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Comment contester une exclusion définitive ou une autre sanction disciplinaire ?

Guide Piau // usage unique
Les recours administratifs ne suspendent pas l'application de la sanction. © plainpicture/OJO/Martin Barraud
Par Valérie Piau, publié le 03 septembre 2016
1 min

Les sanctions prises par le chef d'établissement ou le conseil de discipline sont susceptibles de recours. Quels interlocuteurs faut-il saisir ? La réponse de l'avocate Valérie Piau, extraite de son ouvrage “Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”.

Les parents disposent de plusieurs recours pour contester, s'il y a lieu, les sanctions infligées à leur enfant, dont l'exclusion définitive.

Pour les établissements publics, il existe deux types de recours : les recours administratifs auprès de l'administration (de l'Éducation nationale) et les recours contentieux auprès du juge administratif.

Pour les établissements privés, les sanctions disciplinaires peuvent être contestées devant les juridictions civiles et non devant le juge administratif.

Vrai ou faux ?

1. Le tribunal administratif est compétent pour contester l'exclusion définitive d'un établissement public ? Vrai

2. Le tribunal administratif est compétent pour contester l'exclusion définitive d'un établissement privé sous contrat ? Faux

3. Le tribunal judiciaire est compétent pour contester l'exclusion définitive d'un établissement privé sous contrat ? Vrai

Les recours administratifs auprès de l'Éducation nationale…

Il faut distinguer le cas des décisions du conseil de discipline et les sanctions prononcées par le chef d'établissement seul. Les recours sont différents.

… sont un préalable obligatoire pour contester une décision du conseil de discipline

Avant de saisir le tribunal administratif pour contester la décision d'un conseil de discipline, les parents doivent avoir préalablement exercé un recours devant le recteur, en application de l'article R. 511-49 du Code de l'éducation. Ce recours doit être exercé dans un délai bref de huit jours à compter de la notification de la décision du conseil de discipline.

Le recteur d'académie prend sa décision après avis de la commission académique d'appel qu'il préside. En cas d'empêchement, il peut se faire représenter pour présider la commission. La procédure devant la commission académique d'appel est la même que devant les conseils de discipline et est soumise au respect des principes généraux du droit.

La décision du conseil de discipline, y compris l'exclusion définitive, est exécutée immédiatement, même en cas de recours devant le recteur d'académie. Le recteur doit rendre sa décision dans un délai de un mois à compter de la date de réception de l'appel.

… mais facultatif contre la décision du chef d'établissement

Dans le cas où le chef d'établissement a prononcé seul une sanction disciplinaire, l'élève ou, si celui-ci est mineur, son représentant légal peut former :
– un recours gracieux auprès du chef d'établissement ;
– ou un recours hiérarchique devant l'autorité académique. Mais la sanction s'applique immédiatement malgré le recours.

Ces recours administratifs gracieux ou hiérarchiques sont facultatifs. Il n'est donc pas obligatoire de les avoir exercés avant de saisir le tribunal administratif.

Les décisions éventuelles de rejet des recours administratifs doivent porter mention, au même titre que les sanctions elles-mêmes, des voies et délais de recours.

Les recours devant le tribunal administratif

Pour les établissements publics, l'élève ou, si celui-ci est mineur, son représentant légal a un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif compétent, à compter de la notification qui lui a été faite de la décision contestée.

Recours en annulation de la sanction : le juge administratif a le pouvoir d'annuler une décision d'exclusion définitive. Il vérifie la qualification juridique des faits et l'adéquation de la sanction à la faute commise. La juridiction administrative ne se contente pas de statuer sur le respect des règles de forme ; elle vérifie le caractère juste de la sanction infligée.

En cas d'annulation, la décision disciplinaire est effacée du dossier scolaire de l'élève et ce dernier peut demander sa réintégration dans l'établissement.

Procédure d'urgence : via le référé suspension, le juge administratif peut suspendre l'exécution de la sanction lorsque deux conditions sont réunies : “l'urgence […] et un doute sérieux quant à sa légalité” selon l'article L. 521-1 du Code de justice administrative. La condition liée à l'urgence est remplie lorsque l'élève, après son exclusion, se trouve déscolarisé. Selon la jurisprudence, celle-ci n'est pas remplie lorsque l'élève fait l'objet d'une inscription dans un nouvel établissement scolaire (comme le relèvent Yann Buttner et André Maurin dans “Le Droit de la vie scolaire”, éd. Dalloz, 6e édition, 2013) pour y suivre la même formation, ni lorsque l'élève fait l'objet d'une sanction avec sursis.

Recours indemnitaire : il a pour objet d'obtenir une indemnisation financière pour le préjudice subi à cause de la sanction annulée. Ce n'est qu'après avoir obtenu l'annulation de la sanction que l'élève ou son représentant légal s'il est mineur peut exercer ce recours indemnitaire pour solliciter des dommages et intérêts.

La spécificité des établissements privés

Les sanctions prises par les établissements privés peuvent être contestées devant les juridictions civiles et non devant le juge administratif comme c'est le cas pour les établissements publics.

En effet, selon la jurisprudence du Conseil d'État, les mesures à caractère disciplinaire prises à l'égard des élèves par le conseil de discipline de l'établissement dont la gestion est assurée par une personne morale de droit privé ne procèdent pas de l'exercice de prérogatives de puissance publique et ne revêtent pas, dès lors, le caractère d'actes administratifs susceptibles d'être contestés devant la juridiction administrative.

Tableau récapitulatif : motifs éventuels de contestation de la sanction devant le juge

Irrégularités concernant la convocation Irrégularités concernant la tenue du conseil de discipline Irrégularités de fond

• Absence de convocation des parents de l'enfant mineur.

• Absence de mention dans la convocation que l'élève peut se faire assister par la personne de son choix.

• Non-respect du délai de huit jours entre la convocation et la tenue du conseil de discipline.

• Absence de mention dans la convocation du droit de prendre connaissance du dossier auprès du chef d'établissement.

• Refus de laisser l'élève et ses représentants légaux consulter le dossier disciplinaire.

• Mise à disposition tardive à la famille du dossier disciplinaire.

• Quorum non atteint.

• Refus d'entendre les témoins.

• Refus d'audition de l'élève ou de ses représentants légaux lors du conseil de discipline.

• Absence de preuve de la matérialité des faits.

• Faits non imputables à l'élève.

• Faits non commis en qualité d'élève : faits non commis pendant le temps scolaire, ni dans l'enceinte de l'établissement, ni aux abords.

• Faits déjà sanctionnés en violation de la règle non bis in idem.

• Absence de caractère fautif des faits.

• Absence d'adéquation de la sanction à la faute commise.

(NB : cette liste non exhaustive est donnée à titre indicatif.)

Cas pratique : contester l'exclusion définitive devant le recteur et le juge

Si votre enfant est convoqué devant le conseil de discipline, vous avez le droit de vous faire assister éventuellement par un avocat. Il est particulièrement utile d'être bien conseillé à deux stades de la procédure. D'une part, pour vous aider à bien préparer votre dossier en vue de l'audience du conseil de discipline, en mettant en avant les arguments à développer et ceux à éviter. D'autre part, si vous faites appel devant le recteur ou si vous saisissez le tribunal administratif pour demander l'annulation d'une exclusion définitive ou sa suspension en référé.

Les membres du conseil de discipline statuent avant tout sur des faits plus que sur le droit. D'où l'intérêt de faire appel devant le recteur et, le cas échéant, de saisir le tribunal administratif pour solliciter l'annulation de l'exclusion définitive en cas d'irrégularités de procédure et de sanction injustifiée sur le fond.

POUR ALLER PLUS LOIN
À découvrir aux Éditions de l'Etudiant :
Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”,
par Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation
au cabinet-piau.fr.

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