Interview

Les 20 ans de Thierry Dusautoir

Par Propos recueillis par Virginie Bertereau, publié le 05 janvier 2011
1 min

Au lycée, Thierry Dusautoir décide d’abandonner le judo pour le rugby. À 20 ans, alors qu’il a déjà le statut de joueur professionnel, il entre en école d’ingénieurs, dont il suit les cours en apprentissage. Retour sur le parcours de celui qui est aujourd’hui capitaine de l’équipe de France de rugby et du Stade toulousain. Une tête et des jambes.

les 20 ans de thierry dusautoirOù avez-vous grandi ?
 
Je suis né en Côte d’Ivoire, où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 10 ans. Puis je suis arrivé en France, à Périgueux (24). C’est là que j’ai passé mes années collège et lycée.

Quel élève étiez-vous ?

 
Disons que j’étais dans la bonne moitié de la classe. J’étais déjà scientifique, mais ma matière préférée, c’était l’histoire-géo. J’ai pensé m’engager dans cette voie. Mais un ami de ma mère, professeur, m’a parlé de débouchés difficiles et m’a conseillé de garder la discipline comme passion. J’ai donc choisi la filière S, spécialité physique-chimie. Je travaillais beaucoup. J’ai notamment énormément bossé la biologie pour le bac. Je ne comprenais rien à la génétique ! Finalement, j’ai eu 15/20 grâce à une copine qui m’a tout expliqué.

Quels souvenirs gardez-vous de ces années ?

 
Des interros toutes les 2-3 semaines ! Non, une fois que c’est passé, on se souvient des copains et des profs. Je garde un très bon souvenir de mon prof de français et de latin. Il encourageait toujours ses élèves à avancer. Il donnait vraiment envie de s’intéresser à la langue française. Par exemple, il interprétait les personnages quand on étudiait une pièce de théâtre. Les livres de latin devenaient des livres d’aventure. J’ai abandonné la matière en seconde, quand je suis tombé sur un enseignant qui nous faisait étudier des grands classiques épais "comme ça", avec une vision vraiment scolaire.

C’est au lycée que vous êtes passé du judo au rugby. Pourquoi ?

 
J’ai commencé le rugby en première. De 4 à 16 ans, je pratiquais le judo. J’étais quelqu’un d’assez réservé. Le rugby m’a décomplexé, m’a fait grandir. Cela me permettait d’être avec des personnes de mon âge, de partager avec mes copains le dimanche, de participer aux conversations car tous les gars du lycée, venus des environs, se rencontraient pour jouer le week-end. Je me suis rendu compte que "l’autre" n’était pas si différent. C’était aussi plus facile avec les filles !

Vous aimiez le sport, mais pas au point de devenir professionnel.

 
Au lycée, je rêvais de devenir pilote de chasse. Il y a 10 ans, la fac de sport avait un peu l’image de "voie de garage". D’une manière générale, l’université n’avait pas forcément une bonne réputation à l’époque. Si on allait en fac, on allait être désorienté, on n’allait pas réussir. En venant de S, devenir ingénieur, c’était un peu suivre des rails. Par ailleurs, j’habitais en face de mon lycée qui proposait la prépa. Cela ne coûtait rien à ma mère. J’ai donc intégré une prépa physique-chimie.

Et vous avez apprécié ?

 
Cela ne m’a vraiment pas plu ! Je crois que je n’avais pas la détermination pour préparer des concours pour entrer à Polytechnique ou aux Mines. Ce n’était pas une question de capacité, mais d’état d’esprit. J’adorais vraiment le sport, pourtant mes profs me conseillaient d’arrêter tous les lundis matin… J’étais accepté en 2nde année, mais j’ai fait le choix de partir. Je me suis inscrit en 2ème année de fac de sciences à Bordeaux (33), ce qui me permettait de préparer les concours d’écoles d’ingénieurs mais aussi de continuer le rugby. J’ai raté mon 1er semestre (je ne savais pas trop où j’atterrissais). Cela reste une grosse déception dans mon parcours d’étudiant. La honte ! Mais cela m’a donné un bon coup de pied au derrière. J’ai redoublé ce semestre et j’ai eu de super notes. Au cours de cette 2ème année, j’ai passé le concours de l’École nationale supérieure de chimie et de physique de Bordeaux. L’établissement me permettait d’étudier la chimie des matériaux, qui me plaisait pour son côté concret, et surtout de continuer à jouer au rugby au club de Bordeaux-Bègles. J’étais alors passé professionnel.

Comment avez-vous réussi à concilier sport de haut niveau et école d’ingénieurs ?

 
Je n’en pouvais plus de suivre des études, de jouer au rugby et de travailler à la fois. J’étais dans la filière en apprentissage. Je choisissais mes employeurs en fonction de mes changements de club. Par exemple, quand je suis allé jouer à Biarritz (64) pour rester en 1ère division, j’ai travaillé dans une entreprise de la région qui fabrique des pièces pour l’aéronautique. Il fallait trouver des employeurs qui acceptent que je ne sois pas là à 100% du temps. Je négociais : quand je changeais de club, celui-ci m’aidait à trouver une entreprise. Pour les cours, je les récupérais et les travaillais chez moi pour les examens. J’étais soutenu par le responsable de la formation de l’école. Il m’a encouragé à poursuivre mes études, à ne pas m’arrêter sans diplôme. Après 3 ans, j’ai finalement réussi à l’obtenir.

Selon vous, c’était nécessaire ?

 
Oui, j’étais soulagé. J’avais une sécurité, je pouvais me lancer à fond dans le rugby. J’avais aussi envie d’en profiter. Ce qui n’a pas été le cas durant toutes ces années… Je n’ai pas eu "l’innocence d’un étudiant", je n’ai eu que les contraintes. Par exemple, j’ai participé à peu de soirées étudiantes.

Qu’a dit votre mère ?

 
Quand je lui ai dit "ça y est, maman, je suis ingénieur", elle était rassurée. Pendant toutes ces années, elle ne m’a pas lâché. Le sport ne l’intéressait pas. Elle voulait surtout que je passe mes examens, que je travaille bien. En obtenant mon diplôme, j’avais réussi, j’avais fait le maximum, elle ne pouvait plus rien me dire. Aujourd’hui, elle commence à suivre le rugby !

De quoi êtes-vous le plus fier, de vos études ou de vos exploits sportifs ?

 
De mes études. Les gens se demandent toujours comment j’ai pu faire. Moi aussi ! Mais je ne suis pas le seul. Dans l’équipe du Stade toulousain, il y a 3 autres ingénieurs. Le rugby est un sport où les joueurs ont les pieds sur terre et un lien avec la vie réelle. Après le sport, il y a une vie, et sans qualification, cela peut être compliqué.

Qu’est-ce qui nécessite le plus d’engagement ?

 
Lier les études et le rugby. Et surtout être performant dans les 2. Il faut de la volonté. La facilité aurait été de tout arrêter sur un plan comme sur un autre. Mais cela donne un certain équilibre : il n’y a pas qu’un seul domaine dans la vie.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui veulent marcher sur vos pas ?

 
Il faut être conscient des difficultés, bien s’entourer, ne pas se laisser décourager. On peut entendre des choses qui ne font pas forcément plaisir. À l’école, on me reprochait de n’être jamais là. On se demandait si j’avais passé le concours. Au rugby, on disait que je faisais l’intellectuel. C’est marrant de voir les 2 images que l’on renvoie : pour les ingénieurs, le sportif est un "gros bourrin" qui ne se sert pas de son cerveau. Pour le sportif, l’ingénieur est un "geek binoclard" qui ne sort pas de ses équations.

Et si c’était à refaire ?

 
Je referais le même parcours dans une structure comme le Stade toulousain, avec un centre de formation performant. Les étudiants bénéficient ici d’un vrai accompagnement. Ceux qui ont la volonté d’obtenir un diplôme et de jouer à un haut niveau sont placés dans les meilleures conditions. Dans d’autres clubs, ce n’est pas la priorité. Seul souci : il faut être sélectionné ! Pour ma part, je n’avais pas cherché à y entrer car je pensais que c’était trop haut pour moi. Je n’avais pas la prétention d’être professionnel.


Biographie express
1981 : naissance le 18 novembre en Côte d’Ivoire
1991 : arrive en France à Périgueux (24)
1997 : s’inscrit dans son 1er club de rugby, le club de Trélissac (24)
1999 : décroche son bac S à Périgueux
2000 : entre en prépa physique-chimie-sciences de l’ingénieur2001 : fait ses premiers plaquages dans un club du Top 16, Bordeaux-Bègles, comme 3e ligne
2005 : est diplômé de l’ENSCPB, après 3 ans d’études en apprentissage2005, 2006, 2008 : est champion de France avec les clubs de Biarritz, puis Toulouse
2006 : intègre l’équipe de France pour la tournée d’été en Roumanie puis en Afrique du Sud
2009 : devient capitaine de l’équipe de France de rugby lors de la tournée d’été en Nouvelle-Zélande mais aussi capitaine du Stade toulousain sur certains matchs (saison 2008-2009)
2010 : remporte le championnat d’Europe avec le Stade toulousain face à Biarritz
2010 : remporte le grand chelem au tournoi des Six Nations avec l’équipe de France
 



Et si c'était à refaire ?
 

Thierry Dusautoir était-il voué à devenir sportif de haut niveau ou ingénieur ? Nous lui avons fait passer le T.O.P, le test d’orientation de l’Etudiant. Un bon moyen de voir quels métiers correspondaient à son profil.

Son bilan T.O.P

bilan top thierry dusautoir

"Conventionnel", "Investigateur", "Entreprenant" : tels sont les trois pôles qui dominent le profil de Thierry Dusautoir. Chacun correspond à des compétences clés de sa personnalité.

> Pôle "Conventionnel" : méthode, organisation, besoin de cadre, rigueur sont des valeurs liées à ce pôle. Il correspond à des personnes qui aiment les objectifs clairs, les repères stables. Cela leur permet de se lancer dans des projets où les résultats sont mesurables. Souvent perfectionnistes et consciencieuses, elles aiment que les rôles soient bien définis.

> Pôle "Investigateur" : apprendre, réfléchir, chercher, comprendre sont les mots clés. Ce pôle caractérise des personnes qui aiment raisonner, résoudre des problèmes complexes, comprendre leur environnement. Ces personnes sont souvent attirées par ce qui est d’ordre intellectuel ou scientifique.

> Pôle "Entreprenant" : agir, décider, diriger, initiative, compétition définissent ce pôle de l’action, qui caractérise des personnalités dynamiques, réactives, qui apprécient de se mesurer aux autres et qui aiment diriger. Ambitieuses, ces personnes sont motivées par la réussite.


Son profil, son métier…

S’il est sportif de haut niveau et capitaine de l’équipe de France de rugby, Thierry Dusautoir est aussi ingénieur… et ses résultats au test T.O.P confirment son goût pour le raisonnement, la réflexion et son esprit scientifique. Organisation, besoin d’étudier, recherche de la meilleure façon de faire, anticipation, capacité à prendre des risques sont les caractéristiques de la combinaison des pôles "Conventionnel", "Investigateur" et "Entreprenant".

Analysés de manière détaillée, les sous-critères évalués pour chacun des pôles étudiés montrent que le pôle "Réaliste" est à prendre en compte sur le goût du terrain et les aptitudes physiques. Par ailleurs, le pôle "Entreprenant" est très fort sur le goût du management et l’esprit de compétition. Son pôle "Investigateur" indique la valeur qu’il donne aux diplômes, aux études. Thierry Dusautoir fait partie de ceux qui veulent agir comme étudier. Si l’action prend le dessus, les personnes où dominent à la fois les pôles "Conventionnel", "Investigateur" et "Entreprenant" vont privilégier l’expérience, les stages.

Quand le pôle "Investigateur" est plus marqué, elles donnent plutôt la priorité aux études. Thierry Dusautoir a mêlé les 2 en optant pour des études en apprentissage, et en couplant sport de haut niveau et études…



Vous aimerez aussi

Contenus supplémentaires

Partagez sur les réseaux sociaux !