Portrait

Comment je suis devenue community manager de la drague

Avec l'explosion des sites de rencontres, un nouveau job fait son apparition : Net Dating Assistant (photo d'illustration).
Avec l'explosion des sites de rencontres, un nouveau job fait son apparition : Net Dating Assistant (photo d'illustration). © Denis Allard/REA
Par Paul Conge, publié le 24 novembre 2016
1 min

"Net Dating Assistant", Delphine prend les manettes de comptes de célibataires sur les applis de rencontre, pour leur faciliter la tâche en vue d'un rendez-vous. Une community manager de la séduction, au service des timides et des pressés.

Dans la série d'anticipation "Black Mirror", Jon Hamm, coach en séduction, conseille ses clients célibataires à l'aide d'une oreillette. Trois siècles plus tôt, Cyrano de Bergerac soufflait à Christian au balcon les bons mots pour séduire la belle Roxane. Quelque part entre les deux, il y a Delphine. À 27 ans, cette jeune publicitaire parisienne a intégré, voici trois mois, une équipe de "séducteurs" sur Internet. On les appelle les "Net Dating Assistants", un titre un peu barbare pour une tâche simple : sur le Web de la rencontre, ils draguent, à la place des célibataires pressés et des timides maladifs, pour décrocher des rencards.

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Des réseaux de rencontre chronophages

"Notre travail va de l'inscription sur les sites de rencontre jusqu'au premier rendez-vous. On gère toute la partie virtuelle, de A à Z. Au moment de la rencontre, c'est évidemment le client qui prend les choses en main." Coquette, le contact facile, Delphine pense avoir les qualités requises pour faire mouche sur les applis de rencontre. C'est là que, à l'ère du numérique, la drague s'est en grande partie téléportée. Mais toujours plus submergés sous les inscriptions, rongés par la concurrence, les célibataires qui veulent des rendez-vous doivent passer un temps précieux sur Tinder et autres AdopteUnMec.

Une aubaine pour les célibataires pressés

Consulter les profils, imaginer des messages d'accroche originaux... Dur pour ceux qui n'ont ni le temps, ni les qualités. "Alors on nous délègue cette partie. Comme on sait y faire, on est plus performant, on simplifie la vie, et on accélère finalement les choses", résume Delphine. Qui sont ses clients ? Des chefs d'entreprise débordés, des cadres "qui n'ont pas le temps", et aussi quelques timides. Surtout des hommes. 

"Je m'occupe de clients plutôt jeunes et citadins", affirme la community manager de la séduction, citant un militaire dans la marine, basé à Cherbourg, qui "souhaite rencontrer des femmes un peu sportives, disponibles". Ou encore ce consultant parisien, "assez occupé, qui vient de déménager, qui souhaite faire des connaissances, boire des verres, et plus si affinités". Quatre au total ce mois-ci. À chaque assistant sa spécialité.

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Ventriloques sur les réseaux sociaux

Plus qu'une gestion des conversations, elle doit épouser les personnalités. "Je rencontre la majorité de mes clients. Il faut faire preuve de beaucoup d'empathie et de tolérance pour se mettre dans leur peau." Car de leurs clients, les dating assistants deviennent les ventriloques. "On parle à leur place de ce qu'ils aiment, de ce qu'ils regardent comme série, où ils ont passé leur week-end... On est là pour que ce soit vrai. Les messages qu'on envoie ne sont pas automatisés : ils sont entièrement personnalisés."

En amont, il y a la concoction du profil : photo, biographie, description... Bien paraître, c'est du boulot. "Je fais des shootings photo avec eux, du personal shopping, des audits de leur garde-robe, voire du coaching pour certains... tout ça va vraiment ensemble... on travaille le profil comme une annonce de publicité", énumère Delphine, qui parle de "services externalisés", tous supervisés par le client. Un service à la carte, évidemment. Car l'autre coquetterie, c'est le tarif : 120 € au minimum pour obtenir un rendez-vous galant, rapporte "Libération". Et 18 € de l'heure pour le coaching. En moyenne, un client dépense 600 €.

Des chasseurs de tête sur mesure

Pour dénicher ensuite les perles rares pour le compte des clients, tout est question de ciblage. "On est des chasseurs de tête sur mesure, on trouve l'aiguille dans la botte de foin", s'enthousiasme Vincent Fabre, le créateur du site netdatingassistant.com. Site qu'il décrit comme une "agence matrimoniale 2.0". "Après le premier contact, une fois que l'on a dressé leur historique sentimental, on réussit à savoir quelles sont les attentes de notre client, souvent de façon peut-être plus objective que lui", juge Delphine. Un travail "beaucoup plus humain que la publicité" car "notre cible, c'est une seule personne", dit-elle. Ça prend ensuite... le temps que ça prend. Trois, ou dix rendez-vous, c'est selon.

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À la lisière du community management et de la séduction

Diplômée de Sup de Pub, Delphine assortit ses compétences professionnelles à son relationnel. "Il n'y a pas de profil type. Quelqu'un en fac de psycho peut être parfaite pour ce métier, en tout cas une personne qui a un relationnel très fort, qui sait très bien gérer le numérique, un community manager..." Aux côtés des neuf autres assistants, elle travaille en auto-entrepreneuse. "Je continue par ailleurs à faire de la communication pour des événements, beaucoup de digital, des e-RP (relation publications sur le numérique)..." Et un blog consacré à la séduction en ligne.

Et l'éthique là-dedans ? "La dating assistance, c'est un service comme un autre, élude Delphine. C'est comme les politiciens qui ont quelqu'un qui les suit, qui écrivent leurs discours pour qu'ils soient plus à l'aise..." À force de se faire passer pour l'autre, n'y a-t-il pas de hiatus entre la personne virtuelle et réelle ? "Comme toujours. Mais l'idée est que la fille en face ne s'en rende pas compte."

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