Quand le prof ne peut pas vous saquer

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Publié le 13/04/2017 par TRD_import_MariaPoblete , Mis à jour le 02/10/2023 par TRD_import_MariaPoblete
Remarques bien senties, indifférence, prise à partie en public... Vous avez l'impression que l'un de vos profs ne peut plus vous encadrer ? Il est important de ne pas rester piégé et surtout de renverser la tendance.

« Je me souviens que c’était un peu avant le conseil de classe du premier trimestre de première. J’ai senti que ça n’allait pas, quand j’entrais en cours de sciences. J’étais tendue, j’en avais mal au ventre, je ressentais une animosité de la part de la prof à mon égard. Je pense qu’elle m’énervait et que je devais le lui faire sentir. C’était comme un effet d’aller-retour. Je lui renvoyais probablement ma sale humeur. »

Julia, 19 ans, aujourd’hui en licence 2 de socio-ethnologie à l’université Lyon 2, ne veut pas s’en tenir à cette « mauvaise explication pseudo-psychologique », mais cherche à comprendre. « J’aimerais savoir ce qui s’est passé. Pourquoi n’ai-je pas réussi à entrer dans le conflit sans tenter de le résoudre ? »

C’est pour cette raison qu’elle accepte aujourd’hui de témoigner, « parce que quand une relation avec un enseignant ne va pas, c’est qu’elle est le signe d’un malaise « . Et qu’il faudrait, par conséquent, ne pas se laisser enfermer dans un souvenir encombrant, mais percer l’abcès. En toute honnêteté, c’est-à-dire sans se raconter d’histoires.

« Il est toujours utile de comprendre, même longtemps après, ce qui a failli ou ce qui laisse un goût amer, une sensation de quelque chose de non bouclé, de non résolu, suggère Joël Clerget, psychanalyste. Les relations conflictuelles que les adolescents ont entretenues avec des enseignants sont des leçons de vie. Quand un jeune exprime cette plainte, celle-ci doit être entendue, accueillie, comprise. »

Posez-vous la question : pourquoi ?

Avant d’alerter le ban et l’arrière-ban (parents, professeur principal, délégués de classe, etc.), il serait très utile de vous poser, sincèrement, la première question qui s’impose : avez-vous fait quelque chose pour ne pas être aimé par votre enseignant ? Avez-vous été tenté de perturber la classe, ou même êtes-vous allé jusque-là ?

Antonin, 17 ans, en terminale STMG au lycée Charles-de-Foucauld à Nancy (Meurthe-et-Moselle), passe aux aveux. « C’était ma prof de ressources humaines de l’année dernière. J’ai déménagé depuis et je peux en parler calmement. J’avais des difficultés de concentration. J’ai commencé à faire n’importe quoi, j’amusais la galerie, je me mettais en scène, je n’arrivais pas à agir autrement, alors elle me collait. Je disais à mes parents qu’elle ne m’aimait pas, mais au fond de moi, j’avais compris que j’étais (nous étions) dans une impasse ! » Antonin conseille de vous poser cette question, cruciale et parfois douloureuse : qu’avez-vous fait pour en arriver là ? Pourquoi cela devrait toujours être la faute des autres ? Quelle est votre responsabilité ?

Attirer l’attention, coûte que coûte ?

Bien sûr, vous n’êtes plus des enfants qui trépignent devant les parents pour vous faire entendre ! Non. Vous vous y prenez autrement. C’est l’une des explications données par Mael Virat, chercheur en psychologie, qui a publié une thèse sur la question des relations entre les enseignants et les élèves :  » Il est possible que des élèves en difficulté scolaire ou relationnelle aient besoin de se faire remarquer par un ou plusieurs enseignants, parce qu’ils n’ont pas trouvé d’autre moyen. C’est humain ! Il faut juste pouvoir interpréter ces signes comme des appels. »

Des appels que Katia, enseignante de lettres au lycée professionnel Jean-Macé à Choisy-le-Roi (Val-de-Marne), accueille volontiers. « Ces élèves sont des écorchés, à fleur de peau. Ils bougonnent, râlent et vont parfois jusqu’à la provocation. Je les reconnais immédiatement, et je tente de désamorcer le conflit qu’ils aimeraient voir venir, pour que je les punisse ou les prenne en grippe. En réalité, ils cherchent à être appréciés à leur juste valeur, reconnus dans leurs difficultés.  » Katia enseigne depuis seize ans. Elle n’a jamais ressenti d’émotion négative envers un élève. Elle l’affirme : « Le jour où je n’aurai plus cette patience, je quitterai l’Éducation nationale ! »

Essayez de vous raisonner

Philomène, 15 ans, en seconde au lycée César-Baggio à Lille (Nord), est une jeune fille réservée et bonne élève. « Enfin, bonne élève presque partout, tient-elle à rectifier, sauf en maths, la prof ne m’aime pas. J’ai des difficultés importantes avec elle au point de craindre pour mon passage en première S. »

Pour l’instant, Philomène ne souhaite pas trop ébruiter son problème parce qu’elle craint des retombées négatives. « Je n’arrive pas à admettre qu’elle ne me supporte pas, je vois bien ses commentaires sur mes devoirs. Elle me casse ! » Et si Philomène se trompait ? Et si le souci n’était pas une simple exigence pédagogique ?

« L’adolescence est une période où les difficultés de régulation et d’auto­contrôle sont plus grandes, on parle de pensée automatique, explique Mael Virat, il s’agit d’une manière d’interpréter des situations mais qu’on ne contrôle pas, un peu malgré nous. L’adolescent raisonne ainsi : l’enseignant rend une mauvaise note, c’est un échec. Il se sent rejeté et conclut qu’il n’est pas aimé ! Nous notons parfois ce genre de raisonnement lorsque l’élève a une histoire familiale empreinte de rejet. Alors dès le moindre signe, il devient susceptible, fragile, hypersensible. »

Vous vous retrouvez dans ce portrait ? Reprenez le fil de l’histoire (de ce contrôle, de cette note, de ces propos blessants). Et notez bien les premiers signes. Il y a peut-être une petite exagération, qui sait ?

Parlez-en aux adultes

Violette, 17 ans, en terminale L au lycée Condorcet à Paris, ne supportait plus la situation. Trop mal à l’aise à cause de sa professeure d’espagnol , dont elle sentait l’animosité. Elle a fini par craquer.

« C’était devenu compliqué surtout l’année du bac, avec l’espagnol renforcé, en coefficient 7 ! Comme je vise la mention… Je ne peux pas me permettre une note moyenne. Plus par calcul et opportunisme, j’en ai parlé à ma mère qui a demandé un rendez-vous. C’était tendu ! La prof expliquant que je ne m’appliquais pas, que je bavardais. C’était faux ! En fait, elle m’en voulait de ne pas participer alors que j’avais de superbes appréciations ailleurs. J’avoue… Cette prof m’énervait. Je ne faisais aucun effort. Après ce rendez-vous, j’ai pris sur moi, et j’ai changé d’attitude. La prof a accepté que je fasse ce pas. Elle a bougé elle aussi. Nous sommes au milieu de l’année et je pense que je vais réussir. » Oui, il a fallu à Violette avancer de son côté, faire un pas.

Vos professeurs vous veulent du bien

Souvent passionnés par leur travail, les enseignants aiment leurs élèves et veulent leur réussite. Sinon, ils ne feraient pas ce métier ! « Même si les enseignants ne l’avouent pas, ils souhaitent avoir de bonnes relations, travailler dans une ambiance tranquille, bienfaisante et ils s’attachent à leurs élèves, dit Mael Virat. Quand les élèves sont dissipés ou désagréables, ils n’aiment pas le conflit et multiplient les techniques pour rester en bonne relation. » Ils sont ambitieux pour vous et vous poussent le plus loin possible. Selon le chercheur, « c’est dans une ambiance tranquille et dynamique, de bienveillance et de coopération que l’enseignement est le plus efficace ». À vous de jouer, donc.