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Bac ES 2015 : corrigé d’un sujet de SES sur les mouvements sociaux

publié le 23 juillet 2013
7 min

Candidats au bac ES (économique et sociale) 2015, à quels sujets vous attendre en juin prochain ? Voici nos pronostics, basés en partie sur les avis d'enseignants. Avec, en prime, des corrigés de sujets pour vous entraîner, façon "bac blanc".

Le sujet

Comment expliquer les évolutions des mouvements sociaux ?

Par Melissa Ruggeri, enseignante au lycée Joliot-Curie de Sète (34).
  

Introduction

Le changement social lié à l'avènement des sociétés démocratiques est souvent traversé par une tension entre l'égalité et les inégalités réelles. Cette tension peut être à l'origine de conflits. Si en général le conflit est vécu comme un mal, les sociologues montrent essentiellement qu'il est indispensable, car il joue un rôle majeur dans le processus de changement social, autant qu’il illustre les changements sociaux.
 

On entend par conflit social un affrontement entre groupes sociaux opposés par leurs intérêts, leurs positions ou leurs idées. Caractérisés dans la société industrielle par des conflits axés sur le travail, assis sur l’existence d’une classe ouvrière, les conflits sociaux aujourd’hui ont changé. Les mutations du travail et de la société ont en effet affaibli les mouvements sociaux traditionnels (I) et favorisé le développement de nouveaux mouvements sociaux (les NMS – II).

I. Les mutations du travail et de la société affaiblissent les mouvements sociaux traditionnels…

A. Les signes de la disparition progressive des conflits traditionnels
1) La désyndicalisation.
On assiste à une désaffection syndicale, avec seulement 9 % environ des actifs syndiqués. Même si traditionnellement le taux de syndicalisation est faible, il ne cesse de s’éroder depuis son niveau des années 70.

2) La baisse du nombre de conflits.
Le nombre de journées non travaillées diminue régulièrement, à l’exception de certaines années (1995), pour atteindre environ 250 000 en 2005 contre 4 millions en 1975 (source : Dares).

3) La modification des acteurs des conflits.
Le taux de syndicalisation des ouvriers valait 6 % en 2006. L’adhérent type des syndicats est aujourd’hui cadre de la fonction publique (le taux le plus élevé : 15,5 % en 2006). Les conflits sociaux se distinguent des conflits liés à la classe ouvrière, qui peine aujourd’hui à défendre ses intérêts face notamment au bouleversement de la structure des emplois (tertiarisation).

B. Les facteurs explicatifs de ces évolutions
1) L’institutionnalisation des conflits.
Aujourd’hui l'institutionnalisation des syndicats eux-mêmes, leur participation à la négociation des accords, parfois ressentie comme éloignée des préoccupations de la base, donnent l'image d'organismes administratifs rigides et peu efficaces. Les syndicats ne sont ainsi plus légitimes dans la défense des intérêts des adhérents.

2) La montée de l'individualisme.
La rationalisation des acteurs progresse, ce qui rend caduc le paradoxe de l’action collective d’Olson : en effet, les acteurs conscients de l’intérêt qu’ils ont d’attendre le résultat de l’action collective renoncent de plus en plus à y participer. Cette rationalisation se complète du repli sur la sphère individuelle qu’anticipait Tocqueville, qui réduit l’intérêt des acteurs pour les affaires collectives.

3) La précarisation des emplois.
Celle-ci nuit à l’intégration des individus dans la vie de l’entreprise, donc diminue l’intérêt pour la défense des intérêts collectifs. De plus, la participation à l’action collective met en péril la pérennité supposée de l’individu dans l’entreprise. Ainsi, seules 2,4 % des personnes ayant un emploi précaire étaient syndiquées en 2006.

C. Vers la fin des conflits de classe, enjeu des conflits sociaux traditionnels
1) Le déclin numérique des ouvriers.
La part des ouvriers dans la population active avoisine les 27 %. De plus, être ouvrier est devenu un échec, et non une fierté comme cela a pu l’être dans la société industrielle. La honte d'être ouvrier fait baisser le sentiment d'appartenance. La mobilité sociale permise par la démocratisation scolaire modifie les valeurs ouvrières : on ne cherche plus à appartenir à cette catégorie, mais à s’élever dans l’échelle sociale, et donc à en sortir.
2) La disparition des "classes sociales".

La moyennisation de la société rend caduque l’opposition entre les prolétaires et les bourgeois, ce qui met fin à l’interprétation de la société comme une lutte entre les classes sociales (Karl Marx).

Au final, les avancées sociales, obtenues en grande partie grâce à l'intervention des syndicats, ont modifié les conditions de travail et rééquilibré les relations salariales. Si bien qu'aujourd’hui, les conflits changent de forme, d'acteurs et d'objectifs, mais ne disparaissent pas tout à fait. L'action collective se transforme, et on a vu naître, à partir des années 70, ce que l'on nomme les nouveaux mouvements sociaux, "les NMS".

II. … Et favorisent les transformations de l'action collective

A. Les enjeux de l'action collective ont changé
1) Les nouvelles revendications de la mobilisation collective.
La poursuite de valeurs postmatérialistes (Ronald Inglehart) liée à la satisfaction des besoins essentiels permise par l’accès à la consommation de masse change les revendications, devenues moins matérielles, et plutôt liées au bonheur et au bien-être individuel.
L'émergence des nouveaux mouvements sociaux va de pair avec la multiplication des sources de conflits et la modification des objectifs, plutôt orientés vers la satisfaction hors du travail et le bien-être individuel.
Ex. de NMS : mouvements pour l'égalité hommes/femmes, gay pride, mouvements anti-OGM…

2) Les nouveaux mouvements sociaux modifient la nature de l'action collective.
Un NMS repose sur trois principes : le principe d’identité, d’opposition et de totalité (reprise de la terminologie d’Alain Touraine). Les NMS cherchent à maîtriser le cours de l'histoire, et ont des revendications universelles et non particularistes. On cherche ainsi à modifier, de façon irréversible, la place de tel ou tel groupe d'individus, ou le déroulement de tel ou tel changement politique ou économique.

Conclusion
À la différence des anciens mouvements sociaux, il ne s'agit plus de trouver sa place dans l'entreprise, mais d'affirmer la sienne dans la société. Et au-delà de l'égalité, il s'agit surtout de reconnaître les différences individuelles et d'acquérir de nouveaux droits. Les NMS donnent aussi une voix aux "sans" (papiers, logement…).

B. De nouveaux acteurs et moyens d'action
1) La naissance de nouveaux acteurs.
Contre la bureaucratisation syndicale naissent les coordinations, locales, dont le pouvoir d'action est limité mais plus radical et plus spontané. Souvent, ce sont des coordinations de métiers, donc différentes des syndicats interbranches, avec des revendications spécifiques aux métiers, donc au plus près des difficultés particulières.
Les nouveaux mouvements sociaux se détachent des institutions traditionnelles, lourdes et difficiles à mobiliser.

2) L'émergence de nouveaux moyens d'action.
Avec le développement des nouvelles technologies, on assiste à la naissance des cybermouvements sociaux : boycotts, hackings de sites en représailles, flash mobs… Internet mobilise à grande échelle et de façon très rapide des groupes de personnes.
De plus, on assiste à une radicalisation des mouvements sociaux : tentes plantées en plein Paris pour défendre le droit au logement, mises en scène sanglantes d’associations comme Greenpeace, de groupes anti-avortement…
Les nouveaux registres de l'action collective reposent sur la passion, la médiatisation, l'originalité des actions, la visibilité et le soutien de l'opinion publique. Il s’agit de conquérir l’opinion et de la mobiliser sur un sujet.

Conclusion


Les conflits sociaux ont eu de nombreuses conséquences positives sur la société. On leur doit des avancées notoires, notamment en termes de conditions de travail (accords de Matignon en 1936, de Grenelle en 1968). Mais les mouvements d'hier disparaissent progressivement, et leurs représentants sont remis en question.

L'essentiel des nouveaux mouvements sociaux aujourd’hui se focalisent sur des revendications individuelles, pas toujours porteuses d'un projet global de société. À l'extrême, si les nouveaux mouvements sociaux devaient se substituer totalement aux anciens mouvements sociaux, le risque serait de glisser vers la défense de groupes particuliers, avec la naissance de groupes de pression ou de lobbies, et que ces intérêts communautaires se substituent à l'intérêt général.

Les nouveaux mouvements sociaux ont changé la donne de l'action collective en mettant de nouveaux acteurs et de nouveaux moyens d'action sur le devant de la scène. Mais les récentes manifestations montrent qu'ils n'ont pas complètement fait disparaître les anciens enjeux : par exemple la revendication de la hausse du pouvoir d'achat s'étend à toutes les branches, sous forme de grèves (centres d'appel, hypermarchés, fonction publique…).

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