Le selfie, nouvelle arme contre le harcèlement de rue ?

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Publié le 11/10/2017 par TRD_import_MarcBonomelli ,
En quelques jours, une étudiante a créé le buzz en partageant sur Instagram des photos d'elle avec ses harceleurs de rue. L'occasion de revenir sur ce fléau qui touche 100 % des femmes.

« Toi, tu vas te faire violer », « Tu veux que je te ramène chez toi ? Tu réponds pas ? Salope ! », « T’es bien jolie, ça te dit un petit coup rapide dans les toilettes ? »… Des phrases écœurantes, déplacées, insultantes et menaçantes, trouvées sur le blog Paye Ta Shnek. Ce site recense les mots des harceleurs de rue dont les femmes sont victimes au quotidien. Oui, toutes les femmes, car, comme l’a révélé en 2015 une étude, 100 % d’entre elles ont, au moins une fois dans leur vie, subi le harcèlement masculin.

Selfies VS relous

Face à cette réalité inadmissible, certaines montent au créneau. Dernièrement, c’est l’initiative de Noa Jansma , une étudiante à Amsterdam, qui a fait grand bruit. Cette jeune femme de 20 ans a eu l’audacieuse idée de faire des selfies avec les hommes qui la sifflaient ou l’interpellaient dans la rue. Des clichés qu’elle publie ensuite sur son compte Instagram DearCatCallers. Aujourd’hui, elle cumule près de 300.000 abonnés.

#dearcatcallers "hmmmm you wanna kiss?"

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Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le 14 Sept. 2017 à 8h32 PDT

Reprendre le pouvoir

Une idée qu’elle a eue en constatant que les femmes ne savaient pas forcément comment réagir face à un comportement de harcèlement. Elle explique au site hollandais Red Pers : « Poursuivre sa route semble être la seule solution, mais cela n’a aucune conséquence pour les harceleurs. Parfois, je leur faisais un doigt d’honneur, mais je me sentais bête après. Je voulais faire quelque chose qui me donne plus de pouvoir sur eux. »

L’impunité des harceleurs

Marie Allibert, porte-parole de l’association Osez le féminisme !, déplore l’attitude des hommes qui prennent la pose aux côtés de Noa Jansma : « Ils ont l’air contents d’eux ! Ce qui prouve que les harceleurs ont un sentiment de légitimité et d’impunité. » D’autant que, un homme seulement a demandé pourquoi la jeune étudiante voulait le photographier.

Nog een keer #dearcatcallers *psssssst, kissing sounds and whistling"

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Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le 14 Sept. 2017 à 9h28 PDT

Des « Monsieur tout-le-monde »

La blogueuse L’empêcheuse de penser en rond réagit à ce compte Instagram : « Ces selfies ont aussi l’avantage de montrer les visages des harceleurs de rue. Parce que, non, n’en déplaise aux racistes, ce n’est pas un comportement réservé à « des noirs et des arabes » ou à des personnes issues de l’immigration. Le vrai visage du harcèlement de rue, son triste visage, c’est qu’il n’en a pas. Il y a autant de visages qu’il existe de harceleurs. Et c’est très bien illustré par ces photos. On voit que ces hommes sont de tous âges, de toutes classes sociales. »

Des situations paralysantes

Si la blogueuse, comme la porte parole d’OLF, saluent le courage et l’inventivité de Noa Jansma, qui prouve qu’on peut réagir à une agression sans agresser à son tour, elles concèdent que beaucoup de femmes sont terrifiées, voire pétrifiées par les comportements des harceleurs. « En général, détaille l’empêcheuse de penser en rond, c’est un très mauvais moment d’angoisse et parfois de colère… souvent ravalée parce que, la plupart du temps, les femmes ne réagissent pas, par peur. Cette peur qu’on nous apprend à avoir toute notre vie. »

Ne pas culpabiliser

Marie Allibert estime que des actions de la trempe de celle initiée par Noa Jansma sont la preuve de l’échec des pouvoirs publics à faire cesser le harcèlement. « C’est à eux d’assurer la protection des femmes, cela ne devrait pas relever de la responsabilité individuelle. »

Elle met en garde contre la tendance à culpabiliser les victimes des agressions masculines : « Ce n’est pas aux filles de développer des stratégies pour éviter des comportements illégaux. Le problème, ce sont les agresseurs ». La porte-parole d’OLF rappelle aux femmes qu’elles ont le droit de porter plainte quand elles sont confrontées à ce type de comportements. Une agression sexuelle comme une main aux fesses peut entraîner une condamnation allant jusqu’à 5 ans de prison. Une injure sexiste, jusqu’à six mois.

Pour autant, si vous vous retrouvez dans une situation de harcélement, Trendy vous conseille quelques attitudes payantes pour vous débarasser de vos persécuteurs.

Témoins, agissez !

De nombreux témoignages rapportent que dans de nombreuses situations de harcèlement au vu et au su des passants, personne ne bouge le petit doigt. Les témoins d’une scène de harcèlement sont priés d’intervenir, « sans culpabiliser ceux qui ne sont pas en mesure d’agir ». On peut tenter de prendre contact avec la victime, et faire semblant de la connaître en allant lui parler. « Ce genre d’initiative neutralise normalement la situation », assure Marie Allibert.

#dearcatcallers #catcalling #catcallers #feminism

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Une publication partagée par dearcatcallers (@dearcatcallers) le 29 Août 2017 à 6h31 PDT

Harcèlement ou « drague de rue » ?

Pour la porte parole d’OLF, pas d’ambiguïté entre drague de rue et harcèlement. Dans le cas de la première, « l’homme se présente, et essaie de faire poliment connaissance avec la femme ». Tandis que le harcèlement est caractérisé par * l’insistance bornée face à l’indifférence de la femme, et souvent, des susurrements dans l’oreille, des sifflements, des remarques sur le physique, des insultes ou des menaces. *

Combattre la culture du viol

Selon Marie Allibert, le problème s’enracine dans la « culture du viol » entretenue par notre société patriarcale. « On est conditionnés à penser que les femmes ne savent pas vraiment ce qu’elles veulent. On nous dit que les femmes doivent résister à la séduction, que les hommes doivent les convaincre, les faire changer d’avis, voire les forcer. » C’est donc toute la société qu’il faut rééduquer. Et pourquoi ne pas commencer avec des selfies ? Noa Jansma propose en effet à toutes les femmes victimes de harcèlement de partager à leur tour des photos d’elles en compagnie des relous, et de les publier sur son compte Instagram DearCatCallers.