Interview

Quenelle et propos racistes dans l'enceinte du lycée : quelles sanctions en cas de dérapage ?

Par Marie-Anne Nourry, publié le 14 janvier 2014
1 min

Le 9 janvier 2014, deux lycéens de 17 ans ont été exclus du lycée Rosa-Parks à Montgeron (Essonne) après s’être pris en photo en train de faire le signe de la "quenelle" dans l’enceinte de l’établissement. Que peut-on dire et faire au sein d’un établissement scolaire ? Qu’est-ce qui relève de la liberté d’expression ? Quelles sanctions pour les dérapages ? Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducation (1), livre son expertise.

Valérie Piau, avocate spécialisée en droit de l’éducationQue peut-on dire et faire ou non au sein d'un collège ou d'un lycée ?
 

“Le code de l'éducation est précis sur ce point. Au collège et au lycée, les élèves disposent de la liberté d'expression mais ils doivent l'exercer dans un esprit de tolérance et dans le respect des autres, de leur diversité, de leur culture et de leur origine. La liberté d'expression doit respecter le ‘pluralisme’ et le ‘principe de neutralité’, et ne pas porter atteinte au déroulement des cours. Quand un élève dérape, deux sanctions sont possibles : disciplinaire et pénale.

Comment l'établissement peut-il sanctionner le dérapage ?

 

La sanction disciplinaire est appréciée par le chef d'établissement. Si un élève tire la langue par exemple, cela relève de son pouvoir discrétionnaire et il peut prononcer seul une sanction : blâme, exclusion temporaire inférieure à huit jours, travail d'intérêt général. En revanche, si un élève profère des propos racistes à l'encontre de son professeur, c'est beaucoup plus grave et le chef d'établissement peut envisager une exclusion définitive. Il doit alors convoquer un conseil de discipline qui va examiner les faits. Si l'exclusion est approuvée à la majorité, le seul recours pour l'élève sanctionné est de faire appel devant le rectorat.”

“Les dérapages sur les réseaux sociaux exposent aux mêmes poursuites que dans la vie réelle”

Dans quel cas intervient une sanction pénale ?

 

En cas d'apologie de crime contre l'humanité, de propos racistes, sexistes ou homophobes, l'élève ou l'enseignant offensé peut entreprendre une démarche pénale en parallèle de la sanction disciplinaire. C'est à lui de porter plainte, le chef d'établissement ne peut pas porter plainte en son nom. La victime a aussi la possibilité de faire appel à une association pouvant se porter partie civile. L'auteur des faits encourt une amende et une peine de prison qui peut être avec sursis. Maximum : 45.000 € et 5 ans d'emprisonnement.”

Sur les réseaux sociaux, les sanctions sont-elles les mêmes ?

 

“La diffusion de propos et de photos injurieux sur les réseaux sociaux expose aux mêmes poursuites que dans la vie réelle, à partir du moment où elle concerne des élèves ou des membres de l'équipe éducative, et impacte la tenue de l'établissement. Internet encourage malheureusement les dérapages anonymes mais l'avantage est qu'on a des preuves car le Web laisse des traces. En cas de cyberharcèlement, il faut absolument imprimer tout ce qu'on peut trouver. La police possède des moyens technologiques pour retrouver les auteurs.”

Y a-t-il des différences dans les établissements du supérieur ?

 

“Le code de l'Éducation concerne le collège et lycée mais le principe est général et s'applique aussi aux établissements du supérieur : on peut s'exprimer mais dans la tolérance.”

(1) Valérie Piau est l'auteur du livre "le Droit des élèves, à l'école, au collège, au lycée", éditions Bourin.


Des stages pédagogiques pour punir les actes racistes/antisémites
Hasard du calendrier. Jeudi 9 janvier 2014, le Parquet de Paris et le Mémorial de la Shoah ont signé une convention, en pleine “affaire Dieudonné”. Le texte stipule que les auteurs d'actes antisémites ou racistes âgés d'au moins 13 ans pourront être condamnés à effectuer deux jours de stage pédagogique de sensibilisation au Mémorial. “Un travail sera effectué sur des documents d'histoire, des témoignages. Tous les génocides du XXe siècle seront abordés au cours d'un atelier. Il s'agit de mettre à mal les préjugés. L'ignorance est souvent à l'origine des actes incriminés”, explique Flavie Bitan, responsable de la communication du Mémorial de la Shoah. Des groupes de travail homogènes, d'une dizaine de personnes, seront formés. Selon le Parquet de Paris, de 70 à 80 personnes seraient actuellement concernées. Les stages devraient bientôt commencer. VB.

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