Témoignage

Décrocher son bac à 14 ans : et après ?

Examen
Avoir quatre ans d'avance change-t-il une carrière ? © plainpicture/Caiaimages/Sam Edwards
Par Julie Chapman, publié le 13 juin 2016
1 min

Samuel, Élénie et Lee ont un point commun : ils ont obtenu leur bac à 14 ans, à l'âge où leurs camarades passaient le brevet. Dix ans plus tard, ils reviennent sur leurs parcours, non dénués d'embûches.

Au moment où ils ont passé le bac, à 14 ans, ils pensaient avoir une idée assez précise de leur avenir : chercheuse en biochimie, enseignant ou professeur-chercheur en mathématiques. Dix ans plus tard, ils ont tous changé d'avis. Ainsi, Élénie a renoncé à la biochimie pour rejoindre le monde des développeurs. Lee est devenu enseignant-chercheur à la Toulouse School of Economics. Samuel, quant à lui, a fait un virage à 180 degrés : il est devenu chef d'orchestre et metteur en scène.

Une intégration pas toujours facile…

Avoir 15 ans à la fac ressemble à tout sauf à un long fleuve tranquille. S'intégrer dans une classe où tous les élèves ont 5 ans de plus que vous demande de la ténacité. En témoigne Élénie : “Difficile de rejoindre un groupe lorsque l'on n'est pas autorisé à conduire, à vivre en résidence, à boire de l'alcool ou à postuler aux emplois offerts par le campus.”

Lee Dinetan, ATER à la Toulouse School of Economics et à l'Institut d'Adminsitration des Entreprises

“Le cursus universitaire étant très sélectif, j’ai eu peu de temps pour me consacrer à autre chose. Ne pas sombrer dans la masse anonyme se gagne au prix de sacrifices personnels. Le conseil que je donnerais : avoir une idée précise de son projet professionnel à court terme car les projets à long terme sont flous et toujours imprévisibles.”

Quand ces très jeunes étudiants ne sont pas marginalisés par la loi, ils le sont par leurs camarades. “Je pense que ma quête permanente de l'excellence au détriment de la solidarité entre étudiants a contribué à ma mise à l'écart”, analyse Lee. Note plus positive cependant pour Samuel : “En classe préparatoire, tout s'est bien passé.” Un peu d'espoir, donc, pour les futurs jeunes bacheliers.

… qui s'améliore avec le temps

Cette intégration compliquée ne les a pas empêchés de tisser des relations amicales solides, le plus souvent avec des personnes plus âgées. “Mes loisirs – musique classique, piano et bridge – me rangent dans une autre génération que la mienne”, explique Lee. Et Élénie de relativiser : “Au bout d'un certain temps, les centres d'intérêt ne sont plus liés à l'âge mais plutôt à l'individu.” En réalité, leur intégration s'est vraiment faite lorsqu'ils sont entrés dans le monde du travail.

Jeune bachelier : pas toujours un passe-partout

Après la période médiatique qui a suivi leur obtention du bac, Élénie, Samuel et Lee sont retombés dans l'anonymat. Leur précocité est rarement un sujet de conversation. À quelques exceptions près.

Élénie, développeuse pour Bentley Systems

“Le fait d’avoir été surdouée ne m’a pas apporté la célébrité. En fait, moins que si j’avais été championne régionale de water-polo ou joué cinq minutes dans ‘Ma sorcière bien-aimée’. Si j’avais un conseil à donner ce serait de ne pas avoir de préjugés sur les gens qui n’ont pas tout à fait la même expérience de la vie.”

Au travail, Élénie se souvient d'une anecdote : “Avant une présentation, un des cadres est venu me demander si les rumeurs au sujet de mon âge à la fin de l'université étaient vraies.” De son côté, Lee a ressenti une forme d'exclusion après le master : “La sélection ne s'est plus faite sur des critères objectifs d'excellence académique mais par cooptation, et mon jeune âge a pu en irriter certains.”

Une vision que ne partage pas Samuel. Il pense au contraire que sa jeunesse a été bénéfique : “L'image du jeune qui a réussi est souvent associée à une garantie de succès”, pointe-t-il.

Après le bac, on continue

Tout doués qu'ils sont, leurs études ont malgré tout occupé une place centrale dans leur jeunesse, leur laissant peu de temps pour d'autres projets. Ainsi, Lee s'y est entièrement consacré : “Parallèlement, j'ai quand même suivi une formation de trading et obtenu un diplôme de trader.” Comme tous les étudiants partis au Canada, Élénie a dû concilier études et emploi. “J'ai occupé des postes dans l'univers de la programmation dès 2008", explique-t-elle. Quant à Samuel, son avance sur ses collègues lui a laissé le temps de perfectionner ses compétences dans la direction d'orchestre.

Samuel Sené, metteur en scène et chef d'orchestre

“J’ai eu la chance d’arriver à Paris à l’âge de 16 ans pour entrer à l’École normale supérieure.  Pour moi, le plus important, c’est de faire confiance à son jugement et ses envies, à condition de se remettre en question avec franchise et humilité.”

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