Reportage

Sur l'île de la Réunion, les étudiants du DNMADE mode misent sur l’éthique

Par Lola Fourmy, publié le 18 mars 2022
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5 min

Sur Parcoursup, seuls 12 établissements proposent un DNMADE (diplôme national des métiers d’arts et du design) mention mode pour la rentrée 2022. Parmi eux, le lycée Ambroise Vollard à Saint-Pierre sur l’île de la Réunion. Sa particularité : miser sur la mode éthique. Plongée dans ce labo de l’avenir de la mode.

Ce matin-là, il fait déjà très chaud dans le studio photo improvisé d'une salle du lycée Ambroise Vollard, à Saint-Pierre. En particulier pour les mannequins qui prennent la pose dans des vêtements confectionnés en laine. "Ce projet c’est l’objet d’une collaboration avec le DNMADE Matériaux de La Souterraine, dans la Creuse (formation spécialisée dans les matériaux éco-responsables et éthiques, NDLR), explique Julie Revers, enseignante en design de mode. Ils ont créé là-bas un textile à partir de laine car nous n'en avons pas à la Réunion, et ici, nos élèves de deuxième année l’ont transformée en vêtement."

Le thème "Votre hiver est notre été" a donc permis à Loïc et Marianne de confectionner un haut laissant apparaître une épaule sur des tons bleus, orangés et marrons. "Ce qui nous a inspirés ce sont les couchers de soleil de l’île, leurs teintes pastel et douces alors que la matière, elle, rappelle le froid. On a joué sur les climats antagonistes dont la rencontre est symbolisée par ce vêtement", détaille l’étudiant en DNMADE 2.

Les créations de Loïc et Marianne (en haut à droite) sur le thème "Votre hiver est notre été". © Lola Fourmy

Des étudiants préoccupés par l'avenir de la mode

Le DNMADE mention mode de Saint-Pierre a pour fil rouge l'éthique. De quoi séduire Yanna, une Cannoise de 17 ans. Elle n’a pas hésité à déménager à plus de 12.000 km de son entourage quand elle a été acceptée en première année. "Ce qui m’a attiré c’est à la fois le cadre et la mise en avant de l’aspect éthique de la mode. J’ai réalisé qu’il fallait que j’arrête de participer à la fast-fashion. Maintenant, j’achète de la seconde main et je cherche des marques éthiques. Ce qui me choque le plus, ce sont les conditions dans lesquelles sont produits les vêtements", confie celle qui veut devenir styliste.

Marius, 19 ans, également en DNMADE 1, abonde : "L’aspect éthique n’est pas mis en avant partout, ici c’est l’identité de la formation. Par exemple, on réutilise des tissus pour nos projets ou des matières recyclées. On sait que l’industrie de la mode est très polluante donc c’est à nous d’être acteurs de la transformation." L'étudiant de première année prépare d'ailleurs avec un camarade un projet de kimono up-cyclé qui sera vendu dans une boutique de Saint-Pierre.

Pour sa camarade de classe, Kalista, Bretonne de 20 ans, se former sur l'île de la Réunion, c’est aussi "découvrir autre chose, s’ouvrir à de nouvelles cultures, d’autres mentalités". Un environnement qui, Aya, 19 ans, en est sûre, booste l’inventivité : "Ma créativité est dirigée par ce qui nous entoure, on est plongé dans la nature alors faire de la mode éthique ici, ça a tout son sens", conclut l’étudiante en première année.

Des opportunités diverses et variées à la Réunion… et au-delà

Claire et Manon s'affairent sur leur projet de fin d'études. © Lola Fourmy

Dans l’atelier de couture, les étudiants en troisième année quant à eux s’activent. Ils sont à seulement quelques mois d'obtenir leur diplôme de fin d'études. Claire, Réunionnaise de 20 ans, revisite les costumes de Casse-Noisette avec une approche éthique. "Je travaille avec un confiseur qui me donne les chutes de bonbons ou ceux périmés et je les couds et brode sur mes créations", explique la jeune femme. L’an dernier, elle a réalisé son stage de deux mois sur le tournage d’un film au casting international à la Réunion. "J’étais la seule stagiaire et on m’a donné l’occasion de choisir la garde-robe des acteurs principaux, pas sûr que ça aurait été possible ailleurs", précise-t-elle.

Manon, affairée sur son moodboard (planche d’inspiration composée de différents éléments décrivant son univers) ultra-coloré, veut mettre les orchidées endémiques à l’honneur. "Je suis très inspirée par la faune et la flore et être ici me permet d’avoir un vrai positionnement. Je suis au cœur de cet exotisme", raconte-t-elle. Dans son projet de fin d'études, elle veut justement prouver que la mode éthique ne doit pas nécessairement être sobre mais peut, au contraire, être extravagante et élégante. "Si on insuffle de l’up-cycling, qu’on se connecte davantage entre producteurs, on peut créer un cercle vertueux !", veut croire la jeune Réunionnaise.