Je suis trop « cash », ça me joue des tours

No thumbnail
Publié le 19/05/2017 par TRD_import_MariaPoblete ,
Dire ce qu'on pense, c'est bien ; le faire sans être blessant(e), c'est mieux. Tout est une question de timing et de choix des mots. Ça s'appelle la diplomatie et, bonne nouvelle, ça s’apprend.

« Je dis souvent et si possible à mes amis et à ma famille ce que je pense réellement et sincèrement. Je ne vois pas pourquoi il faudrait que je me taise, que je me retienne d’exprimer ce que j’ai au fond du cœur. Je suis une personne entière, on me l’a parfois reproché. D’ailleurs, j’en subis parfois les conséquences parce que mes amis se vexent. J’ai quand même du mal à me remettre en question : l’idée de ne pas dire ce que je veux m’énerve et surtout me rend triste. Je voudrais que nous soyons tous sincères, véritables, droits, transparents et intègres. » Ella, 15 ans, a du mal à se calmer. En colère, cette bonne élève, qui se destine à être avocate, estime que la franchise est la base des relations humaines.

« Ce n’est pas faux : le contraire de la franchise est le mensonge, indique Olivier Spinnler, psychologue clinicien et auteur d’ouvrages sur les émotions et l’amitié. Mais il me semble important d’apprendre à respecter l’autre, à ne pas le vexer. »

Dites la vérité sans vous emporter

Silvana, 17 ans, s’en souviendra toujours. Une fois, elle a vraiment manqué de tact. « C’était l’an dernier. Certes, j’étais plus jeune et moins mûre, mais je m’en veux encore et je n’arrive pas à analyser pourquoi j’ai été aussi cruelle. Une de mes grandes copines, qui avait pris pas mal de poids, n’arrêtait pas de se plaindre auprès de ses amies du fait qu’elle avait trop grossi, que cela la démoralisait et la rendait malade. Toutes les filles de la bande lui répétaient en boucle : ‘Mais non, tu es super comme ça, cela ne se voit même pas…’ Alors que c’était atroce ! À ce train-là, elle allait être énorme ! Eh bien, un jour, j’ai confirmé ce dont elle se plaignait. Je lui ai déclaré qu’elle était trop grosse et qu’elle devait faire attention. Elle a été vexée et m’a fait la tête durant une semaine. »

« J’avais juste dit la vérité et, surtout, ce que les autres taisaient. J’en suis encore à me demander si j’ai bien agi. Sur le moment, j’ai pensé : ‘Tant pis si ça la blesse, en réalité je lui rends service’, parce qu’elle mangeait trop. Oui, j’aurais dû être un peu moins directe. Si cela arrivait aujourd’hui, je lui dirais la vérité, mais plus intelligemment. Je lui conseillerais de faire attention et je l’inviterais à venir courir avec moi, à pratiquer un sport, en utilisant d’autres mots moins crus ! »

Mettez-vous à la place des autres

Éva, 15 ans, a aussi dû supporter les désagréments liés à sa franchise. « Un jour, j’ai vu ma meilleure amie arriver au collège tout ébouriffée. Je lui ai fait remarquer qu’elle avait l’air d’une folle avec ses cheveux en pétard : ‘Recoiffe-toi !’ Elle s’est aussitôt énervée et elle m’a répliqué : ‘J’en ai marre de tes commentaires !’ Elle était très fâchée. Je n’ai pas compris. Peut-être qu’elle était fatiguée ou mal lunée. Je suis restée bouche bée. Je ne m’attendais pas à cette réaction si violente. Nous ne nous sommes pas parlé pendant plusieurs mois, alors qu’auparavant nous étions inséparables ! Je la revois depuis deux semaines et je suis contente que cela se soit arrangé. »

Éva n’a pas compris la susceptibilité de son amie. « On en a reparlé depuis. Je lui ai dit qu’elle se vexait facilement. Elle m’a répondu : ‘C’est toi, aussi !’ Alors, maintenant, on est à égalité. » Son conseil ? « Choisir le moment pour dire ce que l’on pense et ne pas critiquer la personne frontalement, mais en douceur. » Cela s’appelle la diplomatie. L’art de la souplesse, de l’habileté et du tact.

Contrôlez vos émotions

Samuel, 18 ans, se considère comme un jeune émotif, avec une sensibilité à fleur de peau. « D’ailleurs, j’ai pris un abonnement chez la dermatologue, car j’ai des réactions étranges et des allergies, explique-t-il, avec humour. Il m’est arrivé plus d’une fois de sortir des énormités à des copains, des choses dures et parfois méchantes. Tout cela parce que je ne me retiens pas. Ça sort, c’est comme s’il me manquait un filtre. Je suis si timide que, parfois, je passe des heures sans parler et, d’un seul coup, je raconte n’importe quoi sans faire attention à celui qui est en face de moi. C’est étrange. »

Mais pas étonnant pour les spécialistes qui observent vos comportements. « Ne pas être gouverné par ses émotions, cela s’apprend, analyse Olivier Spinnler. C’est toujours utile de bien connaître son état émotionnel, de prendre du recul, se poser, souffler, respirer et savoir à quel moment on risque d’exploser. » Et alors ? Alors on se calme, on tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler et on met un filtre.

Acceptez de vous excuser

« Je m’en suis voulu pendant des mois et des mois, ose à peine avouer Andréa, 21 ans. Ma sœur aînée, qui avait 23 ans à l’époque et vivait avec son copain depuis un an à peine, tombe enceinte. Elle m’appelle pour me l’annoncer. Mais je n’ai pas compris en entendant sa voix si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Alors, comme une idiote, je lui ai répondu : ‘C’est horrible ! Tu vas avorter où et quand ?’ Silence de la part de ma sœur. En fait, elle était très contente. Elle m’a rétorqué : ‘Mais on le garde… Qu’est-ce que tu crois ?’ et elle a raccroché. J’étais mal. Alors je lui ai écrit une lettre pour m’excuser. On en a reparlé récemment – pas devant mon neveu de 3 ans, je vous rassure. Ce jour-là, j’ai grandi de trois ans en trois minutes. J’ai compris ce qu’était la diplomatie. »

Des excuses, Adriana, 19 ans, se souvient d’en avoir présenté à une de ses camarades. « Je ne regrette pas d’avoir dit ce que j’ai dit, mais c’est la manière dont je l’ai formulé que j’ai regrettée. Je me suis excusée, d’ailleurs. On était en seconde, cette camarade faisait n’importe quoi, dans ses études, dans sa vie intime ou avec sa famille. Elle n’était pas appréciée par les élèves de sa classe ; ils parlaient de son comportement. Un jour, j’ai eu une conversation avec elle. Elle m’a avoué qu’elle en avait marre de ne pas être appréciée… J’ai voulu l’aider : je lui ai conseillé de changer d’attitude, d’arrêter de se détruire. Elle l’a mal pris, elle était triste, mais je crois que je lui ai rendu service. Dans la vie, il faut essayer d’être le plus franc possible, tout en sachant peser ses mots. Je m’aperçois que c’est en grandissant que l’on apprend à se contrôler. »

Avec les adultes, soyez sincère

De la même manière, être direct avec vos enseignants n’est pas le meilleur moyen pour que l’on vous laisse tranquille. Présenter son point de vue, c’est bien, exprimer ce qui est important aussi ; mais l’exprimer brutalement ou être insolent, ce n’est pas la bonne méthode. Amélie, 19 ans, s’en mord encore les doigts en y repensant : « J’étais une enfant insupportable à 15 ans, rebelle et insolente. Je me suis souvent énervée contre les professeurs au point d’avoir été convoquée à une commission de médiation, c’est-à-dire juste avant le conseil de discipline. J’ai eu un avertissement de conduite et mes parents m’ont punie : ils m’ont interdit de sortir pendant un mois. »

La leçon qu’Amélie a tirée de cette histoire ? « Avec les adultes, il ne faut pas être hypocrite parce qu’ils le ressentent bien. En même temps, on ne peut pas dire ce qu’on pense d’eux, et d’ailleurs on s’en fiche un peu, non ? »