Au secours, mes études de médecine m’angoissent !

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Publié le 25/08/2017 par TRD_import_AudeLorriaux ,
Vous êtes très nombreux en médecine à souffrir d’anxiété, parfois même de dépression. Trendy a rencontré des étudiants passés par là, qui témoignent de leur expérience.

Étudiants en médecine, ça rime souvent avec « grosse pression » voire « mal-être », visiblement… C’est ce que révèle une enquête conduite par quatre syndicats auprès de 22.000 externes, internes et assistants. Les chiffres sont édifiants : 66,2 % d’entre eux disent souffrir d’anxiété, 27,7 % de dépression et 23,7 % ont déjà eu des idées suicidaires. Mais pas de panique ! Voici des conseils pour vous aider.

« Je passais ma vie derrière mon bureau, je culpabilisais dès que je ne bossais pas », raconte Amélie, interne en médecine générale (7e année). Elle décrit un véritable cercle vicieux :  » Plus je stressais, moins j’arrivais à travailler, et plus je me disais que j’étais nulle « . La charge de travail lui pèse, mais aussi la pression de ses supérieurs, qui traquent le moindre instant de relâchement de sa part. Idem pour Marie, qui explique qu’ il faut « toujours avoir l’air occupé, quitte à faire semblant de lire un dossier médical. J’avais la peur panique de passer pour une feignante, c’était la crainte suprême ».

On l’apppelle « l’externe » au lieu d’utiliser son prénom

« On se sent en permanence coupable de ne pas savoir », raconte Marie. Les étudiants sont censés tout connaître. Mais comment faire, dit-elle, puisque ses supérieurs passent plus de temps à lui demander de répondre au standard ou de ranger les résultats des examens plutôt qu’à lui apprendre réellement le métier ?  » On est tour à tour secrétaire, brancardier, coursier, etc. Les tâches qu’on nous assigne ont peu à voir avec notre apprentissage , mais plus avec le manque de moyens de l’hôpital. Celui-ci ne tourne pas sans externes en réalité », se désole-t-elle. 33,5 % des répondants de l’étude jugent l’encadrement insuffisant.

L’une des choses les plus difficiles à vivre pour la plupart des étudiants interviewés est le manque de considération de la part de leurs chefs. Marie a toujours l’impression de déranger. « Il y a un thrombus d’externes » (un caillot, ndlr), balancent, d’ailleurs, les médecins aux élèves, lors des stages, pour leur faire comprendre qu’ils « prennent de la place ». Amélie se souvient, quant à elle, de gardes où on l’appelle « l’externe », au lieu d’employer son prénom ou son nom. Un souvenir l’a particulièrement marquée. Alors qu’elle sacrifie son nouvel an pour aider à l’hôpital, « son » interne (qui lui est alors hiérarchiquement supérieur) la laisse seule, lui lançant : « On va aller se poser au buffet ». Ladite interne reviendra bien plus tard, une coupe de champagne à moitié vide à la main, semblant se souvenir de sa présence : « Ah, t’en veux, au fait ? ».

Violences psychologiques

Dans ce contexte, il est rare de trouver du réconfort quand le moral ne va pas bien ou qu’on se noie dans ses études. « Il n’y a pas de rapport prof-élèves bienveillant », tranche Amélie, qui a fini tout de même, au bout de plusieurs mois, par tomber sur un évaluateur compatissant. « Le soutien qu’on se crée, c’était plutôt avec les amis », confirme Auriane.

Marie a même vécu un harcèlement moral de la part d’une de ses chefs, qui lui claquait quasiment la porte au nez :  » Elle m’a prise en grippe, et je n’arrivais plus à y aller. J’avais mal au ventre, c’était humiliant et douloureux. » Seulement 49,3 % des externes, internes et assistants sondés à l’initiative de l’ISNI, l’Inter-syndicat national des internes, affirment avoir le soutien de leurs supérieurs hiérarchiques et 10,8 % déclarent avoir subi des violences psychologiques.

Sous pression, sans aide, de nombreux étudiants tombent malades. Amélie entre en dépression, et doit arrêter ses études, sur injonction du médecin. « Progressivement, ça a affecté ma vision de moi-même », raconte Marie, qui en vient à faire des malaises à répétition en plein bloc opératoire. Même là, elle ne reçoit aucune assistance : « Ma tension chutait, j’étais toute blanche. Mais j’ai eu l’interdiction de partir, alors que le collègue de ma chef lui avait demandé de me libérer, et que je n’étais pas très utile dans cette intervention : je ne faisais que passer des outils tous les quarts d’heure, ce qu’aurait très bien pu faire l’infirmière. »

Escapades mentales

Pour ne pas en arriver à ces extrémités, il est très important de se RE-PO-SER : « La fatigue est un facteur de risque retrouvé aussi bien dans l’anxiété que dans la dépression », explique le rapport. Et aussi de s’aérer, disent tous en chœur les étudiants à qui nous avons parlé. « C’est hyper important de ne pas faire que de la médecine ! », affirme Perrine*, une étudiante grenobloise qui a plutôt bien vécu ses études. Si elle a pu passer à travers tout ça sans encombres, c’est grâce à ces escapades mentales. « Ça m’a permis de relativiser », résume-t-elle.  » À chaque fois que j’ai fait du sport ou des activités extérieures j’ai toujours eu des meilleurs résultats , confirme Amélie. Il ne faut pas oublier que la médecine c’est un marathon, pas un sprint ! ».

Et si le malaise s’installe, ne pas hésiter à faire une coupure radicale. Amélie et Auriane ont toutes les deux pris une année sabbatique au milieu de leurs études, qu’elles recommandent chaudement. « Ça m’a permis de me reposer, de donner du sens à ce que je faisais. Et ça a beaucoup joué dans le fait de tenir », dit Auriane.

Groupes de parole

Parler, se confier, c’est aussi très important, à condition de s’adresser aux bonnes personnes. La famille n’est pas toujours la mieux placée pour entendre le malaise , parce qu’il est parfois difficile d’admettre qu’un de ses proches est en difficulté. « Mon entourage, c’était une cata ! Ceux à qui je disais que je n’en pouvais plus me disaient ‘ça va, il te reste un an’, j’avais l’impression que c’était nier ce que j’étais en train de vivre », raconte Amélie, qui a fini par trouver l’aide dont elle avait besoin à travers une psychothérapie. Auriane a pu gérer son stress grâce à ses amis et à des groupes de parole constitués au sein de la fac.

Plusieurs dispositifs d’écoute et d’assistance à destination des professionnels médicaux existent déjà, comme l’AAPML (Association d’aide aux professionnels de santé et médecins libéraux), l’APSS (Association pour les soins aux soignants) ou le réseau SOS Internes, présent à Bordeaux, Caen, Grenoble, Marseille, Montpellier, Nancy, Nice, Paris, Rouen ou Rennes. Contactez-les, ils sont là pour ça !

Que ce soit par la discussion ou en s’aérant l’esprit, il est nécessaire de prendre du recul sur ses études. Comme le dit Marie : « On a le droit de ne pas aller bien en tant que professionnel de santé, on a le droit d’être touché par les choses terribles qu’on peut voir, et ce n’est pas parce qu’on souffre qu’on fera de mauvais médecins ».

*Les prénoms ont été modifiés