Coaching

Ex-décrocheurs : à chacun sa stratégie pour réussir le bac

Ex-décrocheur Brahim
Après son bac préparé au lycée de la Nouvelle Chance à Angers, Brahim a passé le concours Geipi Polytech pour intégrer une école d'ingénieurs. © Émilie Weynants
Par Émilie Weynants, publié le 02 juin 2016
1 min

Mohamed mise sur la mutualisation de compétences. Brahim va tout jouer sur l’épreuve de mathématiques. Jennifer préfère s’isoler et bachoter. Tous ont déjà raté leur baccalauréat une ou plusieurs fois. Et ils ne veulent pas que cela se reproduise.

Jennifer s'est isolée dans une salle du premier étage du lycée Nouvelle Chance, à Angers (49). En première STMG, elle planche sur un corpus de philo. À quelques semaines du baccalauréat, la jeune femme de 21 ans ne veut pas louper une troisième fois son diplôme. “Je suis originaire de Saint-Martin [Antilles]. J'ai passé mon bac ES deux fois, dont une en candidat libre… Puis, j'ai eu envie de tout plaquer.”

Comme elle, 110.000 jeunes décrochent du système scolaire chaque année. C'est 26.000 de moins qu'il y a 5 ans. “Les jeunes ne trouvent pas leur compte dans le système classique. Ils échouent au bac et s'arrêtent là, car c'est encore ce diplôme qui ouvre les portes de l'enseignement supérieur”, souligne Sylvie Wastiaux, coordinatrice de la mission de lutte contre le décrochage scolaire. Des élèves en difficulté ou au contraire des surdoués, des sportifs de haut niveau, des jeunes défavorisés… Les profils des décrocheurs sont divers. “On a par exemple une élève qui ne supportait pas d'être en compétition avec sa sœur, excellente lycéenne”, détaille Sylvie Wastiaux.

Travailler en groupe, la clef du succès ?

Jennifer travaille d'arrache-pied pour décrocher le sésame. “De 8 h à 17 h, le plus souvent possible.” Cette jeune maman débarquée à Angers a dû changer de série. “J'avais trop de lacunes pour suivre le rythme en ES. Je suis anglophone, alors je n'écris pas très bien le français. Si le management ne me plaît pas, j'adore les ressources humaines et le droit”, s'enthousiasme celle qui ambitionne une carrière d'avocate.

Au lycée Magenta de Villeurbanne (69), Mohamed a privilégié une voie professionnelle. En dernière année de bac pro commerce, le jeune homme de 24 ans mise tout sur le travail de groupe et la mutualisation des compétences pour s'en sortir le jour J. “J'ai de grosses lacunes en maths. Mais j'ai un ami qui est très fort, alors il me donne un coup de main !” L'autre épreuve qu'il redoute, c'est l'étude de cas de 3 heures. “Je révise du mieux que je peux, en cours et à la maison. Et je profite de séances de soutien proposées par certains profs, toujours à notre disposition.”

Pour lui, le pari n'était pas gagné : après un job dans l'animation, une formation en logistique et de l'intérim, il a décidé de tenter sa chance au lycée de Villeurbanne. “Ce qui me faisait le plus peur, c'était l'âge qu'auraient les autres élèves”, reconnaît-il. En optant pour l'un des 117 parcours proposés en alternance par l'établissement, il a pu garder un pied dans le monde professionnel et retrouvé le goût des études. “Je n'avais jamais trouvé ma voie professionnelle, car j'avais été mal conseillé. Maintenant que je sais ce qui me plaît, je compte bien poursuivre en BTS MUC (management des unités commerciales) l'an prochain”, poursuit Mohamed. “Le décrochage est souvent lié à un problème d'orientation”, a remarqué Guillaume Feneuille, coordinateur du lycée Nouvelle Chance à Cergy-Pontoise (95).

“Si j'ai 10 en maths, je devrais m'en sortir”

Brahim, lui, rêve d'une école d'ingénieurs. Le 11 mai 2016, il a passé le concours Geipi Polytech pour intégrer l'ISTIA, à Angers. Inscrit au lycée de la Nouvelle Chance, il mise gros sur le travail de groupe pour décrocher le bac. Le jour de notre reportage, il s'est installé autour du professeur de physique-chimie, avec deux autres élèves. C'est ça, le lycée Nouvelle Chance, des cours adaptés, des séances individualisées ou en petit groupe. “On propose entre 15 et 30 heures de cours par semaine selon les profils”, précise Anne-Bérengère Poirey, professeure de philosophie à Angers. “Mais on fait aussi du cours magistral”, tempère Christian Terras, à Villeurbanne. “Une trop petite classe n'est pas souhaitable, car il doit y avoir une dynamique de groupe”, insiste Guillaume Feneuille qui mise sur l'interdisciplinarité pour donner du sens au savoir.

Lors de sa première terminale S, Brahim affichait 350 heures d'absence. “J'ai redoublé dans un autre lycée, et j'ai loupé mon bac de peu : 9 au lieu de 10 !” Seul le lycée de la Nouvelle Chance a bien voulu de lui. Dans quelques jours, il va repasser les épreuves de physique, philo, français, espagnol et mathématiques, matière sur laquelle il mise tout, stratégiquement : “Matrice, probabilités, loi binomiale… J'aime bien. Si j'ai 10, je devrais m'en sortir !”

Comment s'inscrire au lycée Nouvelle Chance ?

Avec Nouvelle Chance, les procédures de recrutement sont propres à chaque établissement. Les inscriptions se font dès le mois de juin et sont ouvertes aux élèves à partir de 16 ou 17 ans. Toutes les candidatures sont étudiées. Les relevés de notes font partie du dossier, mais ce qui compte avant tout, c'est la motivation du candidat. Les profs vérifient que le projet du lycéen est bien en adéquation avec le dispositif Nouvelle Chance lors d'un entretien.
“Les candidats doivent bien comprendre que ce n'est pas un bac au rabais que nous proposons. Il faut travailler dur pour réussir”, témoigne Sylvie Wastiaux, de la mission de lutte contre le décrochage scolaire.
“C'est aussi à nous de motiver le jeune, de s'assurer qu'il est dans la bonne voie”, nuance Guillaume Feneuille, l'un des coordinateurs de Nouvelle Chance au lycée Kastler à Cergy-Pontoise. Dans l'académie de Versailles, la sélection passe alors par des exercices accompagnés de maths, français, philo. “On ne parle pas de tests car les profs peuvent aider les candidats”, précise Guillaume Feneuille.
Au lycée Magenta, à Villeurbanne, les élèves en bac pro passent des tests appelés “de positionnement”.
Les enseignants vérifient le niveau du candidat dans les matières générales comme professionnelles. À Angers, ils sont proposés au cas par cas. Si l'élève est admis, il entre alors soit en première, soit en terminale.

Pour découvrir d'autres projets innovants, consultez le site de la Fespi (Fédération des établissements scolaires publics innovants) où est recensé le lycée Kastler de Cergy. 

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