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Comment obtenir le remplacement d'un professeur absent ?

Des collégiens, à l'heure de la rentrée.
Lorsqu'une classe est privée de cours du fait du non-remplacement d'un professeur absent, il est conseillé de le signaler immédiatement au chef d'établissement et au rectorat. © Phovoir
Par Valérie Piau, publié le 24 septembre 2016
1 min

Même en cas d'absence prolongée, les professeurs ne sont pas toujours remplacés. Pour éviter que la scolarité de votre enfant n'en souffre, comment réagir ? La réponse de Valérie Piau, avocate, extraite de son ouvrage “Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”.

Le non-remplacement des professeurs absents est un problème récurrent. Or les parents peuvent désormais faire valoir un “droit aux cours” de leur enfant. La médiatrice de l'Éducation nationale Monique Sassier relève que “c'est devenu un droit aussi légitime que le droit opposable au logement ou celui de trouver un médecin […]”. Cela fait partie de ce qu'elle appelle “les droits de la personne”.

Le principe de continuité est l'essence même du service public. Les usagers ont droit à un fonctionnement régulier et non interrompu du service public.

Vrai ou faux ?

1. L'État a été condamné à verser des dommages et intérêts à des parents d'élèves en cas de professeurs absents non remplacés ? Vrai

2. L'État peut échapper à sa condamnation en cas de non-remplacement d'un professeur absent en invoquant le manque de crédits budgétaires ? Faux

L'État déjà condamné pour non-remplacement d'un professeur absent

Les parents d'élèves sont susceptibles, en engageant une procédure devant les tribunaux, d'obtenir une indemnisation lorsque les cours ne sont pas assurés, en cas de professeur absent non remplacé. Cependant, l'objectif principal recherché n'est pas l'indemnisation mais le remplacement de l'enseignant absent.

C'est pourquoi, dès que votre enfant est privé de cours, quelle qu'en soit la raison, il est préférable :
– de le signaler immédiatement par écrit au chef d'établissement et au rectorat ;
– de mener une action conjointe avec les autres parents dont les enfants sont aussi privés de cours.

La jurisprudence a déjà condamné, à plusieurs reprises, l'État à verser des dommages et intérêts à des parents d'élèves quand les professeurs absents ne sont pas remplacés. Il est utile d'invoquer cette jurisprudence à l'appui d'une demande faite au rectorat de remplacement d'un professeur absent.

Les principales décisions de justice

Dans un arrêt de principe rendu le 27 janvier 1988, le Conseil d'État a jugé que la mission d'intérêt général d'enseignement impose au ministère de l'Éducation nationale une obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes selon les horaires réglementaires prescrits. Le Conseil d'État a jugé que le manquement à cette obligation légale qui a eu pour effet de priver, pendant une durée appréciable, un élève de collège de sept heures d'enseignement hebdomadaire dont il aurait dû bénéficier, en l'absence de toute justification tirée des nécessités de l'organisation du service, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Ce dernier a ainsi été condamné à verser des dommages et intérêts à la famille pour réparer le préjudice résultant de la carence des services de l'enseignement. Le jugement précise que le manque de crédits budgétaires allégué par le ministère de l'Éducation nationale ne peut l'exonérer de sa responsabilité.

À la suite de cette jurisprudence, le tribunal administratif de Versailles, par 11 jugements du 3 novembre 2003, a condamné l'État à indemniser des parents d'élèves d'un collège, en réparation du préjudice causé, pour ne pas avoir assuré des enseignements de l'établissement durant l'année scolaire 2000-2001. L'État a été condamné à verser aux parents des sommes variant de 150 à 450 € selon le volume d'heures de cours non assurés – de l'ordre de cinquante à quatre-vingts heures selon les cas. Là encore, les juges ont rappelé que le ministre de l'Éducation nationale a l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d'enseignement tels qu'ils sont définis par les dispositions législatives et réglementaires. Le juge a estimé que le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver un élève de l'enseignement considéré pendant une période appréciable est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État.

La “perte de chance”, autre motif de recours contre l'État

Les parents peuvent également obtenir une condamnation de l'État du fait de l'incidence sur la scolarité de leur enfant des absences répétées d'un professeur. Il s'agit de la notion juridique de “perte de chance”. Par exemple, les juges de la cour administrative d'appel de Nantes ont condamné l'État, le 29 novembre 1990, à cause d'une erreur de transcription des notes obtenues au baccalauréat, qui avait provisoirement empêché l'élève de s'inscrire à l'université.

L'État condamné pour… une mauvaise note en philosophie

Dans une affaire, les juges du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ont estimé en juin 2006 que l'État avait commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires pour faire dispenser aux élèves l'enseignement de la philosophie dans les conditions prévues au programme du baccalauréat. Jérôme Charasse, neveu de Michel Charasse, qui était élève de terminale au lycée Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, avait obtenu en juin 2003 son baccalauréat avec mention très bien. Ayant obtenu la note de 6/20 à l'épreuve de philosophie, il soutenait que ce mauvais résultat était lié aux absences répétées de son professeur de philosophie, qui l'auraient empêché d'étudier l'ensemble du programme dans des conditions normales.

Selon lui, l'administration qui n'avait pas remédié à cette situation, en omettant de remplacer l'enseignant, était responsable du refus qui lui avait été opposé à sa demande de dispense des épreuves d'admissibilité pour intégrer directement l'Institut d'études politiques de Paris. Il invoquait avoir été ainsi privé de la possibilité d'une admission à cette école dès la rentrée scolaire 2003.

Le tribunal a retenu la responsabilité de l'État mais n'a fait que partiellement droit à la demande d'indemnisation du plaignant en ne lui attribuant que 150 € sur les 169.000 demandés : “Les élèves de la classe de terminale du lycée Blaise-Pascal de Clermont- Ferrand, à laquelle appartenait M. Charasse, n'ont obtenu aucune note ou appréciation en philosophie au cours du troisième trimestre 2003 ; […] le compte rendu du conseil de classe du 28 mai 2003 confirme que ces élèves, du fait des absences et de la carence de leur professeur, n'ont pu suivre qu'un tiers, au mieux, de l'enseignement de philosophie au programme du baccalauréat […]. Ainsi, en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires pour faire dispenser aux élèves de la classe de terminale à laquelle appartenait M. Charasse l'enseignement de la philosophie dans les conditions prévues au programme du baccalauréat, l'État a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.”

Trois conditions doivent être remplies

Pour que la responsabilité de l'État pour perte de chance soit engagée, les trois conditions suivantes doivent être remplies :
une faute : l'organisation déficiente du service public de l'éducation, résultant du non-remplacement d'un professeur pour une durée appréciable ;
un préjudice : la perte de chance de réussir un examen, d'obtenir l'orientation souhaitée, d'intégrer une école, etc. ;
un lien de causalité entre la faute et le préjudice : le non-remplacement du professeur ayant empêché l'élève de préparer dans de bonnes conditions l'épreuve de l'examen, diminuant ainsi ses chances (d'avoir son diplôme, ou d'intégrer une école, ou d'obtenir l'orientation souhaitée, etc.).

Cas pratique : comment faire valoir vos droits ?

Sidonie est élève de troisième et son professeur de mathématiques est absent depuis plusieurs semaines sans être remplacé.

Il est conseillé aux parents d'élèves d'écrire rapidement au rectorat en cas d'absences non remplacées. Il est utile que les familles se regroupent : un enseignant a en moyenne une centaine d'élèves. Aussi la perspective d'une éventuelle action judiciaire s'avère-t-elle un excellent moyen de faire réagir l'Éducation nationale afin d'obtenir rapidement le remplacement du professeur absent.

Modèle de courrier adressé au recteur en cas de professeur absent non remplacé

Objet : Demande urgente de remplacement d'un professeur absent

Madame ou Monsieur le recteur,

       Nous nous permettons d'intervenir auprès de vous en notre qualité de parents de (nom et prénom de l'enfant), élève en (préciser la classe) dans l'établissement (nom et adresse de l'établissement à préciser).

       Nous vous alertons sur l'absence, depuis (durée de l'absence), de M. ou Mme (nom du professeur), professeur de (matière à préciser), extrêmement préjudiciable à la scolarité de notre enfant.

       Comme vous le savez, l'Éducation nationale a l'obligation légale d'assurer l'enseignement de toutes les matières obligatoires inscrites aux programmes d'enseignement tels qu'ils sont définis par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur selon les horaires réglementaires prescrits. Or, le manquement à cette obligation légale qui a pour effet de priver un élève de l'enseignement considéré pendant une période appréciable est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État, comme l'a jugé le conseil d'État dans son arrêt de principe du 27 janvier 1988.

       En outre, le fait d'être privé des enseignements obligatoires fait perdre à notre enfant une chance de réussite à ses examens et peut porter atteinte à sa scolarité et à son orientation.

       Bien évidemment, notre souhait est de solutionner à l'amiable cette difficulté en obtenant au plus vite le remplacement du professeur absent.

       Nous vous remercions de nous tenir informés des suites données à notre demande urgente de remplacement, et à défaut nous nous réservons de faire valoir nos droits en justice.

       Veuillez agréer, Madame ou Monsieur le recteur, l'expression de nos salutations distinguées.

Copie au DASEN (directeur académique des services de l'Éducation nationale).

POUR ALLER PLUS LOIN
À découvrir aux Éditions de l'Etudiant :
Le Guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves”,
par Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation
au cabinet-piau.fr.

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