Interview

"Il est temps de reconnaître les difficultés scolaires des garçons" : l’avis de Stéphane Clerget, pédopsychiatre

Stéphane Clerget, pédopsychiatre
Docteur Stéphane Clerget © Astrid di Crollalanza - Flammarion
Par Propos recueillis par Maria Poblete, publié le 12 mai 2015
1 min

Dans son livre "Nos garçons en danger" (éditions Flammarion) qui suscite la polémique, le pédopsychiatre appelle les enseignants, les pères de famille et l’institution à se mobiliser pour sauver les garçons. Ceux-ci seraient notamment plus enclins au décrochage scolaire que les filles. Interview.

Les garçons ont-ils plus de problèmes scolaires que les filles ?


Tous les chiffres l'attestent. Ils sont deux fois plus nombreux à sortir du système scolaire sans diplôme. Ils décrochent moins le bac et sont moins nombreux que les filles à obtenir une mention, y compris dans les bacs scientifiques. C'est nouveau. Pendant toute leur scolarité, ils sont à la traîne sur toutes les matières, excepté l'éducation physique et sportive, la technologie et les mathématiques.

À quel moment de la scolarité apparaît ce différentiel ?


Très tôt ! Dès la fin de l'école maternelle, les garçons ont un retard de langage. Ce qui aboutit à ralentir leur apprentissage de la lecture, au cours préparatoire. Ces difficultés ont des conséquences, aussi bien en français qu'en histoire ou en sciences. Ils ont plus de mal à lire les consignes, plus de problèmes à déchiffrer les énoncés. Ils sont aussi plus agités et ramassent 80 % des punitions !

Comment s'explique cette situation que vous jugez alarmante ?


Nous n'avons pas toutes les explications mais des hypothèses. Les garçons sont majoritaires dans les maladies des apprentissages. La dyslexie, les troubles du déficit attentionnel touchent plus de trois fois sur quatre les garçons. Nous ne connaissons pas les causes biologiques de leurs fragilités.

Vous nous invitez à nous attacher davantage aux causes psychosociales…


L'augmentation du décrochage scolaire peut être liée à l'absence d'hommes dans l'enseignement ainsi qu'à celle des pères dans l'éducation. À l'école, les enseignants sont en majorité des femmes. Le garçon va donc considérer que l'école est une affaire de femmes. Je préconise la parité dans ce domaine aussi. Par ailleurs, l'absence des pères, liée à l'augmentation des divorces, a des conséquences dramatiques. Les adolescents en pâtissent. Ils ont besoin de modèles masculins auxquels s'identifier.

Votre livre est attaqué par des mouvements féministes. Ils dénoncent votre remise en cause de la mixité…


Je ne la remets pas en cause, je me pose des questions. Des expériences menées en Suède et en Finlande de groupes non mixtes dès le CP, avec des techniques pédagogiques et des contenus différents, ont donné de bons résultats. Les filles et les garçons se comparent moins, les garçons se sentent moins en échec. Je suis favorable à la mise en place de statistiques sexuées, dans les régions et par établissement. Un peu comme on le fait déjà pour le niveau socio-économique, avec des mesures qui comblent ce différentiel. On sait que la fracture sexuée existe mais c'est un sujet tabou. Or, il est urgent de s'en occuper.
 

"Les garçons en danger !", 18 € aux éditions Flammarion.

Un constat accablant des conséquences de la transformation de la société sur les garçons du XXIe siècle. L'auteur revient sur le retrait de la figure paternelle, la surféminisation du corps éducatif, l'image médiatique de la virilité pour expliquer les problèmes que rencontrent les hommes. Avec des propositions concrètes pour enrayer cette évolution.
© Flammarion



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