Interview

Les 20 ans d'Oxmo Puccino : "Je n'avais jamais écrit auparavant"

Les 20 ans d'Oxmo Puccino : "Je n'avais jamais écrit auparavant"
Les 20 ans d'Oxmo Puccino : "Je n'avais jamais écrit auparavant" © DR
Par Céline Authemayou, Clothilde Hanoteau, publié le 27 juin 2014
1 min

Rappeur adulé par le public et encensé par la critique, Oxmo Puccino a gardé de son passage au lycée un souvenir doux-amer. Il revient sur ses années furtives à l’université, qu’il lâchera pour conquérir la scène et multiplier les bons mots.

Vous avez passé votre enfance et votre adolescence à Paris. Quels souvenirs gardez-vous de votre période lycéenne ?

 

Les souvenirs sont très mitigés... Dans la vie d'un adolescent, le lycée est l'avant-dernière étape avant la vie active. Les sentiments sont mêlés : il y a le stress des parents qui veulent votre réussite, il y a les notes qui doivent être bonnes, le redoublement à éviter, l'orientation qu'il faut choisir... À cet âge, comment savoir ce que nous voudrons faire le reste de notre vie ? Comment prendre les bonnes décisions ? J'ai eu l'impression qu'on me jetait des choix, sans tenir compte de ce que je pensais ou de mon potentiel.

Le lycée, c'est aussi le moment où l'adolescent rencontre des personnes qui joueront un grand rôle dans la construction de sa personnalité. Souvent, ces personnes sont des professeurs. Est-ce votre cas ?

 

Absolument ! Plusieurs professeurs ont bouleversé ma façon d'apprendre et de voir le monde. Je me souviens notamment d'une professeur de lettres, Mme Mas. Elle était très cultivée, généreuse, et ne vivait que pour les livres ! Elle m'a appris le grec, le latin, le sens des mots... Elle m'a aussi appris à exprimer mes idées, à faire en sorte que celles-ci ne changent pas d'apparence entre le moment où elles vous viennent à l'esprit et l'instant où vous les communiquez.

Étiez-vous plutôt bon élève ?

 

Une phrase revenait toujours sur mes bulletins de notes : "Peut mieux faire" ! À vrai dire, tout est question d'envie. Après le collège, j'ai été orienté vers un bac technologique techniques commerciales [aujourd'hui bac STMG, NDLR], mais j'aspirais à autre chose : je voulais intégrer la filière économique. À l'époque, la littérature me passionnait déjà, mais je n'avais pas bien compris à quoi pouvait mener le bac littéraire... Et puis, pour moi, l'économie était synonyme d'argent, de métier qui rapporte gros. Mon analyse était très mauvaise... Et mes motivations, totalement idiotes, je dois bien le reconnaître !

Malgré cela, vous obtenez votre baccalauréat en 1992, au rattrapage.

 

C'est exact. J'ai l'impression de l'avoir obtenu facilement, car je n'allais plus en cours depuis six mois ! De décembre à juin, j'ai travaillé à la bibliothèque en potassant les annales. Il suffisait d'apprendre par cœur, ce n'était pas compliqué !

Pourquoi avoir arrêté les cours ?

 

En terminale, j'ai dû changer de lycée car j'étais qualifié de "perturbateur". Je me suis retrouvé dans un établissement devant lequel je passais tous les matins en me disant : "Les élèves qui sont ici sont vraiment à plaindre, le bâtiment est laid, entouré de grillages..." J'ai survécu de septembre à décembre puis, un jour, arrivé sur le trottoir, je n'ai plus voulu rentrer !

La solution de facilité aurait consisté à tout arrêter, à stopper vos études. Pour quelles raisons teniez-vous à décrocher le bac ?

 

Pour mes parents, uniquement ! Je voulais les rendre fiers de moi, mais aussi répondre à leur pression. Les études, c'était pour mon père la voie royale pour avoir un métier et une bonne situation. Je suis donc devenu un adepte des bibliothèques, que je fréquentais tous les jours. Finalement, travailler seul me convenait très bien, car je n'avais jamais vu le lycée comme une entité structurante. J'avais trouvé mon rythme !
  

 

"Je dis souvent que le travail, c'est 20 % de savoir-faire et 80 % de relationnel."
  

Après le bac, vous vous inscrivez à l'université, en sciences économiques. Quelles étaient vos aspirations ?

 

On m'avait parlé des BTS [brevet de technicien supérieur, NDLR], mais j'ai choisi l'université, pour continuer toujours dans le même raisonnement : la filière économique, cela veut dire une formation qui permettra ensuite de gagner de l'argent... Je me suis inscrit à l'université Paris 8, à Saint-Denis (93), en DEUG [diplôme d'études universitaires générales, aujourd'hui intégré à la licence comme bac+2, NDLR]. À l'époque, l'établissement n'avait pas très bonne réputation, et se trouvaient là des gens qui n'avaient rien à faire à la fac. C'était très drôle et très riche au niveau des relations humaines !

Vous avez tenu combien de temps à l'université ?

 

J'ai tenu un an et demi... En redoublant ma première année ! Je n'avais pas compris l'organisation de l'université, c'est très complexe quand on arrive du lycée. J'ai tenté les cours par correspondance, mais ça n'a pas été concluant ! J'ai donc arrêté les études, d'autant que je venais de découvrir ma véritable passion : celle des mots et de la musique.

L'écriture est donc venue à vous durant vos études ?

 

En effet, j'avais tout juste 20 ans. Je n'avais jamais écrit auparavant. Et là, tout à coup, j'étais passionné, je menais cette activité avec des amis, mes textes plaisaient... Très vite, cela m'a pris beaucoup de temps. Et j'ai foncé, sans me poser de questions. Mais jamais je n'avais imaginé que mes mots pourraient me nourrir !

Comment vos parents ont-ils pris ce changement de cap ?

 

À vrai dire, mon père n'a rien compris ! Pour lui, quitter les cours revenait à tirer un trait sur un avenir professionnel. Ça n'a pas été facile pour lui. Quant à ma mère, elle m'a toujours fait confiance !

Vous dites souvent que votre travail se nourrit de vos lectures. L'amour des livres date-t-il de vos années de lycée ?

 

Non, cela remonte à l'enfance. Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours lu. Tout est lecture : lire est le moyen de s'évader, d'apprendre, de se connaître... Toutes les réponses à nos questions les plus profondes peuvent être lues. Et je dois dire que j'en veux beaucoup aux artistes qui ne lisent pas. C'est insultant !

Lire : est-ce un conseil que vous donnez aux jeunes qui viennent vous voir en concert ?

 

Je pars du principe que, lorsqu'il faut conseiller aux jeunes de lire, c'est qu'il est déjà trop tard. Mais si vous acquérez dès le plus jeune âge cette capacité de lire, l'habitude est prise, il n'y a plus d'excuses ! Non, je conseille tout simplement aux jeunes qui viennent me voir de choisir une voie qu'ils aiment, de s'y tenir et de travailler dur pour atteindre leurs buts. Ça ne peut marcher qu'ainsi. Quand je dis "travailler dur", cela ne consiste pas à apprendre bêtement. Il s'agit de travailler sur soi, pour évoluer dans ce monde. Je dis souvent que le travail, c'est 20 % de savoir-faire et 80 % de relationnel.

Vous avez publié en mars 2014 un recueil de vos tweets, "140 Piles". Vous avez sur Twitter près de 200.000 followers. Faites-vous partie de ceux qui pensent que les réseaux sociaux détournent les jeunes de la lecture ?

 

Bien sûr, je ne partage pas du tout ce point de vue. Il faut bien avoir en tête que les réseaux sociaux ne sont qu'une interface nourrie par de "vraies personnes". Il ne faut pas se cacher derrière les écrans. Je pense même que les réseaux constituent un outil de découverte. Aujourd'hui, les personnes curieuses se servent de leur téléphone pour rechercher des informations et pour, en somme, assouvir leurs besoins de connaissances.

Si vous pouviez, que changeriez-vous dans votre parcours ?

 

Absolument rien ! J'ai toujours fait mes choix en suivant mon cœur. Je suis une personne qui n'a guère de regrets, car je suis conscient des décisions que je prends et de l'irrémédiabilité des choses. Dès lors que vous avez conscience de ça, vous arrêtez de vous torturer avec des questionnements inutiles.

 

Biographie express
1974 : naissance le 3 août, au Mali. Il a 1 an quand sa famille s’installe à Paris.
1992 : obtient son bac et entre à l’université.
1994 : découvre la musique et arrête ses études.
1998 : sort son premier album, Opéra Puccino.
2010 : Victoire de la musique pour le meilleur album de musiques urbaines, L’Arme de paix.
2013 : nouvelle Victoire de la musique, même catégorie, pour Roi sans carrosse.
2014 : parution de 140 Piles (éd. Au diable vauvert), un recueil de tweets de l’artiste.

 

Et si c’était à refaire ?

Son bilant T.O.P.

Oxmo Puccino a passé le T.O.P. (Test Orientation & Potentiel), le test d’orientation de l’Etudiant. A-t-il le profil d’un slameur, adepte de métaphores et de phrases chocs ?

TOP-Puccino[2]

fleche-rouge Pôle "Réaliste". Ce pôle correspond à des personnes aimant le concret, la pratique, ­l’expérimentation, la réalisation, et dotées généralement d’habiletés manuelles, ­physiques ou techniques.

fleche-rouge Pôle "Investigateur". Ce pôle correspond à des personnes aimant raisonner, résoudre des problèmes complexes, enquêter, afin de mieux comprendre leur environnement.

fleche-rouge Pôle "Artiste". Ce pôle correspond à des personnes qui suivent leurs émotions, leurs intuitions… Elles sont peu conformistes et s’expriment à travers leur métier.

fleche-rouge Pôle "Social". Ce pôle correspond à des personnes qui apprécient d’être entourées. Elles aiment partager, réunir et évitent les situations conflictuelles. Elles sont diplomates et douées pour la médiation…

fleche-rouge Pôle "Entreprenant". Ce pôle correspond à des personnes dynamiques, réactives, qui aiment décider et diriger. Ambitieuses, elles sont motivées par la réussite financière, le succès ou le pouvoir.

fleche-rouge Pôle "Conventionnel". Ce pôle correspond à des personnes organisées, qui aiment ­planifier leur travail, leur vie. Elles préfèrent les objectifs clairs, avoir une tâche bien ­définie à accomplir, être à une place bien déterminée.
 

Son profil, son métier

C’est bien le profil d’un "auteur-compositeur" que l’on retrouve dans les résultats du T.O.P. d’Oxmo Puccino ! Un profil d’abord caractérisé par le pôle Artiste, qui prend le dessus chez tous les professionnels de la création.

L’association des pôles Artiste et Investigateur renforce le potentiel pour inventer, créer, conceptualiser… Sont combinés ici imagination, curiosité, créativité, et réflexion, goût de la recherche et du raisonnement, esprit critique… En celui que l’on surnomme le "Black Jacques Brel" se mêlent en effet l’imagination du poète et le sens critique que l’on retrouve dans le slam, le rap et tous les arts oratoires. On voit dans le bilan de ce professionnel du spoken word le goût du débat d’idées et le besoin d’apprendre sans cesse, de chercher.

Son pôle Réaliste, caractéristique du sens de la pratique, de la réalisation, correspond notamment aux aspects techniques de sa profession mais aussi au goût du terrain, très présent dans les métiers de la scène. Oxmo Puccino a le profil des artistes, qu’ils travaillent avec leurs mains comme les sculpteurs, avec les couleurs comme les peintres ou avec les mots comme les poètes et les rappeurs, portés par leur sensibilité !
 

Des métiers que peuvent exercer ceux qui ont un profil Artiste-Investigateur-Réaliste

ArchitecteArtiste peintreAuteur-compositeurBruiteurCaricaturisteChorégrapheCompositeurConcepteur-paysagisteCréateur de costumesDécorateur de spectacles-scénographeJournaliste multimédiaMonteur vidéo • ScénaristeSculpteur.
 

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