Sport « de filles », sport « de mecs »… : ils jouent contre les préjugés

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Publié le 23/03/2017 par TRD_import_AssiaHamdi ,
Pratiquer un sport à image virile quand on est une fille, ou “gracieux” quand on est un garçon, c’est le quotidien de Pauline, Silouane, Peterson et Charlyne. Sur Trendy, ils racontent leurs espoirs, les obstacles relatifs aux préjugés qu'ils ont du surmonter et, comment, au fil du temps, ils se sont épanouis dans leur passion.

Pauline, 18 ans, fait du rugby depuis qu’elle est toute petite. Comme elle, ils sont plusieurs en France à pratiquer un sport plutôt « réservé », dans les esprits et les statistiques, au sexe opposé. Peterson, 18 ans, est ainsi l’un des seuls garçons à exercer la gymnastique rythmique en France. Âgé de 25 ans, Silouane est nageur synchronisé dans l’un des rares clubs ouverts aux garçons. Quant à Charlyne, 19 ans, elle fait de la lutte depuis l’âge de 6 ans. En choisissant leur sport, certains d’entre eux ont subi l’ignorance ou le poids des idées reçues, mais aussi suscité l’admiration. Ils racontent de quelle façon leur engouement, leur détermination et le soutien de leur entourage leur ont permis de progresser et de vivre leur sport à fond.

La découverte, une histoire de curiosité ou de famille

C’est par curiosité que Peterson, 18 ans, et Silouane, 25 ans, se sont lancés dans leur discipline, bien que pratiquée par peu de garçons en France. Nageur depuis vingt ans, Silouane a ainsi plongé « dans le bain » de la natation synchronisée. « Je voulais compléter ma pratique de nageur par quelque chose de différent. » De son côté, Peterson a découvert la gymnastique rythmique à 10 ans, sur YouTube. Son sport est un mélange de danse et de gym avec des rubans, cerceaux et ballons.  » Il y avait de la contorsion, du jonglage… ça m’a rappelé le cirque, que j’avais pratiqué quand j’étais plus petit.  » Pour les étudiantes Charlyne et Pauline, rugbywoman et lutteuse, le sport est une histoire de famille. « Quand on me mettait devant un match de rugby à la télé, j’arrêtais de pleurer », se souvient Pauline, qui a hérité sa passion de son grand-père. Charlyne, elle, tient son goût pour la lutte de sa maman, entraîneuse. « Petite, j’étais en surpoids, raconte la jeune femme. Puis un jour, ma mère m’a emmené avec elle à un entraînement… ». D’abord « intimidée », Charlyne a très vite été séduite.

Se doucher « avant ou après » quand il manque des vestiaires

Silouane s’estime « chanceux » d’avoir trouvé, dans sa ville, un club avec une section mixte de natation synchronisée. Mais d’autres, comme Peterson, ont eu plus de difficultés. Dans la plupart des pays, sa discipline n’est pas ouverte aux garçons. « Au début, la présidente du club ne voulait pas que j’intègre le groupe, se souvient l’étudiant. Puis j’ai passé un test et elle a accepté. » Bien qu’étant la seule fille, Charlyne a choisi de pratiquer au club de sa mère. « Sa présence m’a rassurée. Elle me poussait à aller vers les garçons. » De 6 à 15 ans, Pauline a été « la seule fille » de son école de rugby, même si elles sont aujourd’hui « plus nombreuses », nuance t-elle.  » En tournoi, j’avais mon propre vestiaire. Et quand il n’y en avait pas, je me douchais avant ou après les garçons. » Pour les vestiaires, Peterson, lui, doit souvent s’adapter. « En compétition de gymnastique, il n’y a qu’un vestiaire par club. Soit j’attends que les filles terminent… soit je me change dans les toilettes. »

Entre les moqueries et l’envie de « ne pas se faire marcher dessus »

Lors de championnats, Peterson entend souvent des réflexions de parents ou d’autres gymnastes. « Ensuite, quand ils voient que j’ai le niveau, il ne disent plus rien. » Pauline se souvient de cet entraîneur qui lui a dit qu’elle ne pouvait pas jouer avec les garçons parce qu’elle n’avait « pas assez d’hormones ». Ou de ce jour où elle a entendu que les filles qui faisaient du rugby étaient « lesbiennes ». Lors des tournois de lutte, Charlyne se souvient du moment traumatisant de la pesée en tenue moulante. « Sur la balance, les garçons me disaient « T’es lourde » ou « T’es grosse ». Je répondais, sinon, je me serais fait marcher dessus. » À l’école aussi, Peterson a subi des moqueries. « On vous insulte, on dit que vous êtes stupide… ou que vos parents ne savent pas vous éduquer. » Certains collègues en radiologie de Silouane ont été « surpris » de son choix. « Alors, je leur ai expliqué qu’il y a de plus en plus de garçons dans ce sport. Ils ont répondu « Pourquoi pas, il y a bien des hommes qui dansent ! ». »

Se sentir plus fort grâce aux copains et aux proches

Au fil de leur parcours, Peterson et Pauline ont toujours pu s’appuyer sur leurs coéquipiers. « Ils ne m’ont jamais dit que j’étais nulle parce que j’étais une fille » dit Pauline. Le gymnaste se souvient que ses camarades sont venus vers lui « dès le début ». La solidarité que Silouane a ressentie l’a aidé. « Je me suis senti plus fort que si j’avais été seul. » Dans son évolution, Pauline a pu compter sur sa grand-mère, dirigeante du club. « Lors des tournois à l’extérieur, j’étais la seule fille. Alors elle m’accompagnait et m’encadrait. » Même après les défaites, Charlyne est toujours « encouragée » par sa mère et ses amis. « En compétition, ils me filment et disent que je suis leur championne. »

Leur sport, une façon de s’assumer et d’être heureux

Peterson a trouvé dans la gymnastique rythmique une façon « de danser et de s’exprimer » par des mouvements. « Quand je bouge, c’est comme si mon corps n’avait aucune limite. » La natation synchronisée a aidé Silouane à progresser en natation « course ». « On découvre une approche plus esthétique et on apprend à se déplacer dans l’espace. » Le rugby, pour Pauline, est une façon de se défouler à la fin d’une journée. « Après un entraînement, je me couche en étant apaisée. » Le sport leur a aussi permis de prendre confiance en eux. « La natation synchronisée est un moyen de mieux me connaître, de m’affirmer et de me sentir bien dans ma peau », raconte ainsi Silouane. La lutte a inculqué à Charlyne sa « force de caractère » et la tendance « à ne rien lâcher ». Enfin, Peterson a pris l’habitude de ne plus écouter les réflexions désobligeantes.  » Quoi que je fasse, quelqu’un me critiquera. Alors autant faire ce que j’aime.  » La gymnastique rythmique est devenue pour lui bien plus qu’une simple passion. « Je suis quelqu’un d’assez stoïque au quotidien. Mais quand je fais de la gym, je m’exprime. Je vis. »