L’interview indiscrète : les premières fois de Riad Sattouf

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Publié le 24/10/2016 par TRD_import_CatherinedeCoppet ,
L’auteur de "Pascal Brutal", de "La vie secrète des jeunes" et de bien d'autres pépites de la BD publie la suite de ses souvenirs d'enfance, avec le 3e tome de "L’Arabe du futur", paru le 6 octobre aux éditions Allary. Il s’est prêté au jeu de l’interview indiscrète pour Trendy.

La première fois… que j’ai stressé pour un examen

C’était pendant ma première année d’école, en Syrie, je me souviens d’un devoir de grammaire difficile, un texte à trous. Notre maître nous donnait des coups de bâton sur les mains si nous ne réussissions pas nos devoirs et contrôles. Heureusement, j’avais réussi le mien !

La première fois que… j’ai eu une « taule » à l’école

Ça devait être au lycée, en allemand, ma deuxième langue vivante. J’ai toujours été nul en allemand, j’ai fini à 4,6 de moyenne à la fin du lycée. Les déclinaisons, « der/die/das », je n’y comprenais rien… J’ai eu 7 au bac, ma meilleure note de l’année ! Tout ce que je savais dire c’est « Ich verstehe nicht » et « Ich weiss nicht » (« Je ne comprends pas » et « Je ne sais pas ») !

La première fois que… j’ai séché

Je n’ai jamais séché les cours. Une fois, en Syrie, à l’école primaire, je suis parti plus tôt car le maître n’arrivait pas, il était très en retard. En fait, il est arrivé juste après mon départ, et mon père a dû lui donner de l’argent pour m’éviter les coups de bâton, c’est ce que je raconte dans « L’Arabe du futur 3 ».

Sinon, je ne séchais jamais. Je n’ai jamais été un rebelle, au sens où l’on s’oppose à l’autorité d’un prof, par exemple. Ma façon d’être rebelle a été d’être le plus tôt possible indépendant, de fuir toute autorité. Aujourd’hui, je suis indépendant, je n’ai pas de chef !

La première fois que… je me suis acheté une belle fringue

Ça ne me ressemble pas vraiment… Quand je suis allé signer mon premier contrat comme auteur complet [textes et dessins, NDLR] chez Dargaud, je me suis acheté un costume chez H&M, je voulais faire sérieux.

Comme je n’y connaissais rien, celui que j’avais acheté était beaucoup trop petit pour moi, mais je pensais que j’avais trop la classe ! La veste était noire avec de fines rayures turquoise, ultramoche !!! Mais cela ne m’a pas empêché de signer chez Dargaud. J’aurais pu venir en jogging, j’aurai signé de toute façon !

La première fois que… j’ai décidé d’être dessinateur

J’ai appris à lire avec Tintin, j’adorais « Le Trésor de Rackham le Rouge »… À cet âge, vers 5 ans, je pensais que Tintin existait de toute éternité, comme le soleil, la lune, les parents… Et là, j’ai découvert qu’il y avait quelqu’un qui avait inventé Tintin, que c’était une vraie personne ! C’est à ce moment-là que j’ai décidé de raconter des histoires en dessin, d’en faire ma vie.

La première fois que… j’ai eu un de mes dessins publié

Mon obsession, c’était de voir imprimer un jour l’un de mes dessins en offset. Je suis de la génération pré-Internet, et, à cette époque, l’impression, c’était soit la photocopie, soit l’offset , une plaque avec des calques de couleur jaune, magenta et cyan. Imprimer en offset, c’était le signe qu’on était un pro !

En 1999, j’ai fait un stage dans une imprimerie qui produisait des prospectus publicitaires. Un jour, le patron m’a dit : « Il reste de la place sur cette plaque, tu n’as qu’à mettre un de tes dessins. » C’est comme ça que j’ai imprimé un petit paysage que j’avais dessiné, c’était la gloire, même si aujourd’hui je pense que ce dessin était moche !

Quand j’ai publié mon premier livre , « Les jolis pieds de Florence », en 2003, j’ai eu le même sentiment d’ivresse qu’un jeune goéland qui se jette d’un rocher pour la première fois : on ne sait pas comment ça va finir, mais c’est magique !

La première fois que… j’ai pris un appart

C’était à Nantes, quand j’étais étudiant à l’école Pivaut. Mon appartement était petit, 15m2, en centre-ville, pas loin de l’école. Pendant ces deux années, je ne suis pas sorti ou presque de cet appartement, je passais mon temps à dessiner !

J’en avais fini avec le collège, le lycée, toutes ces matières relous… J’étais là, avec mes crayons et peintures, et je pouvais enfin dessiner toute la journée !!! Une des meilleures périodes de mon existence !

À lire aussi : Les 20 ans de Riad Sattouf "Les profs regardaient enfin avec intérêt ce que je faisais"

**Si vous avez lu l’Arabe du Futur… (Sinon, dépêchez-vous de le faire !)

La première fois que… j’ai vu Conan le Barbare

C’est en Syrie que je l’ai vu pour la première fois. Il ne s’agit pas du remake récent, mais du film sorti en 1982, avec Arnold Schwarzenegger. J’avais trouvé une K7 betamax piratée de ce film, en version française, que mes parents avaient louée. Je ne possédais pas beaucoup de films ni de livres là-bas, donc ceux que j’avais, je les usais jusqu’à la corde !

J’ai été marqué par la brutalité du film : pendant les 40 premières minutes du film, il n’y a pas une seule parole, on ne voit que de la violence, comme des têtes décapitées. J’ai découvert là un autre pan de l’existence, et le destin incroyable de Conan, dont la famille est décimée par un barbare, m’a frappé.

La simplicité de l’histoire telle qu’elle est racontée dans ce film est devenue une référence pour moi : j’essaie de la retrouver quand je dessine. J’aime bien cette idée de ne pas ménager son spectateur.

J’étais aussi fasciné bien sûr par le physique de Schwarzenegger , sa virilité hypertrophiée. Je connais par cœur ses pectoraux, ce corps de cinéma est gravé dans ma tête.

La première fois que… j’ai fêté Noël en Syrie

Je raconte cet épisode dans « L’arabe du futur 3 ». Pour moi, Noël, c’était la preuve que le surnaturel existait : on dormait, et le lendemain matin, il y avait des cadeaux ! J’ai tenté d’expliquer ça à mes cousins syriens, et ils ont déposé une lettre au père Noël au pied d’un arbre… Ça n’a pas marché !