Interview

Muriel Pénicaud : "Apprendre un métier, c'est l'une des grandes richesses de l'apprentissage"

Muriel Pénicaud, ministre du Travail
La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, veut développer l'apprentissage. © Nicolas Tavernier/REA
Par Propos recueillis par Étienne Gless, publié le 02 février 2018
5 min

Faciliter l'entrée dans les formations en apprentissage tout au long de l'année, développer l'orientation et la mise en relation des jeunes et des entreprises. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, détaille, en exclusivité pour l'Etudiant, les pistes de la réforme de l'apprentissage, en amont du Salon de l'apprentissage et de l'alternance des 2 et 3 février à Paris.

Le nombre de contrats d'apprentissage stagne dans les premiers niveaux de qualification. Que comptez-vous faire pour donner envie à davantage de jeunes et leurs familles de s'orienter vers les formations en alternance ?

Pour beaucoup de jeunes et leurs familles, l'image de l'apprentissage est soit floue, soit négative. Avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation nationale, et Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, nous souhaitons rendre accessible aux jeunes et aux familles une information éclairée au moment de l'orientation que ce soit en troisième, au niveau bac ou après le bac. Comment ? En publiant pour telle filière (lycée professionnel, CFA, enseignement supérieur en alternance) le taux d'accès au diplôme, le taux d'insertion dans l'emploi et éventuellement le montant du premier salaire. Et là certains vont avoir des surprises ! Ils s'apercevront qu'un soudeur ou un chaudronnier dans l'aéronautique gagne très bien sa vie !

Nous voulons aussi créer des passerelles entre les voies scolaire et professionnelle : à 16 ans on peut en avoir marre d'être assis toute la journée à l'école et préférer apprendre en faisant. On passe alors son CAP. Mais pourquoi ne pas retourner ensuite au lycée pour passer le bac, puis préparer un BTS ou un DUT en apprentissage ? Ce sont deux formes pédagogiques pour arriver au même résultat.

Pourra-t-on à l'avenir rentrer toute l'année en apprentissage ?

Oui. Il faut qu'on puisse rentrer en apprentissage de manière beaucoup plus continue tout au long de l'année. Actuellement le contrat d'apprentissage est assez rigide : vous signez un contrat d'apprentissage entre septembre et décembre et si l'employeur ou le jeune rompe le contrat ou si le jeune n'a trouvé son entreprise qu'en janvier, il faut attendre la rentrée suivante pour entrer en formation. C’est un système trop rigide qui fait perdre une année au jeune et de fait, son projet professionnel se dissout. C'est un des nombreux freins au développement de l'apprentissage, qui explique que la France ne compte que 400.000 apprentis quand 1,3 million de jeunes ne sont ni à l'école ni en formation ni en emploi. Les pays qui n'ont pas un chômage de masse des jeunes ont un apprentissage beaucoup plus développé.

Il est difficile pour un jeune de trouver une entreprise d'accueil, en particulier en classe de troisième. Comment comptez-vous faciliter la recherche d'une entreprise ?

C'est dommage de voir que d'un côté des jeunes, qui ne connaissent pas un secteur, peinent à trouver une entreprise et que de l'autre des entreprises ne trouvent pas de candidats. Il faut créer et renforcer les mises en relation. Avec les régions et les branches, construisons des plates-formes pour permettre la rencontre entre les jeunes et les entreprises. Inspirons-nous de ce que font les régions les plus avancées sur le sujet. C’est aussi un rôle que les missions locales peuvent pleinement jouer.

Prévoyez-vous de revoir la rémunération des apprentis ? Quelles aides à l'hébergement et au transport envisagez-vous ?

Nous sommes encore en train de travailler sur le sujet de la rémunération des apprentis et sur les conditions d'hébergement et de transport. Trouver un logement temporaire pour quelques jours est difficile. Mais certaines collectivités locales ont des initiatives intéressantes. Pour la qualité de l'apprentissage nous voulons aussi développer la formation des maîtres d'apprentissage et valoriser davantage leur rôle.

Au final, avec votre réforme de l'apprentissage pensez-vous qu'il soit possible un jour qu'en France un président d'une grande banque puisse être un ancien apprenti, comme c'est le cas en Suisse ou en Allemagne ?

Peut-être pas demain mais après-demain oui ! Déjà 30 à 40 % d'anciens apprentis deviennent des entrepreneurs. Car l'apprentissage c'est aussi une école d'entrepreneuriat. La moitié des lauréats des Olympiades des métiers créent leur boite et créent des emplois. J'étais, il y a quelques jours, chez les Compagnons du devoir et j'ai vu beaucoup de jeunes bac+2 qui deviennent apprentis pour apprendre un vrai métier et plus tard se mettre à leur compte. Apprendre un métier, cultiver l'entrepreneuriat, c'est aussi l’une des grandes richesses de l'apprentissage.

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