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Confiscation d'objets personnels, fouille : quels sont vos droits ?

Ennui
Il est interdit d'utiliser son téléphone portable pendant les heures de cours. Mais peut-on vous le confisquer si vous vous en servez ? © Fotolia
Par Valérie Piau, publié le 11 septembre 2016
1 min

Souvent utilisée par les professeurs ou les chefs d'établissement, la confiscation n'est pourtant autorisée que dans certains cas. Les explications de l'avocate Valérie Piau, extraites de son ouvrage “Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”.

Il est légitime que l'institution scolaire cherche à limiter l'utilisation des portables et des smartphones dans l'enceinte de l'établissement et punisse les élèves qui en font un usage contraire au règlement intérieur. Néanmoins, la confiscation d'un téléphone doit être strictement encadrée. Téléphoner au volant coûtera à un automobiliste une amende et un retrait de points sur son permis, mais le gendarme ne lui confisquera ni son téléphone ni sa voiture ! Or les acteurs du système éducatif sont coutumiers de la confiscation. Dans quel cas est-elle interdite et autorisée ?

Vrai ou faux ?

1. L'enseignant qui confisque le téléphone d'un élève en devient responsable en cas de perte, vol ou dégradation ? Vrai

2. La confiscation d'un objet dangereux peut être faite à titre de prévention ? Vrai

3. La confiscation ne fait pas partie des sanctions autorisées par le Code de l'éducation ? Vrai

La confiscation est autorisée à titre préventif…

Les acteurs du système éducatif peuvent confisquer un objet dangereux appartenant à un élève. Il s'agit d'une mesure destinée à prévenir la survenance d'un acte répréhensible prévue par la circulaire n° 2014-059 du 27 mai 2014 sur les procédures disciplinaires.

Ainsi, si un élève est surpris dans la cour de récréation en possession, par exemple, d'un poing américain, le chef d'établissement confisque immédiatement cet objet dangereux à titre de prévention et peut engager une procédure disciplinaire afin de sanctionner l'introduction d'une arme dans l'établissement.

… mais interdite à titre de sanction

La sanction concerne des manquements graves aux obligations des élèves et des atteintes aux personnes ou aux biens. Seules les sanctions prévues par le Code de l'éducation peuvent être infligées à l'élève. Selon l'article R. 511-13 du Code de l'éducation, il s'agit de :
– l'avertissement ;
– le blâme ;
– la mesure de responsabilisation ;
– l'exclusion temporaire de la classe ou de l'établissement, qui ne peut excéder huit jours ;
– et l'exclusion définitive de l'établissement.
La confiscation n'y figure pas.

… et contestable à titre de punition

Les punitions concernent des manquements mineurs commis par les élèves. La confiscation est interdite, en tout état de cause, si elle n'est pas prévue dans le règlement intérieur de l'établissement. En effet, seules les punitions figurant dans le règlement intérieur peuvent être appliquées à l'élève.

Mais la confiscation est contestable même si elle figure au règlement intérieur. Il a ainsi été jugé par le tribunal administratif de Strasbourg, en octobre 2004, que la confiscation de longue durée allait au-delà de la simple punition et qu'elle constituait une véritable sanction susceptible d'être annulée par le juge administratif. Dans cette affaire, le règlement intérieur de l'établissement mentionnait que “tout objet inutile ou interdit tel que tatoo, téléphone portable, baladeur ou animal virtuel sera confisqué jusqu'à la fin de l'année scolaire s'il est utilisé dans les bâtiments”. Le juge a considéré qu'il s'agissait d'une atteinte disproportionnée au droit de propriété. La confiscation d'un bien aboutit en effet à l'attribution temporaire ou définitive à l'établissement scolaire ou à l'enseignant de la propriété d'un bien.

Même en matière pénale, le juge ne prononce la confiscation que s'il y a un article du Code pénal l'y autorisant. Or, les établissements scolaires pratiquent la confiscation à titre de sanction sans y être autorisés par le Code de l'éducation. De plus, la confiscation concerne en droit pénal les infractions les plus graves, comme par exemple le trafic de stupéfiants. Souvent, le téléphone portable est confisqué pour des manquements mineurs, comme par exemple l'envoi d'un SMS pendant un cours.

La personne ayant confisqué un objet en devient responsable

Celui qui confisque un effet personnel devient responsable de l'objet et de son éventuelle détérioration, de sa perte ou de son utilisation frauduleuse. En effet, “l'objet confisqué est placé sous la responsabilité de celui qui en a la garde du fait de la confiscation”, comme le rappelle l'Éducation nationale dans sa circulaire du 27 mai 2014 sur les procédures disciplinaires.

Ainsi, l'enseignant ou le chef d'établissement prennent le risque qu'une indemnisation financière leur soit demandée si la confiscation est effectuée sans dresser un état contradictoire de l'appareil et sans garantie de conservation (en lieu sûr et fermé à clé). A fortiori s'il s'agit d'un téléphone portable ou d'un appareil électronique fragile dont le dysfonctionnement ou la panne pourrait leur être reproché en tant que gardien, sans compter les éventuels appels passés sur des appareils confisqués non conservés en lieu sûr.

Peut-on fouiller les élèves ?

Les élèves ne peuvent être contraints de subir une fouille de leurs effets personnels. À défaut d'accord de l'élève, “seul un officier de police judiciaire est habilité à mettre en œuvre une fouille” de celui-ci, comme le rappelle l'Éducation nationale dans la circulaire n° 2014-059 précitée.

Cas pratique : comment faire valoir vos droits ?

Le professeur de Morgane confisque à titre de punition le téléphone de cette dernière, qui a sonné pendant son cours. Le règlement intérieur de l'établissement ne prévoit pas la confiscation. Les parents de Morgane se sont plaints de la confiscation au chef d'établissement, qui leur a restitué ledit téléphone. En revanche, Morgane a eu une heure de retenue à titre de punition pour avoir perturbé la classe.

Il est conseillé de demander au chef d'établissement de restituer l'appareil en lui rappelant qu'il en a l'entière responsabilité en tant que gardien durant la confiscation en cas d'éventuels dysfonctionnements, dégradations ou utilisation frauduleuse et d'envoyer copie de ce courrier au DASEN (directeur académique des services de l'Éducation nationale).

Modèle de courrier en cas de confiscation d'un téléphone portable appartenant à un élève

Objet : Confiscation du téléphone portable de notre enfant

Madame ou Monsieur le principal,

      Nous nous permettons d'intervenir auprès de vous en notre qualité de parents de (nom et prénom de l'enfant), élève en (préciser la classe) dans votre établissement.

      Vous avez confisqué le téléphone portable de notre enfant à titre de sanction. Cette confiscation porte atteinte à notre droit de propriété et n'est autorisée par aucune disposition du Code de l'éducation, ni par votre règlement intérieur.

      Nous émettons toutes réserves concernant d'éventuels dysfonctionnements, dégradations ou utilisation frauduleuse que nous pourrions constater lors de la restitution de l'appareil, dont vous avez l'entière responsabilité en tant que gardien.

      En conséquence, nous vous remercions de bien vouloir nous restituer immédiatement, à réception du présent courrier, notre téléphone portable. À défaut de quoi nous serions contraints d'envisager des suites à cette affaire afin d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi (perte de la valeur du portable, coût de l'abonnement, etc.).

      Veuillez agréer, Madame ou Monsieur le principal, l'expression de nos salutations distinguées.

Copie au DASEN.

POUR ALLER PLUS LOIN
À découvrir aux Éditions de l'Etudiant :
Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”,
par Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation
au cabinet-piau.fr.

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