Plus de 25 ans et toujours chez papa-maman : cohabitez équilibrés !

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Publié le 07/03/2014 par TRD_import_VirginiePlaut ,
Le point commun de M elanie, Hugo, Lise ? La crise aidant, ces etudiants ou jeunes diplomes sont encore obliges de vivre chez leurs parents. Mais dur dur quand on a plus de 25 ans de voir encore sa vie regentee par des regles qu'on n'a pas choisies… Voici quelques cles pour que ni vous ni papa-maman n'etouffiez ni n'explosiez.

© iStock.

Chaque week-end, lorsque Mélanie, 26 ans, et son petit ami, Alexis, 25 ans, se lèvent, le petit déjeuner, tout chaud, les attend : la mère de Mélanie s’en est chargée. Et pour cause : depuis deux ans et demi, ce jeune couple d’étudiants (elle est doctorante en sociologie, il est en dernière année d’école d’ingénieurs) vit chez les parents de la jeune femme.

« Cela s’est fait un peu progressivement, explique celle-ci. Au départ, Alexis venait me rejoindre le week-end. Et puis, petit à petit, on a eu envie de vivre ensemble. Le problème, c’est que contrairement à nos couples d’amis qui travaillaient déjà, on n’avait pas les moyens de prendre un appartement. On avait le choix entre vivre séparés ou vivre chez mes parents… Ça a été vite vu. » (Lire aussi à ce sujet notre article “En couple mais chacun chez papa-maman, comment gérer ?”)

« On se partage les tâches ménagères »

« Je suis fière que ma fille fasse des longues études, assure Corinne, la maman hôtesse. Ça implique déjà un certain nombre de sacrifices… Elle doit travailler beaucoup, a moins de temps libre que certains de ses amis. Il n’y avait pas de raison qu’elle sacrifie aussi sa vie amoureuse. D’autant plus qu’Alexis est adorable. Nous avons deux filles, il est un peu le fils que nous n’avons pas eu. »

À en croire tout le monde, la cohabitation se passe sans réel problème.  » Nous faisons attention à ne pas être une charge supplémentaire, affirme Mélanie. On se partage les tâches ménagères, par exemple, c’est nous qui faisons les courses pour tout le monde. »  » C’est vrai qu’il ya parfois quelques incompréhensions, quelques conflits de génération, reconnaît Corinne. Mais c’est toujours entre notre fille et nous, il n’y a jamais eu la moindre tension avec Alexis. Au contraire, souvent, il arrondit plutôt les angles avec ses blagues. »

Tout juste diplômé d’un master de droit, Hugo est à la recherche de son premier emploi. Et lui non plus n’a pas encore pris son indépendance, pour des raisons financières. Mais il ne le vit pas aussi bien. « Les repas, dont le menu est plus ou moins imposé par ma mère, à des heures fixes, les réflexions sur ma musique ou mes nuits passées à regarder la télé ou à jouer aux jeux vidéo… Sans compter que je ne me vois pas ramener des filles chez mes parents. Je n’ai pas très envie qu’elles croisent ma mère dans les escaliers ! Tout cela est très pesant. Mais pour l’instant, je n’ai pas le choix. Ce qui est sûr, c’est que dès que je le pourrai, je me prendrai un appart. »

Comme vous peut-être, un tiers des étudiants vivent encore chez leurs parents

Comme Mélanie, Alexis et Hugo, plus d’un tiers (1) des étudiants vivent encore chez leurs parents. Mais attention, n’y voyez pas une génération de « Tanguy », ce héros presque trentenaire du film d’Étienne Chatiliez qui tardait à quitter ses parents au grand désarroi de ces derniers. Ne les imaginez pas avachis sur le canapé, en attendant que tout leur tombe tout cuit… Selon Olivier Galland, sociologue et directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique), « ceux qui restent sont, en général, contraints de le faire ». Ils seraient 23 % des 18-25 ans à vivre en dessous du seuil de pauvreté. Résultat : certains de ceux qui avaient pris leur indépendance renoncent et rentrent au bercail : ils seraient plus de 13 % à l’avoir fait, et 40 % à l’envisager.

Lise fait partie de ceux qui ont jeté l’éponge. Cette étudiante en master 2 de mathématiques en a eu assez de devoir jongler entre les cours et son petit boulot dans un fast-food tout en continuant à se nourrir de pâtes et de pommes de terre. « Lorsque je suis partie de chez mes parents il y a deux ans, je m’imaginais une vie de liberté et de plaisir, reconnaît-elle. Et finalement, ça a été une course contre la montre pour concilier mes études et mon job alimentaire. Et malgré tous mes sacrifices, une fois le loyer et les charges payées, je n’avais même pas de quoi m’offrir ce qui me faisait envie… J’ai tenu bon jusque-là par fierté, je ne voulais pas reconnaître que j’avais échoué. Mais au bout d’un moment, j’en ai eu marre. Mes parents, eux, m’ont accueillie les bras ouverts. Ils n’avaient pas compris mon départ. »

Mais le retour dans la maison familiale n’est pas rose tous les jours : « Je me suis habituée pendant deux ans à être libre, à faire ce que je veux, n’importe quand. Alors j’ai parfois un peu de mal à me plier au moule un peu rigide de mes parents. »

Attention, car devenir adulte nécessite de couper le cordon…

Mais, au-delà de la nécessité de concessions, la vie chez les parents jusqu’à un âge un peu avancé pourrait poser problème. Selon Samuel Lepastier, psychanalyste et directeur de recherches au Centre d’études de psychopathologie et psychanalyse (CEPP), à l’université Paris-Diderot, « devenir à adulte, c’est avant tout se séparer psychiquement de ses parents. Et ne pas affronter les difficultés inhérentes à la vie d’adulte les rend encore plus dures à surmonter avec le temps. »

Martine est directrice des études à l’IUT (institut universitaire de technologie) de Bourgogne, à Dijon. Elle reconnaît que depuis quelques années les relations avec les étudiants ont changé. « Avant, nos seuls interlocuteurs étaient les jeunes », explique-t-elle. « Quand nous avions un problème de discipline ou d’absentéisme, nous le réglions avec eux. Maintenant, les parents cherchent à s’immiscer sur tous les sujets… pour contester une décision ou connaître les notes. C’est comme si leurs enfants étaient encore lycéens, qu’ils n’étaient pas adultes. Évidemment, nous nous tenons à nos principes et refusons de leur donner des détails. Mais ça n’aide pas à responsabiliser leurs enfants de savoir que s’ils font une bêtise, il y aura papa-maman derrière. »

Des parents qui, au fond, sont très souvent ravis de pouvoir garder leurs « petits » à la maison. Du coup, les enfants qui envisagent de déménager ont tendance à culpabiliser. « Il arrive que certains n’osent pas partir, car ils ont l’impression de faire du mal aux parents s’ils prennent leur indépendance », déplore Samuel Lepastier. Mélanie reconnaît faire partie de cette catégorie. « D’ici un an, sauf catastrophe, Alexis gagnera sa vie, explique-t-elle. On devrait avoir les moyens d’avoir un petit chez-nous. Mais je redoute déjà le moment où je vais l’annoncer à ma famille… Ça va faire un (mini ?) drame. Bon pour l’instant, je préfère ne pas y penser… »

(1) Observatoire de la vie étudiante, enquête “Conditions de vie 2010” : 25,1% des étudiants vivent chez leurs deux parents, 6,7% chez leur mère, 1,3% chez leur père.