Décryptage

Remplacements des profs en cas d'absence de courte durée : une application limitée au lycée

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REA © Mathilde MAZARS/REA
Par Marine Ilario, publié le 12 mai 2023
6 min

Le ministre de l’Éducation nationale a évoqué, lors d’une interview sur France Inter, les remplacements de profs absents sur une courte durée dans le cadre du Pacte dès la rentrée 2023 au collège et au lycée. Association de parents d’élèves, de professeurs et syndicats restent dubitatifs sur l’effectivité de ces remplacements d'enseignants et leur utilité pédagogique, surtout au lycée.

2,5 millions d’heures de cours perdues. Voilà ce que représentent les absences de courte durée de professeurs selon un rapport de la cour des comptes publié en décembre 2021. Sur ces 2,5 millions d’heures, seules un peu plus de 500.000 ont été remplacées au collège et au lycée. Autrement dit, une solution de remplacement est trouvée dans seulement 20% des cas" estime le rapport.

Lors d’une interview donnée sur France Inter le 21 avril dernier, Pap Ndiaye s’est prononcé sur les missions de remplacement de courte durée qui seront inscrites dans le Pacte avec les enseignants dès la rentrée de septembre 2023.

L’objectif affiché du ministre de l’Éducation nationale, est de mettre fin aux "emplois du temps à trous qui pourrissent la vie des élèves et des familles".

Des remplacements de profs à matières équivalentes... ou pas !

Pour cela, le ministre a indiqué que ces remplacements ne se feraient pas nécessairement par un professeur enseignant la même matière. Concrètement, si le professeur d’anglais est absent il pourra être remplacé par un professeur d’anglais, dans l’idéal, mais aussi par un professeur de SVT ou de français.

Pour Claire, professeure de mathématiques au collège, en plus de combler les trous, ce système permettrait d’anticiper de futures absences. "En remplaçant un de mes collègues, cela me permettra de ne pas perdre d’heures avec mes élèves en cas d’absence future."

Mais à l’APSES (l’association des professeurs de sciences économiques et sociales) on craint que l’accent ne soit plus mis sur la formation des élèves et que l’objectif se borne à combler les trous "peu importe si les heures dans les disciplines concernées soient finalement rattrapées ou non" alerte Benoît Guyon, co-président de l’association et professeur de SES.

Les profs de lycées absents pour une courte durée seront-ils systématiquement remplacés ?

Car en remplaçant une matière par une autre, la question reste entière concernant les heures effectivement manquantes. Pourront-elles être rattrapées ? Dans son interview sur France Inter Pap Ndiaye assure que oui. Dans les faits, rien n’est moins sûr. Claire en est convaincue. "L’heure perdue est perdue. Pédagogiquement les élèves sont quand même perdants."

De manière générale, syndicats, associations de parents d’élèves et de professeurs restent dubitatifs quant à l’application effective de ces remplacements.

Frederic Marchand, secrétaire général du syndicat Unsa Éducation, redoute que ces annonces laissent à penser que les remplacements seront automatiques. "Qu’on soit clair, il n’y aura pas de remplacement systématique des cours manqués !"

D’autant que ces remplacements seront soumis au nombre de professeurs signataires du Pacte. "Si aucun ou peu d’enseignants ne signent de Pacte, il n’y aura pas les ressources nécessaires pour faire ces remplacements de courte durée" prévient Jean Rémi Girard, secrétaire général du Snalc (syndicat national des lycées et collèges).

Une mise en œuvre plus complexe en première et terminale faute de groupe classe

Des remplacements davantage pensés pour le collège que le lycée. Pour Benoît Guyon, ils ne sont possibles qu’avec une logique de classe. Une logique qui n’existe plus au lycée et plus particulièrement pendant le cycle terminal (en première et en terminale). "La réforme du lycée a éclaté le groupe classe, si bien qu’en cours de spécialité nous avons des élèves qui viennent de 6 à 8 classes différentes."

Concrètement, lorsqu’un professeur de spécialité sera absent, il sera très difficile d’assurer son remplacement ponctuel parce qu’il sera "quasiment impossible de trouver un professeur qui enseigne au même groupe que le professeur absent" explique Jean Rémi Girard.

Cours de remplacement ou garderie des élèves ?

Sans compter qu’au lycée, "les élèves sont plus autonomes qu’au collège" et "il sera difficile de les mobiliser sur une heure d’absence pour suivre un autre cours avec un prof qu’ils n’ont pas forcément tous" suppose le secrétaire général du Snalc.

Car le risque est de tomber dans un système de "garderie à l’intérêt très limité pour les élèves" appréhende Claire.

"Faire une heure de remplacement qui n’est pas dans sa discipline et pas avec sa classe a un intérêt pédagogique très limité" rajoute Jean-Rémi Girard, "puisque généralement on va faire quelque chose qui sera détaché de la progression des élèves".

"En remplaçant au pied levé, on risque de tomber dans un mode de surveillance ou dans de l’occupationnel" redoute Benoît Guyon.

Alors que pour le professeur de SES, "le lycée reste un lieu de formation et il est nécessaire que les élèves aient les cours auxquels ils ont droit. Nous c’est dans ce lycée que nous croyons".

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