Interview

Les 20 ans de Dan Serfaty : "Ma jeunesse était dorée : boulot-sport-copains"

Les 20 ans de Dan Serfaty
Les 20 ans de Dan Serfaty © Christophe Lebedinsky/ Viadeo
Par Isabelle Maradan, publié le 24 janvier 2014
1 min

Au lycée, Dan Serfaty, futur dirigeant et cofondateur de Viadeo (réseau social professionnel en ligne), était capitaine de l’équipe de volley-ball. À 20 ans, il étudiait à HEC où il présidait le bureau des étudiants. Le leadership semble inscrit dans son ADN…

Quel adolescent étiez-vous ?

 

J'étais sociable, j'avais plein de copains et je faisais beaucoup de sport. Je jouais en équipe de France de volley-ball. J'étais aussi gentiment fêtard et plutôt raisonnable. C'est d'ailleurs quelque chose de très intérieur, que j'ai gardé. Vers 13-14 ans, j'ai volé un paquet de chewing-gums. Je n'ai pas dormi pendant trois nuits. Je suis finalement retourné à la boulangerie pour le rendre. Alors que pour mes copains c'était un jeu…

Comment se sont déroulées vos années au lycée ?

 

J'ai fait ma scolarité du CP à la terminale à l'école Aquiba, une école juive, à Strasbourg [67]. Mes parents voulaient qu'on apprenne et comprenne nos traditions. J'observe que les extrémismes religieux viennent souvent d'un manque de compréhension. L'étude du Talmud, analytique et rationnelle, est une approche intellectuelle formatrice. Tout est questionné, doit être démontré, discuté. Cela m'a donné une curiosité.

Y a-t-il des professeurs qui vous ont marqué ?

 

M. Potocki, professeur de maths, avait un charisme incroyable. Il arrivait à rendre toutes les maths simples. Il y a aussi Armand Abécassis, un ami de la famille, professeur de philosophie à la fac. Il est un peu mon maître en termes de pensée philosophique et religieuse.

Vos parents suivaient-ils attentivement votre scolarité ?

 

Avec mes deux frères, plus jeunes, nous faisions d'abord nos devoirs et allions jouer après. Mes parents n'étaient pas particulièrement sévères et ne nous mettaient pas la pression. Ma mère, excellente en littérature et en français, s'occupait des matières littéraires. Mon père se chargeait des maths. Là, on avait quand même intérêt à comprendre vite !

Vous avez décroché votre bac C [bac S aujourd'hui] avec mention bien à 17 ans. Une pression pour vos deux frères...

J'ai eu le bac à 17 ans parce que je suis entré plus tôt à l'école. Ensuite, j'ai fait ma prépa en un an, donc, quand je suis sorti d'HEC, j'avais 21 ans. Je ne suis pas sûr que j'aurais aimé m'avoir comme grand frère…

Étiez-vous indépendant financièrement pendant vos études ?

 

Mon père était directeur financier des brasseries Kronenbourg et gagnait bien sa vie. Ma mère était enseignante puis directrice d'école, à Aquiba. Je n'ai jamais eu à travailler pour payer mes études. Ma jeunesse était dorée : boulot-sport-copains.

Vos parents vous rêvaient-ils entrepreneur 

Mes arrière-grands-parents et ma grand-mère étaient entrepreneurs. Mon père n'a pas pu prendre de risques. Quand il est arrivé en France, il s'est marié jeune et a très vite dû gagner sa vie. Son rêve était que ses enfants soient entrepreneurs. J'ai connu ma grand-mère jusqu'à mes 25 ans. Une femme au caractère incroyable, que j'adorais. À Casablanca, dans les années 1940, elle avait sa boîte de confection avec une dizaine de salariés. J'ai gardé d'elle une phrase marquante : "Le non, tu l'as déjà ; tente le oui !" Je m'en sers souvent.

À quel âge avez-vous eu l'envie d'entreprendre ?

 

Dès 14-15 ans. Vouloir être entrepreneur, ça voulait dire "pas de patron". Aujourd'hui, je dis tout autre chose dans des conférences. Parce qu'en tant qu'entrepreneur, on a plein de "patrons" : ses banquiers, ses clients… Pour autant, je n'ai jamais été salarié de ma vie et je ne changerais pas !

 

J'ai eu le bac à 17 ans parce que je suis entré plus tôt à l'école. Ensuite, j'ai fait ma prépa en un an.

La filière entrepreneur à HEC, c'était une évidence ?

 

À l'époque, les majeures les moins prisées étaient Affaires internationales et Entrepreneur. Les meilleurs étaient en Finance, Marketing, Stratégie… et voulaient bosser chez Procter & Gamble, Goldman Sachs, McKinsey. Marrant, quand on voit l'importance du business international et de l'entrepreneurship 20 ans après ! Aujourd'hui, Entrepreneur est la majeure la plus demandée.

Vous mettiez-vous la pression ?

 

En prépa, au lycée Kléber, j'avais 7 ou 8/20 de moyenne et j'ai eu mes meilleures notes de l'année – 11 ou 12 – aux épreuves du concours d'entrée à HEC. Je n'étais pas parmi les meilleurs de ma prépa mais j'ai constaté que de très bons élèves ont échoué. Certains n'ont pas résisté à la pression. Or en y résistant, on peut réussir des trucs incroyables que d'autres bien meilleurs que nous ne peuvent pas faire. Rester cool, ne pas stresser outre mesure à l'examen, ou dans la vie en général, cela s'apprend.

Vous ne doutez jamais ?

 

J'ai une forte confiance dans ce que j'entreprends, mais j'ai aussi un côté Woody Allen. Je me pose des questions tout le temps, sur tout. Sur moi-même, les autres, ce que je fais… Je suis prêt à tout remettre en cause et je suis aussi prêt à prendre beaucoup de risques.

À 21 ans, vous êtes parti en Italie…

 

À la place du service militaire, les étudiants des grandes écoles partaient bosser 18 mois à l'étranger pour une boîte française. Je suis allé près du lac de Garde, puis à Milan. C'est là que j'ai connu ma femme, italienne. J'ai travaillé pour Évian, avec un directeur marketing qui n'était pas un gros bosseur. Dès qu'il faisait beau, vers 16h00, on prenait son bateau et on allait faire du ski nautique sur le lac.

Et à votre retour d'Italie ?

 

J'ai mis le pied dans l'entrepreunariat en reprenant 50 % d'une boîte en difficulté pour 1 franc. En contrepartie, je me portais caution personnelle sur la moitié de la dette. Je n'avais que ma vieille 4L et quelques fringues, mais le banquier m'a suivi en pariant sur mon diplôme. Il savait que je trouverais du travail pour le rembourser si cela ne marchait pas. On gérait des télescopes où l'on mettait 1 franc pour voir le paysage. Ma mère se demandait pourquoi j'avais fait HEC pour m'occuper de télescopes à Rocamadour [46] ! J'ai redressé la boîte. Il fallait juste s'en occuper et prendre des décisions. Puis je l'ai revendue. En parallèle avec un copain, j'ai créé et géré une boîte dans le textile, de 1990 à 2000. Elle a bien grossi. Puis il y a eu l'aventure Viaduc, devenu Viadeo, pour laquelle je me suis d'abord appuyé sur le réseau HEC.

Faut-il faire une école pour entreprendre ?

 

Ce n'est pas un prérequis. Avoir fait des études permet d'élargir le champ des métiers où l'on peut réussir. HEC m'a donné une vision globale du business et une technique généraliste de très bon niveau. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a une admiration très française pour les diplômes des grandes écoles. Un gain de crédibilité. Aujourd'hui encore, on va me dire avec admiration que j'ai fait HEC, alors que j'ai quand même fait Viadeo depuis !

Un conseil pour un jeune entrepreneur ?

 

Mon conseil ? Ne pas écouter les conseils. Si on veut être entrepreneur et qu'on écoute ce qu'on vous dit, c'est mort ! Des gens vous donneront toujours de bonnes raisons de ne pas vous lancer. A contrario, je crois beaucoup aux conseils opérationnels.

La réussite, c'est quoi pour vous ?

 

Réaliser ses rêves. Je n'imaginais pas un succès pareil pour Viadeo et je suis très heureux des valeurs fortes de cette entreprise : transparence, esprit d'équipe et fun at work. Je suis dans un rêve. Mais ma priorité, c'est ma famille. Je voyage beaucoup mais je rentre toujours pour être avec elle le week-end. Récemment, ma fille m'a dit qu'elle souffrait de ne pas me voir assez. J'ai tout annulé pour rester avec elle à Pékin, où nous vivons.

 

Biographie express
1966 : naissance à Strasbourg, le 5 février.
1983 : décroche le bac C (futur bac S), mention bien.
1984 : admis à HEC après une année de classe prépa.
1987 : sort diplômé d'HEC, majeure entrepreneur, part 18 mois en Italie, travaille pour Évian.
1990 : redresse Dimo, entreprise de télescopes pour touristes.
1992 : crée GEN, entreprise de distribution de produits textiles en provenance d'Asie, en parallèle de Dimo.
2004 : cofonde Viaduc avec Thierry Lunati, réseau social professionnel qui devient Viadeo en 2006.
2011 : s'installe à Pékin, supervise le développement de Tanji, branche chinoise de Viadeo.


Et si c'était à refaire ?

fleche-rouge Son bilan T.O.P

Sans surprise, c'est le pôle "Entreprenant" qui est le plus marqué chez Dan Serfaty, complété par les pôles "Artiste" et "Investigateur". Tout le potentiel d'un entrepreneur créatif !

Les 20 ans de Dan Serfaty

Pôle "Entreprenant" : action, prise d'initiatives, autonomie, esprit d'entreprendre… Ce pôle caractérise des personnalités dynamiques, déterminées, qui aiment décider par elles-mêmes et souvent diriger. Elles prennent des risques.

Pôle "Artiste" : imagination, curiosité, créativité, intuition, passion sont les mots-clés de la sphère de compétences liée au pôle "Artiste". Ces personnes se passionnent, suivent leurs émotions et leurs intuitions. Elles ont en général besoin de découvertes, de variété. Elles aiment se démarquer et font preuve de liberté.

Pôle "Investigateur" : apprendre, réfléchir, chercher, comprendre… sont les motivations des personnes caractérisées par ce pôle. Elles aiment raisonner, résoudre des problèmes complexes, enquêter, se poser des questions, rechercher des informations afin de mieux comprendre leur environnement. Elles aiment apprendre sans cesse et ressentent généralement le besoin d'étudier, de se cultiver et de se former. La théorie les intéresse, tout comme la conceptualisation.

fleche-rouge Son profil, son métier…

Comme chez tous les entrepreneurs, c'est bien sûr le pôle "Entreprenant" qui prend le dessus dans les résultats de Dan Serfaty.

Prises de risques et lancements de concepts jalonnent son parcours et correspondent parfaitement aux atouts qui sont derrière la combinaison de ses trois pôles dominants : "Entreprenant", "Artiste" et "Investigateur", tous trois très forts.

L'association des pôles "Entreprenant" et "Artiste" est celle de l'aventure entrepreneuriale. Les deux pôles, ensemble, renforcent encore cette capacité à prendre des risques. La combinaison des pôles de l'action ("Entreprenant") et de la réflexion ("Investigateur") a conduit Dan Serfaty vers des études exigeantes. Et posséder conjointement la capacité à agir, décider, diriger et celle de raisonner, de prendre du recul et d'analyser correspond bien aux profils des postes à responsabilités des dirigeants d'entreprise.

Les résultats détaillés du test indiquent aussi un besoin d'utilité sociale. La combinaison EIS ("Entreprenant", "Investigateur", "Social") correspond aussi à Dan Serfaty. Le pôle "Réaliste" est non négligeable. Ce pôle du concret et de la technicité, des aptitudes manuelles, techniques, physiques ressort sans doute en lien avec la pratique sportive de Dan Serfaty.

Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !