Interview

Lycéenne et musicienne : “Étudier la musique nous apprend la discipline”

Suzanne est en terminale L au lycée Georges-Brassens, à Paris, et pratique le piano au Conservatoire.
Suzanne est en terminale L au lycée Georges-Brassens, à Paris, et pratique le piano au Conservatoire. © Cyril Entzmann/Divergence pour l'Etudiant
Par Propos recueillis par Maria Poblete, publié le 17 novembre 2015
1 min

Suzanne est en terminale L, en horaires aménagés. Elle étudie le piano au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Ce qui lui permet de concilier ses études et sa passion à un rythme effréné.

"J’ai commencé à jouer du piano à 7 ans, au conservatoire d’Orléans. Mes parents sont pianistes et professeurs de piano. Autant dire que j’ai toujours été bercée par la musique à la maison. J’aime jouer, aller au concert, écouter, improviser et partager la musique. C’est quelque chose de très important dans ma vie. J’ai suivi le cursus classique à Orléans, en étant scolarisée dans les écoles ‘normales’ entre guillemets."

"Je n’ai jamais eu besoin de beaucoup étudier et travailler à l’école, où je m’en sortais pas trop mal. À l’époque, je n’ai pas ressenti la nécessité de recourir à des horaires aménagés. Tous les jours en fin d’après-midi, j’allais au conservatoire pour le solfège, la chorale, l’instrument. Cela me plaisait. Mes parents sont plutôt souples, ils ne m’ont pas mis la pression. J’avançais à mon rythme. C’était bien.” 

"Pour le concours du Conservatoire national, j’étais hyperstressée"

"C’est à 13 ans, en classe de quatrième que j’ai obtenu mon diplôme national d’études musicales [le plus haut diplôme musical français délivré par les conservatoires régionaux ou départementaux]. Il fallait alors que je progresse en piano, avec d’autres professeurs. J’ai postulé au conservatoire régional de Paris. Et j’ai été admise ! J’ai obtenu du collège une autorisation spéciale pour m’absenter une demi-journée par semaine, pour aller à Paris. J’ai adoré l’enseignement et Paris aussi !

En classe de troisième, même chose, je venais à Paris une fois par semaine. Pour un artiste, Paris est le rêve ! Puis, j’ai fait le grand saut. J’ai préparé le concours d’entrée au Conservatoire national de Paris. J’étais hyperstressée. Il y a énormément de pression. Cela paraît inaccessible tellement nous sommes nombreux à postuler. J’ai eu la chance d’être prise, ils ont aimé ma sensibilité. J’ai senti que le jury avait trouvé que j’étais musicienne et que j’avais ma place ici.”

"J’étais logée chez une dame et je rentrais à Orléans le week-end"

"J’étais sur un nuage. Il fallait que je m’installe à Paris. Pour rentrer dans un lycée à horaires aménagés, tel le lycée Georges-Brassens, on doit avoir un assez bon dossier scolaire et un bon niveau dans sa pratique de musique, de danse ou de sport. Je vais en cours le matin, de 8 heures à 13 heures. Ensuite, chacun suit son deuxième enseignement, voire son troisième, car certains cumulent, ils sont à la fois danseurs et comédiens."

"La seconde a été intense pour moi. J’étais logée chez une dame et je rentrais à Orléans le week-end. J’avais énormément de cours au Conservatoire : tous les jours, solfège, écriture, instrument, musique de chambre. J’étais fatiguée et débordée. J’ai terminé l’année épuisée. Heureusement, j’ai validé un certain nombre de matières de mon cursus au Conservatoire."

"L’année suivante, en première, j’ai décidé de ne pas m’inscrire au lycée mais au CNED [Centre national d’enseignement par correspondance]. Je déconseille vivement. J’ai frisé la catastrophe, je ne faisais pas mes devoirs. Côté musique, en revanche, tout allait bien. Les épreuves anticipées sont arrivées. J’ai eu quelques points d’avance, mais franchement j’aurais pu faire mieux, si j’avais été encadrée.”

"On s’encourage lors des concours et des auditions"

"Mon année de terminale est toute autre. D’abord je suis émancipée. Cela veut dire que j’ai tous les droits d’une personne majeure sauf conduire et voter. Je vis dans un studio dans le 19e arrondissement, à Paris, où se trouvent le Conservatoire et le lycée. À 13 heures, je déjeune au self et, 2 fois par semaine, je suis des cours de piano. Je n’ai rien d’autre à préparer, j’ai tout validé en seconde et première. Je passerai donc ma licence d’études musicales et mon bac en parallèle. C’est une vie particulière, je me sens étudiante et autonome. Cela me convient bien, j’ai toujours été une fille indépendante."

Très demandées, les classes à horaires aménagés sont réservées aux élèves très motivés et sans difficultés particulières.Dans le lycée Georges-Brassens, à Paris, tous les élèves suivent un double cursus, entre cours et pratique artistique ou sportive. // © Cyril Entzmann/Divergence pour l’Etudiant

"Au lycée, l’ambiance est familiale. C’est un petit établissement, de moins de 400 élèves. Il y a des musiciens, des danseurs, des sportifs. On se connaît tous, il n’y a jamais de problème. Chacun est concentré sur ses activités. Et en même temps, nous sommes solidaires. On s’encourage quand il y a des concours, des auditions, des moments de tension. On n’est pas en concurrence."

"Dans ma classe, nous sommes tous musiciens et certains sont danseurs ou étudient les arts du cirque. Nous sommes considérés comme des artistes par la direction et nos enseignants. La professeure principale, qui est également notre professeure de musique, fait intervenir des gens intéressants dans les cours. Elle nous propose des places à prix réduits de concerts, de théâtre, à la Philharmonie de Paris, par exemple. Franchement, c’est génial."

"Nous sommes habitués à passer des examens, à assurer devant des jurys"

"C’est certain, il faut tenir la barre et ne pas flancher. Les 5 heures de cours de la journée sont intenses. Les professeurs doivent boucler leurs programmes, alors ça va vite, avec juste une récréation en milieu de matinée. J’essaie de bien me concentrer en classe, c’est plus facile ensuite pour mémoriser. Forcément, il faut être un peu organisé pour ne pas se faire complètement déborder, mais si on se fixe des moments pour les devoirs et d’autres pour travailler son instrument, ça marche bien en général. Et puis, je pense qu’étudier la musique nous apprend la discipline. Nous sommes habitués à passer des examens, à assurer devant des jurys, à travailler seul.

Après les cours, je rentre chez moi faire mes devoirs et mon piano. Je ne suis ni acharnée ni une bête de travail ! Je joue en moyenne deux à trois heures par jour. Mais je connais des gens qui pratiquent pendant 8 heures. Moi, après 3 heures au maximum, je ne suis plus concentrée, je dois passer à autre chose."

"Ce qui est important, c’est de se faire plaisir. Avec des copains du Conservatoire, on prépare parfois des petits concerts. Et j’essaie des choses. Je viens de faire un huit mains, avec 4 personnes sur un piano à quart de ton. Génial ! Cette année, je me lance dans un quartet et on jouera Piazzola. L’année prochaine, je ne sais pas encore ce que je vais faire. J’aime beaucoup la philo par exemple. Une chose est sûre : je ferai le master au Conservatoire. Et je vais essayer aussi le jazz."

Les classes à horaires aménagés
On trouve des classes à horaires aménagés dans les lycées publics et privés. Certains lycées, tel celui de Suzanne, n’accueillent que des lycéens artistes ou sportifs, avec des cours le matin ou l’après-midi. Tous ces établissements reçoivent en priorité des élèves des conservatoires régionaux, du CNSMDP (Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris) – comme Suzanne –, de la Maîtrise de Radio France ou des conservatoires départementaux. Parfois, certains lycées privés ont des accords avec des académies de danse.
Ces classes sont très demandées et ouvertes en priorité aux jeunes hypermotivés, qui justifient de plusieurs heures de répétitions ou d’entraînement par semaine. Il vaut mieux être bon élève pour comprendre et apprendre vite ! La pratique d’un instrument ou d’un sport peut être chronophage.
Les recrutements se font sur tests ou concours.

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