Fukushima : 4 mangas pour comprendre ce qui s’est passé

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Publié le 26/05/2016 par TRD_import_BaptisteLegout ,
Un tsunami, plus de 18.000 morts et disparus, 139.000 déplacés et une catastrophe nucléaire : c'est le bilan du séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011. Véritable traumatisme national, l'accident de Fukushima a inspiré de nombreux mangakas. Trendy a sélectionné quatre ouvrages qui évoquent l'événement et ses conséquences sur les destins individuels.

« Au cœur de Fukushima » : le témoignage d’un « nettoyeur » de la centrale

_ »Au cœur de Fukushima » tome 1, de Kazuto Tatsuta, 9,90 €, série en cours dans la collection Made in de Kana (1 tome paru). // © éditions Kana

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11 mars 2011. Un tremblement de terre de magnitude 9 frappe le Japon. Des maisons sont détruites. Les habitants, encore sous le choc, recherchent les blessés. Ce n’est qu’un début. Quelques heures après les secousses, un tsunami déferle sur les côtes et touche la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Plusieurs réacteurs sont atteints, le système de refroidissement tombe en panne et le pays tout entier ne peut qu’assister impuissant au pire incident nucléaire depuis Tchernobyl. Dès lors, pendant des mois, des centaines d’employés se relaient pour nettoyer la zone sinistrée. Attiré par la promesse d’une paie convenable, un mangaka sans succès nommé Kazuto Tatsuta devient l’un d’eux. Pendant six mois, il travaille exposé aux radiations émises par les réacteurs, avant de rentrer à Tokyo. Là, il décide de dessiner son histoire. La véritable histoire. Pas celle des médias et d’Internet, mais celle du terrain, du quotidien, des galères et de l’espoir.

« Au cœur de Fukushima » est plus qu’un manga. C’est un témoignage passionnant, une chronique sociale et un documentaire. Avec une précision chirurgicale, Kazuto Tatsuta décrit la réalité de la centrale nucléaire. Entre les dessins des lieux, les descriptifs du matériel utilisé et les explications des normes de sécurité et des procédures, le lecteur découvre de nouvelles informations à chaque page. Servie par un dessin propre et précis, l’œuvre s’impose dès son premier tome comme un incontournable à mettre entre toutes les mains, celles des fans de bandes dessinées et des autres. Rarement un manga aura su se montrer aussi intéressant et apporter une vision aussi claire et objective sur un sujet d’actualité.

« Daisy – Lycéennes à Fukushima » : la vie après le cataclysme

« Daisy – Lycéennes à Fukushima », tome 1, de Reiko Momochi, 6,95 €, série en deux tomes, aux éditions Akata. // © éditions Akata

Mayu, Ayaka, Moé et Fumi sont quatre jeunes lycéennes vivant à Fukushima. Comme tant d’autres, leurs principales préoccupations sont les études, les garçons et leur avenir. Chacune a son destin en main, ses rêves et ses objectifs. Puis, un beau matin, la terre tremble, la centrale locale se déchaîne et des particules radioactives recouvrent la région. Ce jour-là, elles prennent conscience que leurs vies ne seront jamais plus comme avant. Le regard des gens évolue. Les conséquences de l’accident bouleversent leur quotidien. La peur des radiations pousse le reste du pays à fuir la zone, ses habitants et ses produits agricoles, ajoutant une crise économique aux ravages laissés dans la ville par le tremblement de terre et l’accident nucléaire.

Avec des membres de sa famille originaire de Fukushima, Reiko Momochi s’est sentie particulièrement touchée par la catastrophe. Pour réaliser son manga, elle s’est longuement documentée, allant à la rencontre de lycéennes pour recueillir leurs témoignages. Son objectif était de parler le plus justement possible du terrible accident et de ses conséquences. Mission réussie, aurait-on envie de dire en tournant une à une les pages de ce shojo. L’auteure n’est aucunement effrayée à l’idée d’aborder les sujets les plus sensibles : peur de la radiation, camps de réfugiés et désespoir se mêlent au fil d’un récit pourtant résolument optimiste et touchant. La force de caractère des jeunes héroïnes marque tout autant que leur évolution.

« Je reviendrai vous voir » : la plongée d’un bénévole dans la zone sinistrée

« Je reviendrai vous voir », de George Morikawa d’après l’œuvre de Nobumi, 6,95 €, One shot aux éditions Akata. // © éditions Akata

Illustrateur de livres pour enfant, Nobumi est, comme un grand nombre de ses concitoyens, horrifié lorsqu’il découvre dans les médias les premières conséquences du tremblement de terre. Rempli de bonnes intentions, il a l’idée d’envoyer des livres aux réfugiés, pour redonner le sourire aux enfants. La réaction outrée d’anonymes sur Internet devant ce geste un peu précipité lui fait prendre conscience de sa légèreté. Voulant comprendre par lui-même, il décide de devenir bénévole pendant une semaine pour aider à reconstruire la zone sinistrée. Sur place, il découvre alors les conséquences effroyables de la catastrophe et mesure son impuissance, mais reçoit aussi une grande leçon de vie auprès des nombreux réfugiés qui croisent sa route. De retour à Tokyo, il s’attelle alors au récit de leur histoire, tout en promettant, un jour, de revenir les voir.

S’inspirant de l’expérience réelle de l’illustrateur Nobumi, le mangaka George Morikawa (papa du très célèbre « Hajime no Ippo ») livre un témoignage assez marquant des premières semaines ayant suivi le cataclysme. Les ruines donnent le vertige. Le lecteur ressent à chaque page l’horreur du tremblement de terre. Puissant, le titre bénéficie d’un graphisme travaillé et de l’apport très appréciable de nombreux dessinateurs – collègues et amis des auteurs – ayant accepté de réaliser plusieurs planches qui se fondent très bien à l’ensemble. Nous retrouvons ainsi avec plaisir, au fil du récit, les styles de Ken Akamatsu (« Love Hina », « Negima »), Hiro Mashima (« Fairy Tail ») Makoto Raiku (« Animal Kingdom ») et de nombreux autres grands noms de la bande dessinée japonaise.

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« Colère nucléaire » : la fureur d’un opposant à l’atome

« Colère nucléaire », tome 1, de Takashi Imashiro, 7,95 €, série en cours aux éditions Akata (2 tomes parus). // © éditions Akata

« Colère nucléaire » est l’histoire d’un citoyen ordinaire de Tokyo, Satô, qui assiste, impuissant dans son salon, au tremblement de terre secouant la région de Fukushima et à l’accident nucléaire qui se produit peu après. Prenant conscience que les médias et le gouvernement font de la rétention d’informations pour garder les habitants sous contrôle, il se lance dans une croisade et devient peu à peu un militant politique opposé au nucléaire. Entre commentaires de l’actualité et manifestations pacifiques, le lecteur suit son parcours, ses pensées et surtout la rage qui l’anime. Le titre traite pêle-mêle de la sortie du nucléaire, de l’indépendance face aux États-Unis et des perspectives économiques d’un pays endeuillé.

Intéressant par son ton et son parti pris, « Colère nucléaire » est un manga qui interroge. Si on ne peut que saluer la franchise de l’auteur, qui aborde sans aucun tabou tous les sujets brûlants, on regrettera parfois son excès de vulgarité et certaines facilités. Œuvre d’opinion, « Colère nucléaire » aurait peut-être mérité une plus grande mise en perspective, afin de comprendre les motivations de tous les protagonistes. Il n’en reste pas moins un témoignage fort qui intéressera tous les lecteurs en quête d’une vision moins conventionnelle des événements.