Portrait

Ninon, 26 ans : "Comment je suis devenue paléontologue"

Ninon, 26 ans : comment je suis devenue paléontologue // © Mat Jacob/Tendance Floue pour l'Etudiant
Depuis ses 10 ans, Ninon est passionnée par la préhistoire. © Mat Jacob/Tendance Floue pour l'Etudiant
Par Maria Poblete, publié le 20 octobre 2015
1 min

À 26 ans, Ninon est paléontologue. Son quotidien : déchiffrer des fossiles d’invertébrés comme les homards, les crabes, les crevettes… Elle nous parle de son métier au milieu des dinosaures du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris.

Dans la somptueuse galerie de paléontologie du Muséum national d'histoire naturelle, Ninon côtoie au quotidien de drôles de spécimens. Elle aime particulièrement aller saluer le gigantesque Dunkleosteus, poisson vieux de 450 millions d'années, l'un de ses préférés. Elle s'arrête aussi souvent sur le Sarcosuchus, crocodile géant à la dentition effrayante !

"Enfant et ado, la période préhistorique me passionnait"

Sa spécialité n'est pas les dinosaures, elle les aime "pour le plaisir et l'histoire qu'ils racontent". Dans ce lieu mythique où elle vient de terminer sa thèse, elle déchiffre des fossiles d'invertébrés comme les homards, les crabes, les crevettes. Son sujet d'études : les associations entre organismes, il y a des millions d'années. "C'est une manière de se pencher sur les relations entre les espèces dans le passé ; c'est un domaine pas connu, mais tellement passionnant", explique-t-elle avec enthousiasme. La jeune femme est encore plus enjouée quand elle sort d'un sachet en plastique accompagné de son étiquette, une petite crevette fossilisée. Elle montre l'abdomen, ses petites pattes : "Elle est chouette, non ? Grâce à elle, on en saura plus sur la vie passée."

Cette passion pour la préhistoire remonte à ses 10 ans. Ninon découvre un monde fascinant grâce aux documentaires de la BBC sur les temps préhistoriques. "Je me suis dit que j'aimerais bien être paléontologue..." La petite Ninon mène une scolarité brillante, sans laisser de côté les loisirs, comme la danse classique, qu'elle pratique au conservatoire, et la nature, où elle aime se promener, fouiller dans la terre et trouver des petits animaux.

"J'ai eu la chance de visiter, très jeune, un site archéologique"

Ninon a 15 ans quand son père, qui travaille à la direction départementale de l'équipement de Nantes, apprend la découverte d'un gisement d'ambre près de chez eux. Elle l'accompagne et y rencontre le paléontologue du muséum d'histoire naturelle de Nantes. Il lui fait découvrir le lieu et la conseille sur le déroulement des études pour exercer ce métier. Il la prendra ensuite en stage et missions.

"J'étais nulle en maths mais je me suis forcée à comprendre"

Ninon ne se décourage pas ; tant pis s'il y a peu de postes dans le secteur. Après la seconde, elle doit passer en première S, mais les maths sont sa bête noire. "J'avais derrière moi quatre ans de galères en maths, je n'y comprenais rien ! J'avais dû rater une étape, j'étais perdue." Motivée, elle s'y plonge à fond en première. "Je me suis accrochée et ça a redémarré ; je me suis forcée à comprendre la logique, encouragée par de bons enseignants." Elle veut décrocher une mention au bac, parce qu'elle met un point d'honneur à réussir. Mais comme elle est étourdie, le jour de l'épreuve, elle oublie de rendre une copie qui aurait pu lui rapporter 8 points ! "Le drame de ma vie", dit-elle en plaisantant (à moitié, elle frise la mention très bien).

"Je me lance avec joie dans huit années d'études supérieures"

Ninon sait que des scientifiques connus n'ont pas été forcément parmi les premiers de la classe au lycée, et que "plus on avance, plus on vibre, plus on se spécialise et plus on s'améliore". Après le bac, elle a le choix entre entrer en classe préparatoire ou à l'université. En réalité, pour être paléontologue, il faut avoir un doctorat en paléontologie qui se prépare à l'université. "La recherche fait partie des cursus d'excellence, mais on n'a pas besoin d'aller dans des grandes écoles privées et payantes", ce qui la séduit aussi.

Ce sera donc un parcours classique avec, à la fin, un bac+8. Après la licence (bac+3) en sciences de la vie et de la Terre à Nantes, elle opte pour le master (bac+5) de paléontologie à l'université Pierre-et-Marie-Curie-Muséum national d'histoire naturelle, à Paris. Sa spécialité : la systématique, c'est-à-dire la description des groupes d'animaux et la compréhension de leurs liens de parenté à travers leurs ancêtres communs. Puis, elle poursuit, toujours avec passion, ses études en doctorat pendant trois ans.

"On devait faire de grands trous pour trouver les empreintes de dinosaure"

Le doctorant est un étudiant qui doit soutenir une thèse après trois ans de recherche. En paléontologie, il étudie souvent sur du matériel déjà ramassé. "Le temps de thèse est trop court pour recueillir son matériel ; il faut déjà chercher des missions sur le terrain et il en existe peu. À la fin de ma licence, j'ai quand même trouvé un chantier dans l'Ain (01). C'était extra ! J'ai a-do-ré mes premières fouilles ! En plus, il y avait une super ambiance. On devait faire des trous d'un mètre de profondeur pour dégager des empreintes de dinosaures ! Par la suite, j'ai continué à fouiller tous les étés." Tant qu'ils n'ont pas de poste avec des missions spécifiques accompagnées de financements, les jeunes paléontologues doivent se débrouiller pour aller sur le terrain, même bénévolement.

La vie quotidienne du chercheur de cette spécialité est plutôt devant un ordinateur, à traiter des données, regarder des spécimens, écrire des articles (en anglais !). Alors, le terrain, c'est ce qui constitue la base du métier : chercher des fossiles.

"La bourse L'Oréal-Unesco me permet de lancer ma carrière"

Ninon a obtenu, en deuxième année de thèse, la bourse L'Oréal-Unesco "Pour les femmes et la science". Cette bourse de 15.000 € n'est pas destinée à financer la recherche mais à promouvoir les jeunes femmes doctorantes. "Cela nous permet de nous faire connaître, de financer nos voyages et conférences aux congrès internationaux, de lancer notre carrière." Sa thèse soutenue, Ninon envisage de partir travailler un ou deux ans en Chine, pour étudier des fossiles datant de 500 millions d'années. Et, dans dix ans, elle se verrait bien chercheuse en Europe ou aux États-Unis.

Comment devenir paléontologue ?
Ce sont huit années d'études. Après une licence en sciences de la vie et de la Terre, plusieurs masters existent, qui sont très spécialisés (paléoécologie, microfossiles, mammifères, etc.). Ninon a choisi celui de l'UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie) associé au Muséum national d'histoire naturelle sur la systématique. Le doctorat est accessible sur concours (nombre de places offertes limité).

Les doctorants sont rémunérés entre 1.300 et 1.600 € par mois pendant leur thèse qui dure trois ans. La plupart des paléontologues travaillent dans les universités ou les musées, pour des organismes de recherche publics comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), ou au sein de collectivités territoriales. Souvent enseignants-chercheurs, ils doivent consacrer une grande partie de leur temps à l'enseignement.

Attention, les places sont rares.

Le parcours de Ninon en 5 dates
2007
Bac S
2010
Licence SVT (sciences de la vie et de la Terre)
2012
Master 2 en paléontologie à l'UPMC (université Pierre-et-Marie-Curie)
2014
Bourse L'Oréal-Unesco "Pour les femmes et la science"
2015
Thèse de doctorat à l'UPMC

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