Interview

Les 20 ans d'Amaury du Fayet de La Tour : comment il est devenu prêtre

20 ans_Amaury du Fayet de la Tour_Versailles © Patrice Normand/Leextra pour l’Etudiant
À 18 ans, je ne m’imaginais pas du tout prêtre. © Patrice Normand/Leextra pour l'Etudiant
Par Nathalie Helal, publié le 29 septembre 2017
10 min

Prêtre diocésain à Versailles, Amaury du Fayet de La Tour, 37 ans, a d’abord mené une vie "ordinaire", avec un parcours étudiant "classique", puis occupé un emploi éloigné de la vocation religieuse. Jusqu’au fameux déclic, qui le conduira sur le chemin du séminaire…

Quels sont vos premiers souvenirs d’école ?

J’ai eu une scolarité assez atypique. Ma famille habitait dans le Cantal, un village minuscule du nom d’Escorailles, et nous n’étions que 11 élèves réunis dans une seule classe. Notre maître était à l’écoute et formidable. En revanche, quand je suis arrivé à Paris, où mon père venait d’être nommé attaché parlementaire au Sénat, je me suis retrouvé dans une école privée, très classique, où les choses ont mal tourné. J’avais 10 ans, quelques lacunes scolaires et j’ai tout de suite été pris en grippe par la professeure de CM2. Heureusement, mes parents ont rapidement senti que j’étais malheureux et m’ont retiré de l’école. J’ai atterri dans le public cette fois, à l’école Fourcroy, dans le XVIIe arrondissement. Puis sont venues les années collège, au lycée Carnot, dans le même arrondissement.

Étiez-vous un collégien et un lycéen modèle ?

J’étais un élève assez médiocre, rêveur et lent. Je ne travaillais pas assez, et j’étais peu sui­vi à la maison dans mes devoirs. Alors, je n’ai pas été surpris quand, à la fin de la troisième, on m’a demandé de redoubler. Ce que j’ai fait. Malheureusement pour moi, cela ne s’est pas arrangé en seconde : j’étais de nouveau juste dans toutes les matières, et le lycée Carnot a refusé de me garder à la fin de l’année. Par chance, une amie de la famille était proviseure au lycée Pasteur de Neuilly [92]. Cette femme m’a accueilli et permis de poursuivre ma scolarité. J’ai gagné en confiance par la confiance qui m’a été donnée, car j’ai ressenti comme un déclic : j’ai fait une excellente première et une non moins excellente terminale, en section ES.

20 ans_Amaury du Fayet de la Tour © Photo fournie par le témoin
20 ans_Amaury du Fayet de la Tour © Photo fournie par le témoin © Photo fournie par le témoin

Votre vocation religieuse s’était-elle déjà manifestée à ce moment-là ?

Non, absolument pas. Même si je venais d’une famille de vieille tradition catholique, très croyante et pratiquante, que mon grand-père maternel avait ce que l’on appelle "une belle spiritualité", je ne m’imaginais pas du tout prêtre. Je n’avais pas été submergé par le catéchisme, et les moments de prière en famille étaient bien souvent prétexte à des fous rires mémorables… En réalité, je n’avais pas d’idées précises de ce que serait ma vie professionnelle. Pourtant, je n’ai jamais été coupé de ma foi, puisque j’avais participé aux JMJ (Journées mondiales de la jeunesse) de Paris, de Toronto et de Rome, et que j’ai même eu l’immense honneur de rencontrer Sa Sainteté le pape Jean-Paul II, lors d’une entrevue privée au Vatican, en 1999 : j’étais venu passer le réveillon à Rome avec un groupe de scouts, et nous lui avions apporté des fromages… Pour l’anecdote, le sac contenant les fromages avait fini écrasé entre une chaise et la table des appartements du pape au Vatican, d’où une odeur très… inamicale durant plusieurs jours ! Donc, ne sachant pas où j’allais, une fois mon bac en poche, j’ai intégré le lycée Montaigne en prépa HEC, avec l’idée de "bétonner" ma culture générale.

Meniez-vous la vie d’un étudiant ordinaire ?

Un étudiant "ordinaire" dans ce type de classe prépa travaille énormément. Ce n’était pas mon cas : je continuais le scoutisme, comme chef scout ; je pratiquais le rugby en club, et je fréquentais les rallyes parisiens. Aussi surprenant que cela puisse paraître, dans un milieu aussi caricatural, j’ai vécu des moments d’exception, avec de très belles personnes. Je me souviens notamment d’un geste qu’avait eu une organisatrice, en consacrant l’argent qui restait du rallye à faire dire des messes pour susciter des vocations religieuses… En fin d’année de prépa, je n’étais pas sûr d’avoir le niveau requis pour passer en seconde année ! Finalement, après avoir passé un concours d’entrée en école de commerce, je me retrouve à l’INSEEC, en septembre 2000. Je n’ai toujours pas d’idée de métier, mais j’ai confiance en l’avenir, ce qui est essentiel.

20 ans_Amaury du Fayet de la Tour_prêtre_2 © Photo fournie par le témoin
20 ans_Amaury du Fayet de la Tour_prêtre_2 © Photo fournie par le témoin © Photo fournie par le témoin

Comment démarrez-vous dans la vie active ?

À la fin du cursus de mon école de commerce, je dîne un jour chez le grand-père d’un ami, en Auvergne. J’apprends qu’on recherche un chargé de mission à la Fondation du patrimoine (une structure de droit privé mais de prérogative publique). Je corresponds parfaitement au profil demandé… Le poste est basé à Clermont-Ferrand [63]. Je le décroche et je mets durant trois ans mes aptitudes au service d’une cause que j’affectionne tout particulièrement : le patrimoine culturel. En effet, quand j’étais petit, peut-être à cause de la propriété familiale, un château classé du XVe siècle dans le Cantal, entièrement restauré par mes parents, j’avais parfois rêvé d’être architecte… À cette époque, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma place, professionnellement parlant. Mais, au même moment, beaucoup de mes amis se marient, certains entrent au séminaire, bref, tous engagent leur vie. Je me dis que j’ai peut-être tout, sauf l’essentiel… J’ai des esquisses d’aventures sentimentales, je fais des rencontres, et j’ai envie de bâtir un foyer, mais cela n’aboutit pas. Alors, je suis patient, je me dis que ce temps sert à me construire, me façonner.

Comment votre foi se manifeste-t-elle de façon déterminante dans votre vie ?

Au printemps 2006, je suis sur les routes de Sologne, en voiture, et là, j’ai une expérience presque mystique. Il y a cet instant bien précis où j’ai le déclic… tout devient limpide, alors que, je le suppose, cela devait bouillonner en moi depuis longtemps. J’ai un sentiment profond qui vient d’ailleurs, comme une voix qui parle au cœur… Je suis envahi par une joie et une paix totales. "Je vais être prêtre" : cette certitude, je la ressens exactement comme une déclaration d’amour ! Durant plusieurs semaines, mon quotidien est chargé d’une multitude de petits signes, qui me confortent dans ma vocation. Je m’ouvre à mes parents. On pleure tous les trois, des larmes de joie. Mais je sais qu’ils ressentent de l’inquiétude. Un de mes cousins est prêtre. Il s’occupe des jeunes des Yvelines qui souhaitent devenir prêtres. Je vais le voir et lui parle de ma révélation. Un mois plus tard, je suis accueilli au séminaire.

Quelle formation faut-il suivre pour devenir prêtre ?

Il y a d’abord une année de formation spirituelle, comme un "sas" avant l’entrée définitive au séminaire. La mienne s’est déroulée à Versailles [78], dans la Maison Saint-Jean-Baptiste. C’est une année de mise à l’épreuve, où on apprend davantage à prier, à vivre en communauté, à lire la Bible en entier. Puis intervient une expérience, destinée à nous rendre sensibles à toutes les formes de pauvreté. Dans mon cas, il s’agissait de l’Arche de Jean Vanier, en Picardie, un foyer pour personnes handicapées. Elle a été suivie d’une grande retraite spirituelle, en Belgique, dans le silence. Cela s’appelle une retraite "de discernement" ! Il doit en résulter une décision plus enracinée. La suite logique, c’est l’entrée au séminaire, à Chatou [78]. Je vais y passer deux années d’une grande richesse, à dominante philosophique. Et, en septembre 2009, j’entame les trois années de théologie requises, à Bruxelles, dans un institut de théologie, chez les Jésuites. Des amoureux de la parole de Dieu !

Cette formation n’est-elle que "théorique" ?

Non, car, chaque été, on nous fait vivre des expériences qui font grandir : par exemple, un séjour d’un mois au Congo, dans une mission, ou d’un mois à Lourdes [65], dans un foyer de toxicomanes. On vit en communauté, de façon presque monastique, et on assiste à de vraies résurrections, de la part de personnes qui refondent leur vie… Tout cela n’a qu’un but : mieux nous préparer à notre ordination. La mienne a eu lieu le 30 juin 2013, à la cathédrale de Versailles. Nous étions huit, ce jour-là. La cérémonie dure deux heures et demie, toute ma famille y a assisté. C’est un des moments les plus forts de mon existence !

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui se destinerait à la prêtrise ?

Avoir en tête qu’il s’agit d’un métier et aussi d’un état de vie, sinon d’un style de vie. Qu’on est un peu comme quelqu’un qui serait au foyer, mais hyperactif, et que c’est évidemment le don de Dieu (puis le sacrement de l’ordination) qui font de vous un prêtre. Qu’enfin, il faut garder le célibat consacré si on ne veut pas trahir l’Évangile. L’extraordinaire des gens, les naissances, les mariages, les deuils, c’est mon ordinaire. Mon emploi du temps est chargé, mais, parfois, le temps d’une sortie, ma vingtaine de neveux et nièces me tirent de ma paroisse !
Bio express
1980 : naissance à Clermont-Ferrand.
1999 : obtient le bac ES
2000 : intègre l’INSEEC (grande école de commerce)
2009 : entame trois années de théologie à Bruxelles, dans un institut de théologie, chez les Jésuites.
2013 : ordonné prêtre à la cathédrale de Versailles.

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