. L’école doit donc encourager les débats, multiplier les espaces de concertation. L’EMC (enseignement moral et civique) est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant.

EST-ON OBLIGÉ DE DIRE "JE SUIS CHARLIE" ?
Ci-dessous, extrait de L'après-Charlie, 20 questions pour en débattre sans tabou”, de Samuel Grzybowski, aux Editions de l'Atelier.






publié par LEtudiant.fr

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