Portrait

Pilote dans l’armée de l’air : mon parcours d’apprentie du ciel

Victoria, pilote dans l’armée de l’air
Victoria se prépare activement pour devenir pilote de chasse. © C. Prioreschi-Drouin / Armée de l'air
Par Séverine Tavennec, publié le 08 septembre 2015
1 min

TB10, Cirrus SR20, Grob 120 : des noms d’avions qui font planer. À leurs commandes : le lieutenant Victoria, 25 ans. L’étudiante suit une formation dans l’armée de l’air pour devenir pilote de chasse. Récit de son cursus commencé en 2010, qui s'est achevé fin 2016.

J'ai hâte de partir en opérations extérieures pour assurer des missions aériennes, à l'image de ce qu'il se passe en ce moment au Mali, en Irak... mais il va falloir être patiente. J'ai encore beaucoup d'étapes à franchir", confie avec beaucoup de lucidité Victoria. Avant de piloter un avion de combat en tant que pilote de chasse, la jeune femme doit en effet achever de longues études.

"J'admirais Caroline Aigle"

"J'ai intégré l'École de l'air de Salon-de-Provence (13) en 2010. J'étais vraiment heureuse d'entrer dans cette grande école, d'avoir réussi le concours. J'avais travaillé dur pour y arriver." Après l'obtention de son bac S au lycée Pierre-de-Fermat, à Toulouse (31), Victoria a suivi trois années de classe prépa : une année en PCSI (physique, chimie et sciences de l'ingénieur), puis deux en PSI (physique et sciences industrielles) au lycée privé Saliège, à Balma (31).

"Le métier de pilote de chasse m'attirait. J'admirais particulièrement le parcours de Caroline Aigle, qui a été la première femme pilote de chasse à être affectée dans un escadron de combat de l'armée de l'air française. Je savais qu'elle avait fait Polytechnique. Cela me paraissait inaccessible. Je pensais que je n'avais pas le niveau."

Victoria s'informe pourtant sur les différents cursus qui préparent à ce métier, et, lors d'un forum des grandes écoles organisé par son lycée pendant sa prépa, elle rencontre des officiers de l'École de l'air : "Je me suis renseignée sur les conditions d'admission. Ils m'ont dit que je pouvais tout à fait prétendre au concours. Je me suis donc inscrite !"

"Le côté strict des études ne m'a pas gênée"

La jeune femme passe ainsi les épreuves écrites, orales et sportives avec succès et intègre le cursus ingénieur en trois ans de l'École de l'air. À Salon-de-Provence, elle découvre un univers totalement nouveau : "Il n'y avait pas de militaires dans ma famille mais je me suis très vite intégrée. Le côté strict des études ne m'a pas gênée, au contraire, cela m'a plutôt attirée : la vie en internat, les quatre heures de sport par semaine, l'uniforme... "

Victoria se retrouve dans une promo qui compte 14 filles sur une soixantaine d'élèves, mais cela ne l'étonne pas, bien au contraire : "En PSI, nous n'étions que cinq !" Parmi ces 14 filles, deux ont choisi la spécialité officiers du personnel navigant, les autres optant plutôt pour les spécialités officiers des bases de l'air ou officiers des systèmes aéronautiques.

Durant ses études d'ingénieur, la jeune femme s'initie au vol sur un TB10, toujours aux côtés d'un instructeur : "C'est un petit avion civil. Les premiers vols sont très frustrants car nous n'avons pas beaucoup les commandes. Mais cela nous donne un petit avant-goût avant le premier vol en solo, même si on sait qu'il va falloir attendre encore un peu car ce ne sera que quelques mois après l'obtention du diplôme !"

Avant de partir en navigation, Victoria étudie les conditions de vol avec son instructeur.// © C. Prioreschi-Drouin/Armée de l'air

"C'est comme conduire une voiture"

À l'issue des trois ans du cursus ingénieur, seuls les élèves de la spécialité officiers du personnel navigant restent à Salon-de-Provence, au Centre de formation aéronautique militaire initial, durant neuf mois, après lesquels ils obtiendront l'ATPL (Airline Transport Pilot Licence), le brevet théorique de pilote de ligne. Celui-ci s'acquiert en réussissant 14 unités de valeur dans l'aéronautique (météorologie, droit aérien, aérodynamique...).

"Nous alternons des cours théoriques et des vols, toujours accompagnés d'un instructeur, sur un Cirrus SR20, un avion léger, monomoteur", explique Victoria. Et de préciser : "On doit maîtriser chaque vol de A à Z : décoller, atterrir, parler à la radio, gérer les pannes... Nous avons des missions de navigation, de voltige, de vol de nuit. Chaque mission est notée. On passe aussi plusieurs tests et, enfin, après neuf mois, on effectue notre premier vol seul !" Ce jour-là, les élèves se rendent sur une zone de travail à la campagne, à Aix-en-Provence (13) ou à Avignon (84) et sont notés. Victoria se souvient de ce grand moment : "Je n'ai ressenti aucune panique. Nous sommes bien préparés. Cela demande beaucoup de concentration et de rigueur. En fait, c'est comme lorsque vous conduisez une voiture pour la première fois après le permis, ça fait un peu bizarre mais ce n'est que du plaisir !"

"On enchaîne les vols en fonction de la météo"

Leur licence de pilote de ligne en poche, les élèves partent sur la base aérienne de Cognac (16), à l'École de pilotage de l'armée de l'air, pour poursuivre leur formation durant six mois. Ils alternent cours théoriques et cours pratiques. "Ici, on fait partie d'un escadron et on enchaîne les vols en fonction de la météo, sur un Grob 120, un avion qui fait de la voltige. Au programme : vol en patrouille, vol aux instruments et navigation à vue, voltige aérienne... durant des missions d'une heure à une heure trente", explique Victoria.

Lors des missions de voltige, la jeune femme s'exerce notamment à faire des boucles, c'est-à-dire des rotations de l'avion autour de son axe de tangage. Des exercices d'entraînement qui impressionnent son entourage familial : "Ma mère est notamment très fière de mon parcours et est heureuse de voir sa fille passionnée par ce qu'elle fait. Elle est venue une fois lors des journées portes ouvertes de l'école. Devant les avions, elle n'arrivait pas à réaliser que je volais seule dans ces engins. Elle ne m'a pas encore vu voler. Je ne sais pas comment elle réagira le jour où elle me verra faire des boucles dans les airs !"

"Je me rapproche de plus en plus de mon rêve"

La formation à Cognac s'est achevée pour Victoria. Elle attend de savoir si elle peut continuer dans sa spécialité chasse, en fonction des places disponibles. Si elle est retenue, elle restera deux mois de plus à Cognac pour voler sur le TB-30 Epsilon, un modèle proche d'un avion de combat.

Elle partira ensuite à la base aérienne de Tours (37) pour se former au pilotage de chasse sur l'Alpha Jet, un avion à réaction, pendant environ huit mois. Enfin, la dernière étape du parcours de formation d'un pilote de chasse est la transition opérationnelle, à Cazaux (33), durant sept mois. Les élèves y apprennent le pilotage de combat et la conduite d'opérations militaires aériennes.

"À chaque étape franchie, je me dis que je me rapproche de plus en plus de mon rêve et cela me motive davantage", conclut Victoria.

Intégrer l'École de l'air
L'admission à l'École de l'air se fait sur concours avec épreuves écrites, orales et sportives. Les candidats doivent avoir 22 ans au plus au 1er janvier de l'année de la sélection et être aptes médicalement. Deux concours sont organisés : après une prépa MP (maths-physique), PC (physique-chimie), PSI (physique et sciences de l'ingénieur), PT (physique-technologie) ou après une licence de sciences ou de sciences politiques.

Les titulaires d'un master peuvent postuler, ils sont choisis après entretien, test d'anglais et épreuves sportives (la limite d'âge est repoussée à 25 ans).
ecole-air.fr/acces-concours-et-resultats/

Le parcours de Victoria en 8 dates
2007-2010
Trois ans en classe prépa au lycée privé Saliège, à Balma.
2010-2013
Trois ans à l'École de l'air de Salon-de-Provence.
2013-2014
Neuf mois au Centre de formation aéronautique militaire initial de Salon-de-Provence.
2014-2015
Six mois à l'École de pilotage de l'armée de l'air sur la base aérienne de Cognac.
2015
Deux mois de préspécialisation pour le cursus chasse à l'École de pilotage de l'armée de l'air.
2015-2016
Huit mois à la base aérienne de Tours : formation au pilotage de chasse.
2016
Sept mois sur la base aérienne de Cazaux : "transition opérationnelle" (réalisation de missions sur avion de chasse).
Fin 2016
Affectation dans une unité opérationnelle.

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