Interview

Les 20 ans de Disiz : "J'étais passionné par la littérature. J'adorais Boris Vian !"

Disiz
Disiz © johann Keezy Dorlipo
publié le 25 janvier 2013
1 min

Le rappeur et écrivain Disiz préparait un CAP de dessinateur avant de tout lâcher pour sortir son premier album. Quelques années plus tard, il passe le bac et se retrouve en fac de droit. Il revient sur son parcours, son rapport à l’école et ses relations avec les profs.

Quel genre d'élève étiez-vous ?
 
J'aimais beaucoup l'école et, comme je voulais faire plaisir à ma mère, jusqu'en sixième, j'étais premier de la classe, toujours avec les félicitations. En cinquième, à l'adolescence, je me suis intéressé aux filles et au rap. J'ai décroché après le premier trimestre. J'avais le profil "un père absent, une mère au chômage à ce moment-là et donc pas très heureuse". Je vivais dans un milieu défavorisé, en banlieue parisienne [NDLR : à la cité des Épinettes-Aunettes à Évry, Essonne]... J'étais pourtant curieux et pas fainéant : j'aurais eu besoin d'être stimulé par une sorte de tuteur.


Dans votre entourage, vous n'aviez pas de frères et sœurs pour vous encourager ?

 

Non. Mais je me souviens du grand frère d'un copain qui nous impressionnait tous dans la cité. Il cartonnait dans ses études. Il était en master de droit et il voulait entrer à l'École nationale de la magistrature. Pour moi, c'était une sorte de Grand Meaulnes. Dès qu'il citait un livre, je l'achetais. C'est comme ça que j'ai découvert Stefan Zweig et Gorgias, de Platon.


Quelles étaient vos matières préférées ?

 

J'étais passionné par la littérature. Je lisais des livres en ZEP ! On devait être deux ou trois par classe dans le même cas. En quatrième, je suis allé voir ma prof de français pour contester la liste de lectures imposées : Germinal, les Misérables... Des livres pesants, loin de nos préoccupations de collégiens, même si, depuis, j'en ai lu ou relu certains. J'adorais Boris Vian et je venais de finir la Vie devant de soi, de Romain Gary. Je lui ai demandé si je pouvais présenter ces auteurs. Elle a refusé. Je me suis alors braqué et je n'ai plus rien fait. Plus exactement, j'ai montré, juste une fois, par orgueil, dans chaque matière et à chaque prof, ce dont j'étais capable en ayant 18 sur 20.


Quel regard portez-vous sur les professeurs ?

 

Je ne veux pas dénoncer les profs. J'ai eu l'occasion d'être prof en donnant des cours de dramaturgie à l'Odéon-théâtre de l'Europe. On me l'avait déjà proposé en maison de quartier, mais j'avais toujours refusé de m'inscrire dans le cliché du rappeur qui a réussi et qui revient jouer les grands frères. Je suis aussi légitime à l'Odéon qu'en banlieue et je remercie Paul Rondin [NDLR : à l'époque secrétaire général du théâtre], à l'origine du projet, de m'avoir laissé carte blanche. Je me suis trouvé confronté à un reflet de moi-même dans le système scolaire : des jeunes qui s'en foutent, portable à la main en permanence, avec une vision du monde stéréotypée. Il a bien fallu que je les motive. J'avais trouvé un équilibre : je les valorisais quand c'était bien, et je les vannais un peu quand ils se raillaient entre eux, mais sans jamais me moquer. Un bon prof, c'est celui qui va désamorcer le rapport à l'autorité, et amorcer le rapport de confiance.


Comment s'est passée votre orientation en CAP ?

 

J'ai rencontré, en troisième, la conseillère d'orientation. Comme tous les élèves dans mon cas, j'obtenais de bonnes notes en sport et en dessin uniquement. Pourquoi ? Simplement parce qu'on se dit que ce n'est pas du travail, donc on fait ce qu'on nous demande. C'est stupide, mais c'est comme ça. Du coup, elle m'a conseillé de suivre des études de dessin. Je me suis renseigné sur les différentes formations possibles et j'ai passé le concours de l'école Corvisart, en dilettante. La veille, je m'étais juste entraîné à dessiner un paquet de Gauloises. J'étais tellement fier d'être reçu que j'ai couru au collège montrer la lettre à ma prof de dessin. Et puis, j'allais étudier tous les jours à Paris !


Avez-vous connu des professeurs qui vous ont marqué ?

 

Oui. Mon prof de français à Corvisart. Une sorte de Dostoïevski d'une cinquantaine d'années, porté sur la boisson. Il nous a lu en cours une nouvelle de Jack London, Une tranche de bifteck, qui raconte l'histoire d'un boxeur. J'ai été captivé du début à la fin. Dès lors, j'ai fait en sorte, moi le boute-en-train, qui mettait l'animation et qui faisait le joli cœur, que toute la classe soit attentive. Je voulais que le prof soit fier de moi. J'ai tout appris avec lui : les figures de styles, les mots-valises, comment faire une dissertation... J'avais 17 de moyenne.


Vous avez arrêté vos études en cours de route...

 

Trois mois avant de passer le CAP, j'ai arrêté pour enchaîner les petits boulots, au McDo, à la FNAC, au service de presse de Canal+. Mon but : me consacrer à la musique. Je sors alors mon premier album, j'ai du succès mais toujours un complexe d'infériorité. Notamment quand je passe dans des émissions de télé avec des journalistes. Je suis autodidacte, il me manque le diplôme. Ensuite, à un moment, ma carrière bat de l'aile. Comme je n'avais pas envie de recommencer les petits boulots pour toute ma vie, j'ai décidé de reprendre mes études.


Vous préparez un DAEU (diplôme d'accès aux études universitaires), dans quel but ?

 

Je voulais avoir le bac, ou son équivalent. J'ai quatre enfants et je commençais à dire à l'aîné qu'il devait bien travailler à l'école pour avoir son bac alors que je ne l'avais pas eu moi-même ! Cette année de préparation du DAEU – que je n'ai pas achevée car je suis parti en tournée – a été formidable. J'étais avec des élèves qui avaient envie d'apprendre et des profs qui avaient envie d'enseigner. Ma prof de français donnait des cours également à Polytechnique. J'ai obtenu le DAEU avec une mention bien et j'ai voulu continuer. Ce qui est formidable en France, c'est que, même si le diplôme est incontournable, étudier ne coûte pas cher, c'est à la portée de tous.


Pourquoi avoir choisi des études de droit ?

 

J'ai hésité longtemps entre un double cursus histoire de l'art-anglais et les sciences politiques parce que je voulais comprendre les rouages de la société. J'ai vu qu'il était plus simple d'intégrer Sciences po après avoir fait des études de droit. C'est comme ça que je me suis inscrit à Paris 5, à Malakoff. Tout de suite, le droit constitutionnel et l'histoire du droit m'ont passionné, mais j'ai arrêté au bout de quatre mois parce que je devais gagner ma vie. Je venais de publier un premier roman, j'ai demandé une avance à mon éditeur et me suis consacré à l'écriture d'un second livre.


Quel regard portez-vous sur votre parcours ? Avez-vous des regrets ?

 

Aucun regret car j'ai toujours été curieux et actif. Si mes enfants veulent arrêter l'école, pas de problème, à condition qu'ils s'occupent en travaillant, en lisant, en dessinant, en pratiquant une activité qui leur plaît. Et s'ils me disent n'aimer que les jeux vidéo, alors je leur dirai de créer leur jeu. J'ai beaucoup incité les jeunes frères de ma femme, forts en dessin, à poursuivre dans cette voie et aujourd'hui ils sont graphistes et réalisent la pochette de mes albums.


Si vous pouviez proposer vos idées à l'Éducation nationale pour changer l'école, que feriez-vous ?

 

Impossible de répondre en quelques phrases. Mais commencer par réduire les inégalités périscolaires en donnant à tout le monde les mêmes outils pour travailler serait une bonne chose. Il faudrait des bibliothèques ouvertes le soir dans toutes les villes. Et il ne faudrait pas opposer les lettres aux maths, cela plombe les élèves. J'ai fait un blocage en maths, on m'a catalogué littéraire, alors que pour moi, écrire un livre avec des chapitres équilibrés ou construire des idées en philosophie, c'est faire des maths. Enfin, le travail manuel devrait être sur le même plan que le travail intellectuel. J'ai rencontré des ouvriers pour qui travailler avec les mains n'était pas synonyme d'échec scolaire.

  

Biographie express
1978
: naissance à Amiens (80).
1997-1999 : prépare un CAP dessinateur d'exécution en arts graphiques (dessinateur d'exécution en communication graphique aujourd'hui).
2000 : sort son premier album, le Poisson rouge.
2006 : reçoit une Victoire de la musique dans la catégorie meilleur album rap, ragga, hip-hop, R'n'B, pour les Histoires extraordinaires d'un jeune de banlieue.
2010 : obtient le DAEU (diplôme d'accès aux études universitaires) et s'inscrit en fac de droit.
2010 : publication de son premier roman, les Derniers de la rue Ponty.
2012 : publication en mars de son second roman, René, et sortie en octobre de son album Extra-lucide.
 

Et si c'était à refaire ?

Disiz a passé le T.O.P., le test d'orientation de l'Etudiant. Ces résultats correspondent-ils au parcours du rappeur, écrivain et acteur ?

 

TOPDisiz


Son bilan T.O.P
 

"Artiste" tendance "Investigateur Social" : c'est une combinaison de pôles de compétences fréquente chez les écrivains, quand les chanteurs sont le plus souvent "Artiste" tendance "Social Investigateur" ! Le pôle "Entreprenant" peut, dans son bilan, prendre la place des pôles "Investigateur" ou "Social", et ouvre sur le métier de comédien et sur les professions de l'écrit.

Pôle "Artiste" : ouverture d'esprit, créativité, intuition, passion définissent le pôle "Artiste". Il caractérise des personnes qui ont tendance à se fier à leurs émotions, leur intuition, leur feeling et qui ont besoin de s'exprimer dans leur métier. Cette créativité et cette liberté d'esprit les rendent mal à l'aise dans des univers conventionnels.

Pôle "Investigateur" : apprendre, réfléchir, chercher, comprendre sont les mots-clés de ce pôle. Il concerne des personnes qui aiment se poser des questions et chercher des informations pour comprendre leur environnement.

Pôle "Social" : correspond au relationnel, au goût et au besoin de contacts. Ce sont des personnes qui aiment être entourées, partager, réunir et veulent éviter les conflits. Ce pôle indique souvent aussi un besoin de se sentir utile.
 

Son profil, son métier...
 

Les résultats de Disiz sont ceux d'un jongleur de mots... La combinaison "Artiste Social" se retrouve dans les métiers de la scène, et "Artiste Investigateur" correspond à ceux de l'écrit.

Le pôle "Artiste" domine chez les personnes qui ont un sens affectif développé, sont guidées par leurs émotions, leurs intuitions, leurs passions et prend la première place dans tous les métiers qui permettent de s'exprimer.

Le pôle "Investigateur" renforce la curiosité intellectuelle, portée par le besoin de comprendre. En général, cette combinaison accentue aussi le fait de se démarquer, comme la tendance à remettre en cause et le goût du débat d'idées, car l'esprit critique est derrière le pôle "Investigateur". Écriture et création musicale, par exemple, font partie des domaines dans lesquels on retrouve ces profils.

Avec le pôle "Social", le besoin de transmettre – des messages, des émotions – conduit souvent vers les métiers du spectacle et de la scène. Point commun à toutes celles et ceux qui combinent les pôles "Artiste", "Investigateur" et "Social" : exercer un métier qui a du sens... Enfin, les résultats de Disiz révèlent une pointe forte sur certaines dimensions du pôle "Entreprenant", chez celui qui lança une marque de vêtements et qui se plaît aussi au métier d'acteur, plus tourné vers l'action.

 

Les secteurs et les métiers que peuvent viser ceux qui ont le profil AIS :
• Architecte
• Ecrivain
• Compositeur
• Humoriste
• Paysagiste
• Auteur dramatique
• Critique d'art
• Chroniqueur
• Chef d'orchestre
• Correspondant de presse (journaliste)
• Scénariste d'intérieur
• Architecte d'intérieur

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