Portrait

Étudier dans un microlycée, c'est comment ?

Étudier dans un microlycée, c'est comment ? // © Vasantha Yogananthan pour l'Etudiant
Mourad, 19 ans, est en terminale ES au microlycée de Paris (13e). © Vasantha Yogananthan pour l'Étudiant
Par Isabelle Dautresme, publié le 26 mai 2015
1 min

Mourad a rejoint le microlycée de Paris en première après avoir été déscolarisé pendant un an. Le petit nombre d’élèves par classe, le suivi et l’écoute des enseignants lui ont permis de raccrocher. Aujourd’hui, en terminale, il prépare un bac ES et vise une mention.

Jusqu'en troisième, j'étais un élève moyen. Les cours ne me passionnaient pas mais j'obtenais d'assez bons résultats. En seconde, j'ai été affecté au lycée Claude-Monet à Paris. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à déraper. L'été précédant mon entrée au lycée, je passais mes journées à jouer aux jeux vidéo. Le problème, c'est que j'ai continué après la rentrée.

J'allais en cours, mais je n'avais qu'une idée en tête, c'était de rentrer vite chez moi le soir pour m'installer devant mon ordinateur, jusque très tard dans la nuit. Autant dire que me lever le matin me demandait un effort surhumain. Mes notes ont vite dégringolé et j'ai perdu pied. J'ai commencé alors à ne plus aller en cours le matin, puis toute la journée. À la fin du premier trimestre, je ne mettais plus les pieds au lycée. J'étais devenu un "décrocheur".

"Il a fallu que je reprenne l'habitude de me lever"

Après presque un an passé chez moi à jouer aux jeux vidéo, déconnecté du monde, j'ai atterri au CIO (centre d'information et d'orientation) de mon quartier. Là, un conseiller m'a dirigé vers le microlycée de Paris où j'ai fait ma rentrée en première ES, en octobre 2014. Sans grande conviction. J'étais sincèrement convaincu de ne pas être fait pour les études.

Au début, cela n'a d'ailleurs pas été facile. Non seulement il a fallu que je reprenne l'habitude de me lever le matin pour aller en classe et me concentrer mais j'ai aussi dû m'adapter à un nouvel environnement très différent de celui que j'avais connu jusque-là. Au microlycée, nous ne sommes que 20 élèves au total, tous plus paumés les uns que les autres. Sans parler des locaux qui ressemblent à des entrepôts. Je me suis vraiment demandé où j'étais tombé. Donc, oui, j'allais au lycée... mais en traînant les pieds, je m'absentais encore souvent. En même temps, je me disais qu'il fallait que je m'accroche, que c'était ma dernière chance.

"Ne pas aller en cours, c'était trahir les profs"


Ce sont les enseignants qui m'ont fait tenir. À chaque absence, ils me harcelaient au téléphone et voulaient comprendre pourquoi je n'étais pas là. Tout juste s'ils ne venaient pas me chercher chez moi ! Moi qui, jusque-là, me pensais transparent aux yeux des enseignants, au microlycée, j'ai réalisé que ce n'était pas du tout le cas. Non seulement, les profs me faisaient confiance, mais en plus ils croyaient en moi. C'est cela qui m'a permis de raccrocher. Ne pas aller en cours, c'était les trahir.

"Tout le monde partage le même espace"

Ici, on ne parle pas d'autorité mais de contrat de confiance. Les adultes sont à l'écoute des élèves, ils sont très proches d'eux. Il n'y a pas cette distance que l'on retrouve dans les lycées traditionnels. Tout le monde partage le même espace : une grande salle qui fait office de bureau, de cafétéria et de foyer. Même le café, on le prend ensemble. Les élèves peuvent tutoyer les profs et les appeler par leur prénom. Cela n'a l'air de rien mais, en réalité, cela facilite les échanges. Moi, je ne sais pas bien expliquer pourquoi je suis resté au "vous" et au "Monsieur", "Madame", mais ça ne m'empêche pas de jouer au baby-foot ou au ping-pong avec mes profs lors des pauses.

Mourad profite d'une pause entre deux cours pour disputer une partie de baby-foot avec ses camarades ou ses professeurs. // © Vasantha Yogananthan pour l'Etudiant

"Un microlycée, ce n'est pas un sous-lycée"


Ce que j'apprécie au microlycée, c'est le fait que les enseignants s'adaptent à notre niveau. Quand je suis arrivé en première, j'étais perdu en maths – ce qui n'a rien d'étonnant puisque je n'ai pas fait de seconde. Le prof a pris le temps de reprendre toutes les bases. Au final, je ne suis toujours pas un crack mais je m'en sors. Dans un lycée traditionnel, cela n'aurait pas été possible. D'autant que je n'aime pas interrompre un cours pour poser des questions ou demander de l'aide. J'ai toujours pensé que si je ne comprenais pas, le problème venait de moi. Ici, ce sentiment-là, je ne l'ai pas. Je ne me sens pas jugé.

Mais attention, ce n'est pas parce que les profs sont bienveillants qu'ils ne sont pas exigeants. Le but c'est que nous décrochions le bac. Un micro­lycée, ce n'est pas un sous-lycée ! Quand les profs ont l'impression que nous ne travaillons pas assez, ils n'hésitent pas à nous passer un savon. À moi, cela n'arrive pas souvent. Je fais plutôt plus que ce que l'on me demande. Il me faut un bon dossier : ­l'année prochaine j'aimerais intégrer une bilicence histoire-science politique ou un IEP en région.

"Nos parcours scolaires chaotiques nous rapprochent"

Entre élèves aussi, l'ambiance est bonne. Nous nous connaissons bien et passons beaucoup de temps ensemble. Cette année, nous partons une semaine en voyage scolaire à Copenhague (Danemark). Le fait que nous ayons tous connu des parcours scolaires chaotiques nous rapproche. Il en ressort une forte solidarité. En classe, par exemple, nous nous entraidons. Cela m'arrive souvent de donner une explication à un autre élève en SES ou en philo, mes matières fortes. Cela ne me viendrait pas à l'idée de refuser.

Aujourd'hui, quand je regarde derrière moi, je regrette l'année perdue à ne rien faire. D'autant que j'avais la chance d'être affecté dans un bon lycée. Pour rattraper le temps perdu, j'ai tendance à me mettre la pression. Je serai vraiment fier de moi quand j'aurai décroché mon bac avec mention. À ce moment-là, j'aurai le sentiment d'avoir rempli ma part de contrat avec les profs."

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Le microlycée de Paris

Ce microlycée accueille des élèves de première et de terminale ES et L, depuis la rentrée 2013. Il faut être âgé de 16 à 23 ans et avoir quitté l'école au cours de la classe de seconde générale ou en classe de première. La sélection se fait sur entretien avec deux enseignants.

Droit au retour à la formation

Depuis janvier 2015, la loi garantit à tout jeune de 16 à 25 ans sorti du système sans diplôme ni qualification un "droit au retour à la formation". Si vous êtes dans ce cas, appelez le 0 800 12 25 00 (numéro vert) afin de prendre rendez-vous avec un représentant du service public régional d'orientation. Ce dernier a l'obligation de vous proposer une solution adaptée à votre profil et à votre projet. Un accompagnement personnalisé est prévu jusqu'à l'entrée en formation.

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