Interview

Les 20 ans d'Olivier Berthe, président des Restos du cœur

Les 20 ans d'Olivier Berthe, président des Restos du cœur
Les 20 ans d'Olivier Berthe, président des Restos du cœur © Jacques Witt/ Les Restos du coeur
Par Marie-Anne Nourry, publié le 21 février 2014
1 min

Dès 1986, Olivier Berthe s’est engagé pour venir en aide aux plus démunis, mais a toujours choisi de rester bénévole. De l’école de commerce d’Amiens à l’association de Coluche, rencontre avec un militant convaincu.


Quel genre d'élève étiez-vous au lycée ?

 

J'étais sérieux, mais je n'avais pas toujours de très bonnes notes. J'ai mis du temps à comprendre que mes facilités au collège nécessitaient plus d'investissement dans le travail au lycée. Très curieux, je pouvais passer des heures à lire la presse. En revanche, je ne voyais pas l'intérêt d'approfondir une matière pour devenir expert d'une formule algébrique. Il a fallu que j'attende la prépa et l'école de commerce pour apprendre à travailler. Le lycée m'a juste appris à bachoter.

Un professeur a-t-il influencé votre parcours ?

 

Oui, mais c'est une influence en creux ! Un professeur de physique a réussi à me dissuader d'étudier sa matière. En terminale, il enseignait le programme de prépa et estimait que les élèves largués les deux premiers mois de l'année étaient perdus. Cette attitude élitiste m'a donné de profondes convictions personnelles. Si on décroche une fois, cela ne signifie pas qu'on décrochera toujours. Il faut éviter les jugements expéditifs.

Comment avez-vous choisi votre orientation ?

 

Je l'ai choisie en première, quand j'ai compris que les sciences ne me plaisaient pas. J'aimais l'économie, mais j'étais conscient que la société devenait plus dure. Pour travailler dans un secteur intéressant, il me fallait une formation solide. J'étais attiré par le marketing, la voie prépa et école de commerce s'est vite imposée.

Qui a fait naître votre engagement militant ?

 

Ni mes parents ni mes sœurs aînées n'étaient impliqués dans la vie associative. Mon engagement est né d'une réflexion personnelle : si on pense que les choses peuvent changer, il faut essayer de les faire changer de l'intérieur. C'est d'abord passé par la politique. Quand François Mitterrand a été élu président de la République, j'avais 15 ans et je tenais un journal de campagne. Je ne peux pas expliquer pourquoi ça m'a passionné ! Dans la foulée, j'ai adhéré à une formation politique [l'UDF, NDLR]. J'avais envie d'être acteur de la société dans laquelle je vivais, pas simplement spectateur. J'ai alors rencontré Gilles de Robien, le futur maire d'Amiens. Il se battait pour sa ville, ça m'a profondément marqué. Cela fait plus de vingt ans que je n'ai aucune adhésion et aucun militantisme politiques, mais, à 15 ans, on est exalté et un peu plus caricatural dans ses prises de position !

Comment étiez-vous perçu par vos camarades ?

 

Je faisais partie des personnes avec qui on aimait discuter, mais mes centres d'intérêt n'étaient pas ceux de ma génération. Dans le cadre de mon engagement dans la vie publique, je fréquentais des gens plus âgés que moi à l'extérieur du lycée. D'ailleurs, je pense qu'on n'est pas forcé de s'enfermer dans la même communauté, les mêmes idées, les mêmes pratiques. Au contraire, c'est sain d'avoir plusieurs cercles.

Vous êtes entré en prépa économique. Quel souvenir en gardez-vous ?

 

En prépa, on change de dimension. Certaines semaines excédaient les soixante heures de travail intensif. Cependant, je n'ai jamais mis mes activités extrascolaires entre parenthèses. J'avais 18 ans, le permis, une voiture, ce n'était pas une vie de moine ! J'ai d'ailleurs participé à la campagne législative de Gilles de Robien en même temps que je passais les concours blancs. La prépa, c'est 90 % de travail, mais on peut garder des fenêtres ouvertes sur le monde extérieur.

 

"Je n'ai jamais voulu vivre de mon engagement militant, pour qu'il reste indépendant et libre"
 

Et vos études en école de commerce ?

 

Autant la prépa était ardue et nécessitait beaucoup d'abnégation, autant j'ai un souvenir excellent de ces années. J'ai choisi l'ESC (école supérieure de commerce) d'Amiens [aujourd'hui FBS Amiens, NDLR] en raison de mon engagement politique dans la ville. Elle se présentait alors comme l'école de la personnalité et mettait les plus forts coefficients sur les matières littéraires. Ce qui m'a permis de rencontrer des gens très divers. On a souvent une vision caricaturale de ces écoles, mais je n'ai pas eu l'impression d'entrer dans un moule unique. On sortait du scolaire pour entrer dans la préparation à la vie professionnelle. Et c'était ce que j'attendais.

C'est par le biais de l'ESC d'Amiens que vous avez rejoint les Restos du cœur…

 

Quand Coluche a lancé les Restos du cœur, en 1985, son entourage lui a conseillé de faire appel aux étudiants d'ESC pour l'aider à ouvrir des structures en province. À mon arrivé à l'école, Coluche venait de se tuer en moto, mais ses équipes voulaient tenter une deuxième année de Restos. Les étudiants ayant contribué à lancer les centres à Amiens cherchaient du renfort. Je me suis donc porté volontaire. L'initiative de Coluche entrait en résonance avec mes aspirations. Il dénonçait, mais il cherchait aussi à faire quelque chose. J'ai commencé par m'occuper de la gestion des stocks. J'avais une voiture, et j'étais aussi chargé de démarcher les mairies pour ouvrir d'autres centres dans le département. Au bout de deux ans, étant un ancien parmi les étudiants, j'ai été élu président de l'association dans la Somme.

Une fois dans la vie active, vous avez mis fin à votre engagement politique pour vous consacrer aux Restos. Pourquoi ?

 

À la sortie de l'école, j'ai été élu sur la liste de Gilles de Robien à la mairie d'Amiens. En parallèle, j'ai trouvé par hasard un premier job de chargé de mission à l'ESC d'Amiens. Un poste intéressant mais peu évolutif. Deux ans plus tard, j'ai candidaté pour la compagnie d'assurances MMA, qui recrutait des "jeunes managers", et j'ai pris la décision de ne pas renouveler mon mandat à la mairie. Je m'impliquais de plus en plus aux Restos du cœur et je n'avais pas envie de devenir un homme politique. Contrairement à ce que je pensais quand j'avais 15 ans, il n'y a pas que l'action politique qui peut faire évoluer la société.

Vous avez entamé votre onzième année en tant que président des Restos du cœur.

 

Après avoir occupé diverses positions au sein de l'association, j'ai été élu président en 2003 et réélu tous les ans depuis. À côté, j'ai poursuivi ma carrière chez MMA et je suis aujourd'hui directeur technique. Dès que j'ai un peu de temps libre, je le consacre aux Restos du cœur. De septembre à avril, je travaille une à deux heures tous les soirs, pendant la pause-déjeuner, la moitié du week-end, des vacances et pendant les congés spéciaux. J'ai l'impression d'avoir transmis le virus du militantisme à mes trois enfants. L'idée que cette société puisse être plus équitable est profondément ancrée en chacun d'eux. À son initiative, ma fille de 19 ans a d'ailleurs passé une année aux Restos du Mans.

Les associations se sont professionnalisées, mais vous préférez rester bénévole…

 

Je n'ai jamais voulu vivre de mon engagement militant, pour qu'il reste indépendant et libre. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu devenir un homme politique. Quand le salaire dépend d'un engagement militant, on entre dans des zones de concession. C'est en tout cas ma vision des choses et je me l'impose.

Quel conseil donneriez-vous aux lycéens qui veulent travailler dans l'humanitaire ?

 

Soyez réellement convaincu et engagé. On ne peut pas être efficace si on n'est pas sincère. Mais, attention, soyez toujours un super pro ! À titre bénévole, je suis un militant convaincu mais, quand je travaille pour les Restos, je le fais avec professionnalisme, sans idéalisme naïf. On n'a pas le droit de se planter, car le sort de personnes en difficulté qui comptent sur nous en dépend. Comme disait Coluche, on peut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.

 

Biographie express
1966 : naissance le 2 janvier dans l'Oise (60).
1981 : se passionne pour la campagne présidentielle et adhère à un parti politique.
1984 : obtient le bac scientifique à Amiens, entre en prépa commerciale et participe à la campagne législative.
1986 : intègre l'ESC d'Amiens et s'engage bénévolement dans les Restos du cœur.
1989 : service militaire et est élu sur la liste de Gilles de Robien à la mairie d'Amiens.
1991 : entre chez MMA, où il travaille encore aujourd'hui, et met un terme à son engagement politique pour se consacrer aux Restos du cœur.
2003 : est élu président des Restos du cœur.

 

Et si c'était à refaire ?

Olivier Berthe a passé le T.O.P (Test Orientation & Potentiel), le test d'orientation de l'Etudiant. A-t-il le profil d'un étudiant d'école de commerce devenu président des Restos du cœur ?

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Son profil, son métier

Un profil "Entreprenant Social" avant tout, complété par les pôles "Conventionnel" et "Investigateur". Il est logique que la capacité à agir et le besoin d'être utile soient dans les pôles "Entreprenant" et "Social", la combinaison dominante d'Olivier Berthe. Action et dévouement caractérisent le président des Restos !

Dynamique, la personnalité entreprenante sait prendre des décisions et des initiatives. Sa confiance en soi l'aide à persuader les autres pour promouvoir les projets et arriver à ses fins. Des atouts qui, combinés au pôle "Social", correspondent bien à celui qui préside aujour­d'hui les Restos du cœur… Non seulement le contact, la communication, l'échange se trouvent dans le pôle "Social", mais aussi le besoin de dévouement et d'utilité sociale. C'est d'ailleurs pendant ses années d'études en école de commerce qu'il s'est engagé en tant que bénévole auprès des Restos du cœur.

Les postes qu'Olivier Berthe a occupés aux Restos du cœur correspondent bien à la combinaison de ses trois pôles dominants, de la logistique au management et à la coordination : gestion de stocks, trésorerie, responsabilités départementales, puis la présidence nationale.

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