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Goncourt des lycéens 2017 : Alice Zeniter et 7 auteurs en lice vous parlent lecture

L'une des rencontres régionales entre auteurs et lycéens, à l'université Paris-Diderot, le 12 octobre 2017.
L'une des rencontres régionales entre auteurs et lycéens, à l'université Paris-Diderot, le 12 octobre 2017. © Natacha Lefauconnier
Par Natacha Lefauconnier, publié le 16 novembre 2017
9 min

C'est Alice Zeniter qui reçoit, ce jeudi 16 novembre 2017, le 30e prix Goncourt des lycéens pour son roman "L'Art de perdre". À cette occasion, 8 des 15 auteurs en lice cette année partagent avec vous leur amour de la lecture et leurs meilleurs souvenirs de jeunes lecteurs.

Un conseil aux collégiens et lycéens pour améliorer leurs notes en français ?

Alice Zeniter, "L'Art de perdre" (Flammarion) :
"Le rapport à la lecture et à l'écriture devrait toujours être une question de plaisir, même si c'est un plaisir ardu. Mais l'étude de certains textes est obligatoire alors que du premier coup d’œil, vous voyez qu'ils ne sont pas faits pour vous. Ne pensez jamais non plus qu'ils sont écrits "contre" vous, uniquement pour vous ennuyer. Cherchez toujours à retrouver le plaisir qui est à leur principe, la joie de l'auteur dans l'invention de telle ou telle forme."

Yannick Haenel, "Tiens ferme ta couronne" (Gallimard) :
"Lire, bien sûr, mais en s'appropriant chaque livre, comme si on l'écrivait, comme si on le vivait. Lire "Madame Bovary" en se prenant non pas pour elle, mais pour Flaubert en train de l'inventer. Lire "En attendant Godot", comme si on était Beckett et qu'on était en possession de cette folle liberté dont il fait usage à chaque page. Lire tout, tout le temps, comme ça, même le journal, comme si on écrivait les nouvelles du monde."

Marie-Hélène Lafon, "Nos vies" (Buchet-Chastel) :
"Lire, lire, lire, lire et lire !"

• Véronique Olmi, "Bakhita" (Albin Michel) :
"Lire. Lire. Et lire encore. Aimer les mots ; ouvrir le dictionnaire autant de fois qu'il le faut. Ne jamais avoir honte de ne pas en connaître un, de ne pas comprendre une phrase. Se laisser prendre par la poésie d'un texte et laisser son sens venir lentement à soi."

Monica Sabolo, "Summer" (JC Lattès) :
"Il me semble que lire est la seule chose à faire. C'est le meilleur moyen pour travailler sans même sans rendre compte. Par une magie subtile, les tournures, l'orthographe, le vocabulaire, s'infiltrent à l'intérieur de nous."

Yves Ravey, "Trois jours chez ma tante" (éditions de Minuit) :
"Mais lire quoi…? Tout ce qui tombe sous la main. Du roman à l’article de journal. Lire du début à la fin – même si c’est contraignant – de l’un et de l’autre. Ne pas hésiter à interroger le texte, sur le sens."

Brigitte Giraud, "Un loup pour l'homme" (Flammarion) :
"Tenez votre journal intime, contentez-vous de dix lignes par jour, et recopiez-y une phrase d'un livre en cours de lecture, qui fait écho. Vous verrez que la littérature vous concerne, elle ne parle que de vous."

Alexis Ragougneau, "Niels" (Viviane Hamy) :
"Il faut voir la langue française non pas comme une matière purement scolaire mais comme un territoire à explorer. Une aventure, un voyage. Savoir manier sa langue maternelle ou d'adoption, c'est parvenir à exprimer sa pensée et ses sentiments, c'est comprendre les autres et se faire comprendre des autres. Autant de choses qui peuvent changer une vie, particulièrement au moment de l'adolescence."

Goncourt lycéens 2017
Goncourt lycéens 2017 © Montage l'Etudiant/Trendy

Comment redonner le goût de la lecture à ceux qui l'ont perdu ?

Alice Zeniter
"Je suis une grande partisane de la lecture à haute voix, au cours de laquelle plusieurs personnes se partagent le texte. L'engagement du corps et de la voix coupe toute possibilité d'un effet soporifique. Mais je ne crois pas qu'il y ait de recettes miraculeuses.
Je vois souvent des parents lecteurs catastrophés par le profond mépris que leur progéniture a pour les livres qu'ils laissent pourtant traîner partout dans la maison, dans l'espoir de susciter une vocation.
Quand je rencontre des classes, j'essaie pour ma part de les intéresser aux éléments de narration communs entre le roman, les séries, les films et même leurs jeux vidéos : personnages, intrigues, péripéties, points de vue, etc. Très honnêtement, cela peut les amener à se lancer dans l'écriture d'un texte sur le champ, mais je ne suis pas sûre que cela influe sur leur pratique de lecture."

Yannick Haenel
"Les convaincre que la littérature ne parle que du désir, qu'elle est la science secrète du désir, des pulsions, du vertige érotique, qu'elle est pleine d'étincelles sensuelles, et qu'en lisant, on apprend à aimer, à parler d'amour, à penser mieux et plus à l'amour."

• Véronique Olmi
"Lire ce qu'ils ont envie de lire : la biographie d'un rapeur, d'un footballer, une histoire simple, ou courte. Se faire lire un livre par quelqu'un, comme lorsqu'on est un enfant, et écouter l'histoire, portable éteint."

Monica Sabolo
"Ce n'est pas simple, parce que prendre un livre quand on n'aime pas ça ressemble a priori à une corvée, une punition, un effort, cela peut même être angoissant. On peut demander un conseil à un libraire, ou juste prendre un livre, par curiosité, un titre, quelque chose qui interpelle, dans la bibliothèque familiale, ou de son lycée : la surprise peut être magique, une rencontre, une émotion inattendue."

Yves Ravey
"Ne pas chercher des thèmes qui plaisent, qui accrochent, comme on dit, qui correspondent à ce qu’on imagine de la mentalité des jeunes lecteurs. C’est illusoire. Faire confiance à leur inventivité."

Brigitte Giraud
"C'est en lisant que vous allez apprendre à être libre. Ce que vous aurez dans la tête, personne ne pourra jamais vous l'enlever. Rappelez-vous que ce sont les livres qu'on brûle en premier dans une dictature... Et n'hésitez pas à débrancher votre portable, on ne peut pas lire en ayant l'esprit ailleurs, l'expérience est trop intense."

Alexis Ragougneau
"Il m'arrive de faire des rencontres en lycée et j'entends parfois cette phrase : "La lecture, ce n'est pas pour moi". Le livre peut être perçu comme intimidant par certains jeunes. La première étape serait de redonner confiance à tous ces lecteurs qui s'ignorent."

Quel livre vous a marqué au lycée ?

Alice Zeniter
""L’Écume des jours",
de Boris Vian. La première fois qu'un livre m'a causé une crise de fou rire (la scène de la patinoire)."

Yannick Haenel
"Gérard de Nerval, "Les filles du feu". Ça parle de ça : de la flamme qu'il y a dans les corps féminins. Et puis "Les Chants de Maldoror" de Lautréamont, le livre le plus fou de l'histoire de la littérature française. Le bréviaire de l'excès. Le livre préféré du diable."

Marie-Hélène Lafon
"Je n'étais pas encore au lycée mais en quatrième, chez les sœurs, à Saint-Flour, et notre professeur nous a donné à lire "Madame Bovary"... Je n'ai à peu près rien compris et je me souviens seulement de m'être laissée emporter par le flot, le fleuve de mots, de phrases. Et je n'ai pas oublié le sujet de rédaction qui a suivi cette lecture : imaginez un avenir pour Berthe Bovary... Tout un programme."

• Véronique Olmi
""L'Idiot" de Dostoïevski, qui n'était pas au programme. J'avais du mal à le comprendre, je faisais des fiches avec les noms, surnoms, patronymes des personnages, c'était difficile mais je me disais que l'auteur me faisait confiance, j'avais le droit de le lire, le droit de ne pas tout comprendre, et j'étais envoûtée par cet univers, cette dramaturgie et ce personnage si beau et si sacrificiel du prince Mychkine.

Monica Sabolo
"Je me souviens que j'adorais les romans de Stephen King, comme "Carrie" ou "Simetierre", mais aussi ceux de Gabriel Garcia Marquez, comme "L'Amour aux temps du choléra" ou de Romain Gary, "Les racines du ciel" ou "La promesse de l'aube"."

Yves Ravey
"Au lycée, en seconde, j’étais pensionnaire, et nous avions à disposition de longues heures d’étude et d'ennui. Un jour, par pur hasard, j’ai découvert un livre : "Le Mur", de Jean-Paul Sartre. Je me souviens encore de la couverture : une main qui grattait une façade. Ça me troublait."

Brigitte Giraud
""L'Étranger" de Camus, même si je n'ai pas vraiment compris. Il me reste des images très fortes : la plage, le soleil, l'arme, l'Algérie, la mort de la mère, la solitude, la peur..."

Alexis Ragougneau
""Le Roi des Aulnes" de Michel Tournier, équilibre parfait entre exigence et accessibilité."

Les 15 romans sélectionnés pour le 30e prix Goncourt des lycéens

Créé et organisé par le ministère de l’Éducation nationale et la Fnac, avec l’accord de l’Académie Goncourt, le prix Goncourt des lycéens donne l’opportunité à près de 2.000 lycéens de faire entendre leur voix pour élire leur lauréat, parmi les 15 auteurs sélectionnés :

Kaouther Adimi "Nos richesses" - Éd. Seuil
Patrick Deville "Taba-Taba" - Éd. Seuil
François-Henri Désérable "Un certain M. Piekielny" - Éd. Gallimard
Brigitte Giraud "Un loup pour l’homme" - Éd. Flammarion
Olivier Guez "La disparition de Josef Mengele" - Éd. Grasset
Yannick Haenel "Tiens ferme ta couronne" - Éd.Gallimard
Philippe Jaenada "La Serpe" - Éd. Julliard
Marie-Hélène Lafon "Nos vies" - Éd. Buchet-Chastel
Véronique Olmi "Bakhita" - Éd. Albin Michel
Alexis Ragougneau "Niels" - Éd. Viviane Hamy
Yves Ravey "Trois jours chez ma tante" - Éd. de Minuit
Monica Sabolo "Summer" - Éd. JC Lattès
Frédéric Verger "Les rêveuses" - Éd. Gallimard
Éric Vuillard "L’Ordre du jour" - Éd. Actes Sud
Alice Zeniter "L’Art de perdre" - Éd. Flammarion

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