Le stashing, ou quand votre moitié vous planque

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Publié le 28/11/2017 par TRD_import_CamilleJourdan ,
Il refuse de parler de vous à ses amis, elle ne veut pas que vous rencontriez ses parents. Ce genre de relation où l’autre vous "cache" s'appelle le "stashing". Témoignages et conseils.

Voilà maintenant un an que Laure sort avec Bertrand*. Les amis de la jeune femme sont au courant, quelques-uns ont même rencontré son amoureux. Mais, lui, refuse toujours de la présenter à ses copains ou à sa famille. Laure est victime de « stashing », cette pratique qui consiste à cacher son ou sa partenaire à ses proches.

Souvent, quand on sort avec quelqu’un, on est amené à le présenter à ses potes, et même à ses parents. Et là, ça devient officiel, comme l’explique la sociologue Annie Cloutier :  » Présenter son ou sa petit(e) ami(e), c’est une sorte d’institutionnalisation de la relation « . Or, certaines personnes n’ont pas envie de formaliser leur amour de la sorte.  » On peut être amoureux sans vouloir rendre son couple public « , détaille le sociologue François de Singly, auteur de « Double je ». « L’amour pur, dit encore sa consœur Marie-Carmen Garcia, n’a pas besoin de cette institutionnalisation ».

Les présentations, au bout de combien de temps ?

Mais l’auteure d’ »Amours clandestines, sociolologie de l’extraconjugalité durable » précise : « Par la suite, néanmoins, un couple tient aussi parce qu’il existe aux yeux des autres. » Avant, les présentations à ses proches passaient par des étapes bien définies : les fiançailles, le mariage…  » Aujourd’hui, il n’y a pas de principe qui dit au bout de combien de temps on doit présenter son partenaire aux autres « , constate François de Singly. Ce qui brouille les pistes : rien n’oblige, officiellement, à se mettre « en couple » sur Facebook ou à aller boire le café chez les beaux-parents.

Une situation qui peut faire souffrir

Mais avoir le sentiment d’être « caché » peut être douloureux. « Ça affecte l’estime de soi », observe Marie-Carmen Garcia. « Je l’ai très mal vécu », raconte Guillaume*, resté dans l’ombre pendant trois ans : « Une seule de ses amies savait que nous étions ensemble, et ses parents avaient vaguement entendu parler d’un mec sympa ». Même schéma pour Laura, qui est sortie avec un garçon que « le regard des autres » semblait déranger :  » Je n’étais pas conviée aux soirées avec lui. Il avait l’habitude d’aller dans un bar de jeux vidéo chaque semaine et m’interdisait de l’accompagner. Si j’y allais, il rentrait chez lui. »

Pourtant, dans l’intimité, tout se passait bien pour ces deux couples. « Il était adorable quand on était tous les deux, assure Laura, mais il ne fallait pas qu’il y ait une autre personne. » Au bout de plusieurs mois, ça la pèse :  » J’avais l’impression qu’il avait honte de moi « . Guillaume aussi s’est posé des questions sur sa compagne : « Je me suis dit qu’elle voyait quelqu’un d’autre, ou qu’elle n’était simplement pas amoureuse de moi. »

Comprendre les raisons

« Quand je lui en parle, on se dispute, ou il évite le sujet, témoigne Laure. Parfois, il me répond qu’il me présentera ‘bientôt' ». Laura et Guillaume ont aussi maintes fois abordé la question avec leur ex. « Elle me répondait qu’il lui fallait du temps, que c’était dans sa nature », se rappelle Guillaume. Laura, elle, n’a jamais eu de réponse :  » Mais je pense qu’il n’assumait pas mon look , suppose la jeune femme, et puis sa famille était issue d’un milieu bourgeois, alors que je suis fille d’ouvrier ».

Les raisons pour cacher celui qu’on aime aux autres peuvent être nombreuses : Flora* n’a jamais osé dire à son père qu’elle sortait avec un Tunisien, car elle craignait une réaction raciste.  » Dans une relation, il faut tenir compte de la personnalité de l’autre , de son histoire, et de son milieu familial », confirme Annie Cloutier.

Indépendance vs couple

« En outre, dans notre société post-moderne, on cherche à la fois à garder son indépendance tout en ayant une certaine sécurité », poursuit la sociologue.  » Stasher » sa moitié, c’est « l’assurance d’avoir quelqu’un, sans trop s’engager ». Une explication qui fait écho à l’histoire de Guillaume : « Ma copine voulait une relation stable avec moi, sans respecter une relation de couple normale. »

En parler

Quelles que soient les raisons de l’autre, rester dans une relation qui fait souffrir n’est pas la solution. « Il faut en parler », s’accordent à dire tous nos témoins. « En douceur, propose Laura, en comparant les deux situations : ‘toi tu rencontres mes copains, ma famille, pourquoi pas moi ?' ». « Dans un couple, il y a forcément une certaine réciprocité, confirme Annie Cloutier. Si la personne ne souhaite vraiment pas présenter ses amis, peut-être qu’on peut lui demander, dans un premier temps, une autre forme d’engagement : partir en vacances, avoir ses clés d’appartement… »

Laure peut encore se montrer patiente. Mais elle aimerait bien rencontrer les potes de son amoureux, ne serait-ce que parce que « les week-ends, il est avec eux, donc on ne se voit pas. J’aimerais qu’on fasse des trucs normaux de couple, comme passer une soirée avec eux. » Pour Laura, la patience a cependant ses limites : « Il faut lâcher l’affaire dès qu’on commence à sentir que quelque chose cloche et qu’on n’obtient pas d’explication. » Et elle donne un autre conseil, « majeur » à ses yeux : « Il ne faut pas culpabiliser : ce n’est pas de ta faute. »

*Les prénoms ont été modifiés.