Décryptage

Un élève peut-il se voir refuser l’entrée de son établissement à cause de sa tenue vestimentaire jugée incorrecte ?

Critiquée et souvent incomprise, la note de vie scolaire prenait en compte le comportement des élèves au sein des établissements.
Il n'existe pas de définition légale de la tenue convenable pour entrer dans l'enceinte d'un établissement scolaire. © l'Etudiant
publié le 16 septembre 2013
1 min

VOS DROITS À L'ÉCOLE - Un proviseur peut-il interdire l'accès au lycée à un élève parce qu'il porte un pantacourt ou tout autre tenue estimée "non convenable" ? Valérie Piau, avocate en droit de l'éducation, apporte une réponse détaillée à cette question.

Le cas

Thiphaine, qui porte un pantacourt, se voit refuser, sans préavis, l'entrée de son lycée le jour de sa rentrée en Terminale ES à cause de ses vêtements jugés incorrects. Quelles démarches Thiphaine et ses parents doivent-ils entreprendre ?

La réponse de Maître Piau

Il est illégal de refuser, sans préavis, l'accès de l'établissement à un élève en invoquant le caractère incorrect de sa tenue. Il est conseillé aux parents d'en aviser le directeur des services départementaux de l'Education nationale.

En effet, le fait d'empêcher l'élève de rentrer dans l'établissement, est une exclusion temporaire qui ne peut être prononcée par le chef d'établissement, qu'à condition de respecter la procédure disciplinaire prévue par le Code de l'éducation.

Avant de prononcer l'exclusion, le chef d'établissement doit faire savoir à l'élève qu'il peut, dans un délai de trois jours ouvrables, présenter sa défense oralement ou par écrit et se faire assister de la personne de son choix. Si l'élève est mineur, cette communication doit également être faite à son représentant légal.

Ce n'est qu'après avoir reçu l'élève et le cas échéant ses parents, recueilli leurs observations dans le respect du contradictoire et avoir respecté le délai de trois jours précité, que le chef d'établissement pourra prononcer, le cas échéant, une mesure d'exclusion temporaire. Celle-ci ne pourra excéder huit jours.

Il n'existe pas de définition légale de la tenue convenable. Lors du débat contradictoire devant le chef d'établissement, les parents pourront faire valoir leur désaccord, concernant la notion de tenue convenable, s'il s'agit par exemple d'un pantacourt ou d'une robe mi-cuisse pour les filles ou d'un bermuda pour les garçons.

Modèle de courrier en cas de refus de laisser l'élève entrer dans l'établissement pour cause de tenue inappropriée sans restpect d'aucune procédure disciplinaire

(copie à la direction des services départementaux de l'Education nationale)


Objet : Exclusion illégale de l'établissement

À l'attention de Monsieur (Madame) le Proviseur,

Monsieur (Madame) le Proviseur,

Nous nous permettons d'intervenir auprès de vous en notre qualité de parent de Thiphaine, élève de terminale ES dans votre établissement.

Notre fille s'est vue refuser ce jour, sans préavis, l'entrée de son établissement scolaire, verbalement à la grille par la CPE, au motif que le pantacourt qu'elle porte ne serait pas une tenue convenable au regard de votre règlement intérieur.

Elle a donc été exclue, sans préavis, de votre établissement sans que ne soit respectée aucune procédure disciplinaire. Une telle exclusion est totalement illégale. En effet, un chef d'établissement ne peut procéder à une exclusion temporaire d'un élève, sans respecter la procédure disciplinaire prévue aux articles D 511-32 et R 421-10-1 du Code de l'éducation, qui nécessitent que l'élève soit convoqué, dispose d'un délai de trois jours pour présenter sa défense oralement et/ou par écrit, et qu'il soit informé qu'il peut se faire assister de la personne de son choix. Si l'élève est mineur, ce qui est le cas de notre fille, cette communication doit également être faite à son représentant légal afin qu'il puisse également présenter ses observations, ce qui n'a pas été le cas.

De surcroît, nous contestons le caractère soi-disant inapproprié de la tenue de notre fille dans la mesure où le pantacourt est une tenue convenable et non extravagante, et n'est donc pas contraire au règlement intérieur de votre établissement.

Nous vous mettons en demeure par la présente de laisser l'accès de l'établissement à notre fille et nous nous réservons de toute poursuite, en cas de nouveau refus d'accès de l'établissement opposé à Thiphaine alors qu'aucune sanction disciplinaire n'a été prise à son encontre.

Comme le rappelle la circulaire n°2000-105 du 11 juillet 2000 sur l'organisation des procédures disciplinaires dans les collèges et lycées, le fait d'écarter durablement un élève de l'accès au cours, en dehors des procédures réglementaires est assimilé à une voie de fait, et est susceptible d'engager la responsabilité de l'administration.

Nous vous remercions donc de bien vouloir laisser à notre fille d'accéder aux cours puisqu'elle ne fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire et vous en remercions par avance.

Veuillez agréer, Monsieur (Madame) le Proviseur, l'expression de nos salutations distinguées.

À lire, aux éditions l'Etudiant :
"Le guide Piau : les droits des élèves et des parents d'élèves", par Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation au cabinet-piau.fr.

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