Portrait

Comment je suis devenu attaché parlementaire

Marc Bonneau, attaché parlementaire de Sandrine Doucet, devant l'Assemblée nationale, vendredi 3 février 2017.
Marc Bonneau, attaché parlementaire de Sandrine Doucet, devant l'Assemblée nationale, vendredi 3 février 2017. © Natacha Lefauconnier
Par Natacha Lefauconnier, publié le 06 février 2017
1 min

À tout juste 27 ans, Marc Bonneau a déjà trois années d’expérience en tant que collaborateur de députés, à l’Assemblée nationale. Un poste “très enrichissant” pour cet élu municipal des Deux-Sèvres (79), engagé en politique depuis le lycée.

Si le “Penelope Gate” a pu semer des doutes chez certains, les missions d’un(e) attaché(e) parlementaire sont bel et bien réelles ! Marc Bonneau, 27 ans, peut en témoigner. Le jeune homme, élu municipal à Bressuire (79), travaille depuis fin 2013 à l’Assemblée nationale. D’abord pour Jean Grellier, le député de sa circonscription. Et aujourd’hui pour Sandrine Doucet, députée de la première circonscription de Gironde depuis 2012, qui intervient notamment dans les dossiers éducation, enseignement supérieur et recherche.

Rédiger, étudier, préparer, communiquer

Mais en quoi consiste exactement le travail d’un collaborateur parlementaire ? “C’est un métier très riche, qui dépend beaucoup du député pour qui on travaille”, confie Marc Bonneau. De manière générale, il doit “rédiger des trames pour les discours” et autres interventions du député dans les huit commissions parlementaires, “étudier les textes des projets de loi” lorsqu’ils arrivent à l’Assemblée, répondre au courrier (“entre 100 et 150 mails par jour”)...

Avant un débat, le collaborateur prépare pour l’élu des éléments de contexte, de biographie, des articles de presse sur le sujet concerné. Marc s’occupe aussi de la communication, en animant par exemple le blog de Sandrine Doucet.

"Il faut aimer la politique, sinon ce n'est pas la peine !"

Il faut donc posséder pour ce poste d’excellentes capacités rédactionnelles, avoir un bagage en droit, savoir synthétiser et travailler dans l’urgence “car on reçoit parfois les convocations très tardivement”, précise Marc Bonneau. “Et bien sûr, il faut aimer la politique, sinon ce n’est pas la peine !”

Il arrive aussi que l’attaché parlementaire suive le député dans ses déplacements, comme ce fut le cas pour Marc lorsque Sandrine Doucet s’est rendue dans des zones rurales pour rencontrer quelque 300 interlocuteurs avant de rédiger un rapport sur “les territoires de l’éducation artistique et culturelle”, envoyé au ministère de l’Éducation nationale.

Enfin, un aspect moins tangible mais indispensable du poste est la partie relationnelle : réunions politiques avec le parti, le groupe parlementaire, les membres du gouvernement… “Il faut aimer les gens et les relations publiques, et sincèrement”, insiste le jeune homme.

Pas fonctionnaire mais employé de droit privé

Marc Bonneau n’est pas fonctionnaire, mais salarié de droit privé : son employeur est la députée Sandrine Doucet elle-même. Avant d’être choisi, il a passé un entretien d’embauche. “Il n’y a aucune obligation d’être encarté, mais il faut que l’on partage les mêmes valeurs politiques, sans cela il me paraît inconcevable de pouvoir travailler ensemble”, estime Marc. Le salaire se négocie en fonction du profil : en moyenne 1.500 € par mois, "mais parfois jusqu'à 3.000 €", selon Nicolas Thibault, président de l'Association française des collaborateurs parlementaires (AFCP), cité par "Le Figaro". À noter : certains attachés parlementaires travaillent à temps partiel.

Si cela se passe mal, le collaborateur a peu de recours : il n’y a ni convention collective, ni représentant du personnel… mais il y a un syndicat des collaborateurs parlementaires, dont Marc Bonneau fait partie.

La confiance doit être totale entre un député et son collaborateur : “C’est très gratifiant, mais cela met aussi beaucoup de pression ! assure l’attaché parlementaire. On a tous les mots de passe pour se connecter à ses réseaux sociaux, il arrive qu’on ait sa carte bancaire…”

"Je suis loin des 35 heures !"

Son emploi du temps a été aménagé pour qu’il puisse assurer son mandat d’élu dans les Deux-Sèvres. “En tant que cadre, je suis au forfait jour. Je suis loin des 35 heures ! Mais c’est normal, ce n’est pas un métier où l’on compte ses heures”, confirme Marc Bonneau, qui partage son temps entre Paris et Bressuire.

Bressuire : c’est là que Marc Bonneau a grandi. Une commune de quelque 20.000 habitants, située entre Nantes et Poitiers. Dans sa famille, on était plus engagé dans le milieu associatif qu’en politique, même si c’est un domaine dont Marc discutait beaucoup avec son grand-père. “On peut parler d’une émulation intellectuelle qui m’a poussée dans la voie que j’ai choisie”, estime le jeune homme.

En terminale, il prend sa carte au parti socialiste

Au lycée Saint-Joseph, il hésite entre la filière S “qui mène à tout” et rassurerait sa famille, et la filière ES, qu’il choisit finalement : “Je sentais que c’est là que j’allais m’épanouir, car j’étais passionné par l’histoire, beaucoup moins par les maths et la physique !”

C’est à cette époque que Marc prend sa carte au parti socialiste (PS), “entre les deux tours de l’élection présidentielle” de 2007. “J’écoutais beaucoup les débats entre les candidats et comme je sentais que le PS allait perdre, j’ai adhéré, d’autant que ce n’était que 20 € pour les nouveaux militants !”, se souvient-il.

"Je voulais être juge d'instruction"

“Très bien accueilli par les responsables locaux” de Bressuire, il participe à la première réunion du parti, durant laquelle – hasard du calendrier – se prépare la campagne pour les législatives de Jean Grellier, qui sera élu quelques mois plus tard.

En juin 2008, il obtient son bac ES avec une mention très bien et part en licence de droit à l’université de Poitiers, avec une idée bien précise en tête : “Je voulais être juge d’instruction, parce que c’est un magistrat qui mène des enquêtes et qui est indépendant du pouvoir…” Mais c’est justement à cette époque que le président Nicolas Sarkozy parle de supprimer cette fonction.

De Sciences po Rennes à l'Australie

Un peu déstabilisé face à cette perspective, Marc Bonneau passe alors le concours commun des Sciences po (qui regroupe sept instituts d’études politiques), qu’il réussit : “Je ne m’y attendais pas, d’autant que je ne l’avais pas trop préparé !” avoue-t-il. Un concours qu’il n’aurait pas tenté l’année du bac : “La marche me paraissait beaucoup trop haute. Quand on vient d’une zone rurale, l’année où l’on part pour l’université est un grand tournant. On s’émancipe par rapport aux parents, on fête ses 18 ans, on vote pour la première fois, on passe le permis… C’est une année où l’on mûrit !”

C’est ainsi qu’il intègre à la rentrée 2009 l’IEP qu’il avait placé en premier choix, celui de Rennes : “un établissement à taille humaine”. La troisième année est celle de l’échange avec un établissement à l’étranger. Mais le jeune sciencepiste ne souhaite pas aller dans une université. “Je voulais absolument faire un stage en entreprise, dans un pays anglophone.” Après moult candidatures envoyées, sa motivation paie : le voilà parti pour l’Australie, au sein d’AFS, une association spécialisée dans les échanges culturels internationaux.

Lire aussi : À quoi mène Sciences po ?

Un double diplôme en administration des politiques à Paris 1

De retour à Rennes, Marc Bonneau poursuit ses études par un master affaires publiques, avec une spécialité “missions publiques locales”. Son intérêt pour la vie des territoires le conduit à écrire son mémoire sur les politiques municipales de jeunesse. Pour sa dernière année, il demande une mobilité pour suivre le double cursus avec l’université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), en master 2 administration du politique, diplôme qu’il décroche en 2014, en plus de celui de Sciences po Rennes.

En parallèle de son M2, il accepte de remplacer la collaboratrice du député Jean Grellier, partie en congé maternité. Il signe donc un contrat à durée déterminée pour ce poste d’attaché parlementaire, poste qu’il occupe de novembre 2013 à l’été 2014.

Élu municipal à 24 ans et bientôt député ?

2014, c’est aussi l’année où il figure sur la liste PS à Bressuire lors des élections municipales. Le voilà élu, à 24 ans, en charge de la Jeunesse – “passage obligé quand on est le jeune d’une équipe !” – mais aussi de l’accessibilité pour tous. Un dossier qu’il a demandé à suivre, qui lui permet de “mettre en pratique des choses apprises en master". La réalité, ce sont aussi les jobs d’étudiant, l’été, de la manutention dans un abattoir à l’accueil d’une banque, en passant par McDo.

Quant à son travail de collaborateur parlementaire, il le pensait provisoire, puisqu'il dépend entièrement du mandat du député. “Je n’imaginais pas rester à Paris, mais plutôt revenir dans l’Ouest. C’est là que je me sens le mieux.” Sauf qu’une députée de la Sarthe lui propose un poste, avant que Sandrine Doucet, députée de Gironde, ne fasse de même.

Cette année, Marc Bonneau va franchir une étape supplémentaire dans son engagement. Pour changer le regard sur la politique, il se présente aux élections législatives en juin prochain. S’il n’est pas le futur député du Nord Deux-Sèvres, deux options s'ouvrent à lui : rester l’attaché parlementaire de Sandrine Doucet – à condition qu’elle soit réélue – ou se tourner vers d’autres horizons, “toujours dans la sphère publique, peut-être dans une association ou dans l’économie solidaire et sociale”, envisage Marc. Verdict dans quelques mois.

Comment devient-on attaché(e) parlementaire ?

Il n'existe pas de voie tracée, ni de diplôme spécifique, hormis un master 2 "Métiers de l'accompagnement politique : conseil, assistanat, rédaction" proposé par l'université d'Orléans. Les diplômés en droit ou ceux des dix Sciences po ont le profil adéquat, compte tenu des missions qui incombent au collaborateur parlementaire. Mais certains attachés parlementaires ont d'autres parcours très différents, dans la communication ou la culture, par exemple.

Être engagé en politique (militant ou élu) permet de se créer un réseau et de se faire connaître auprès des membres du Parlement. Difficile, en effet, de postuler pour un député ou un sénateur en ayant des idées totalement opposées aux siennes, puisque vous serez son bras droit !

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