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Reportage

80 ans de la libération d'Auschwitz : "Il faut vraiment aller sur place pour se rendre compte"

Le portail d'entrée du camp d'Auschwitz, sur lequel est inscrit "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre).
Le portail d'entrée du camp d'Auschwitz, sur lequel est inscrit "Arbeit macht frei" (Le travail rend libre). © Clément Rocher
Par Clément Rocher, mis à jour le 27 janvier 2025
5 min

Ce lundi 27 janvier ont lieu les commémorations du 80e anniversaire de la libération du camp d'extermination d'Auschwitz. Il y a deux ans, l'Etudiant avait suivi 180 collégiens des Alpes-Maritimes, en visite à Auschwitz et Birkenau dans le cadre d'un voyage de la mémoire.

Les rares survivants ont rapporté qu’aucun oiseau ne voulait survoler ce lieu car il y régnait une odeur de mort. Mais ce matin du mardi 14 mars 2023, ils planaient au-dessus du camp de concentration et d'extermination d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne, 78 ans après sa fermeture, comme pour saluer les jeunes visiteurs.

Ce jour-là, 180 collégiens des classes de 3e du département des Alpes-Maritimes ont participé à un voyage de la mémoire. Tout au long de cette journée riche en émotion, les élèves, sélectionnés par les établissements sur la base d’une lettre de motivation, ont été confrontés à l’horreur des camps.

Une appréhension avant de franchir les portes du camp

À 10h30, au pied de la porte d’entrée d’Auschwitz-Birkenau, les collégiens savent que cette visite restera gravée dans leur mémoire. Mais il est parfois difficile de mettre un mot sur ses émotions. "J'appréhende un peu, souffle Laïla, du collège Jean Médecin, à Sospel. On s'attend forcément à ressentir quelque chose, mais j'ai vraiment envie d'en savoir plus."

"Je suis un peu stressée, ajoute sa camarade Maria. Il s'est passé des choses affreuses. On a regardé des films documentaires sur les camps en classe." Ce voyage s’inscrit en effet dans le programme des cours d'histoire autour de la Seconde Guerre mondiale. "Les élèves ont été bien préparés, mais ils vont découvrir pas mal de choses par eux-mêmes aujourd’hui", précise leur professeur d’anglais.

Les collégiens ont visité les baraquements ou s'entassaient les prisonniers./ © Clément Rocher.
Les collégiens ont visité les baraquements ou s'entassaient les prisonniers./ © Clément Rocher. © Clement Rocher

Auschwitz-Birkenau, le plus important des camps de concentration

Considéré comme l’un des plus grands cimetières du monde, le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau a ouvert en octobre 1941. II comprend plusieurs camps pour les hommes, femmes, tziganes, mais aussi un camp dit "Kanada" où l’on ne s'occupe que de la garde et du triage des biens confisqués aux détenus.

Dès leur arrivée, beaucoup de collégiens sont impressionnés par l’immensité du site. Il s'étend sur 175 hectares. "Le camp est beaucoup plus grand que ce que je pensais. Il paraissait plus petit sur les photos", s'étonne Donia, élève au collège Jules Verne, à Cagnes-sur-Mer.

Lors de la visite, devant le silence éloquent des élèves, la guide décrit les conditions de vie des prisonniers. "Au début, il n’y avait pas de plancher dans les baraquements, ils dormaient dans la boue, avec les rats, relate-elle. Les couvertures étaient sales et pleines d’insectes. Les personnes affamées souffraient de différentes maladies. Pendant la nuit, la baraque était fermée, il faisait une chaleur terrible."

À Auschwitz, les élèves ont été confrontés à l'horreur des camps.
À Auschwitz, les élèves ont été confrontés à l'horreur des camps. © Clément Rocher

Les élèves s'acheminent ensuite devant les ruines des chambres à gaz où la guide raconte les actes de barbarie commis par les nazis. "Je savais que cette visite allait m’apporter de nouvelles connaissances, témoigne Youssef, élève au collège Jean Médecin. Mais ça fait bizarre de se dire que beaucoup de personnes ont marché sur le même chemin que nous et savaient qu’ils allaient mourir." Plus d'un million de personnes, principalement des Juifs, ont péri dans le camp d’Auschwitz-Birkenau.

Aller à Auschwitz pour mieux comprendre

Une fois la visite terminée, les langues se délient. "J'appréhendais beaucoup d'être choquée de ce que j'allais voir, explique Giulia, élève au collège Blanche de Castille, à Nice. On avait étudié l’histoire des camps en cours, mais c’est vraiment différent en venant ici. Il y a une certaine atmosphère. Il n’y avait plus aucun respect pour l’être humain. On essaye d'imaginer les cris, les odeurs…"

"Je savais à quoi m'attendre. On savait qu'il s'y était passé beaucoup d'horreurs. Mais je n'étais pas au courant de toutes les atrocités, précise son camarade Louis. Tout était fait pour les mener à la mort. On se demande comment les nazis ont pu faire tout ça à d'autres personnes. Il faut vraiment se rendre sur place pour se rendre compte."

"La visite était très émouvante. Le réveil à 3 heures du matin valait le coup. Même après la visite, il est difficile de réaliser l’ampleur du drame et tout ce qu'ils ont vécu", intervient Armand, élève au collège Jean Cocteau. "On comprend mieux l'ampleur des choses. En étant assis en classe, c'est différent", ajoute sa camarade Jade.

La Shoah à travers des objets

L’après-midi, les élèves visitent le musée national Auschwitz-Birkenau, lieu commémoratif des deux camps de concentration nazis. La guide explique la signification de la fameuse inscription "Arbeit macht frei" ("Le travail rend libre", NDLR) qui figure sur le portail d’entrée du camp. "Les prisonniers juifs pensaient qu’en travaillant dur, ils sortiraient libres, mais le seul moyen de quitter ce lieu, c’était par le four crématoire", explique-t-elle.

Les collégiens observent, écoutent. Les visages attentifs deviennent de plus en plus graves à la vue des objets personnels des déportés exposés au musée. Derrière des vitrines, on y observe une grande quantité de valises, un enchevêtrement de paires de lunettes, mais aussi une montagne de chaussures, qui appartenaient parfois à des enfants. On estime qu’environ 230.000 enfants ont été emprisonnés à Auschwitz dont la majorité y ont laissé leur vie.

Une expérience émotionnelle

"Des élèves ont été horrifiés par ce qu'ils avaient compris, sous le choc de qu’ils venaient de voir, témoigne Aline Martinet, professeure d’histoire-géo au collège Jules Verne. Beaucoup ont partagé leur envie de transmettre les informations."

"J’espère que vous allez garder les informations dans votre tête, mais aussi dans votre cœur", déclare la guide, avant de dire au revoir. Elle invite les élèves à devenir à leur tour des passeurs de mémoire. Une transmission plus que jamais nécessaire alors qu'il reste de moins en moins de survivants pour témoigner.

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