Depuis octobre 2022, Anthony Briant est directeur de l'École nationale des Ponts et Chaussées (ENPC). Parmi ses priorités, il s'est rapidement emparé du dossier de l'intégration de l'établissement au sein de l'Institut polytechnique de Paris (IP Paris). Il explique à EducPros les enjeux de cette étape importante pour l'école, officialisée par décret, en juillet 2024.
Le rapprochement entre l'Ecole des ponts et l'IP Paris est désormais acté. L'école, située à l'est de Paris, va-t-elle rejoindre les établissements à Saclay ?
L'École des Ponts représente près de 40.000 m². Aujourd'hui, nous n’avons pas les moyens de déménager de Champs-sur-Marne. L’idée serait d’avoir une antenne, entre 3.000 et 4.000 m², avec des espaces de bureau, de recherche, et d’enseignement, car nous allons notamment développer un certain nombre de parcours de masters avec les écoles membres de l’Institut polytechnique de Paris.
Nous sommes à la recherche d’une bonne opportunité, en lien avec le projet d’Établissement public d'aménagement Paris-Saclay. C’est un projet qui va mettre du temps à se construire mais qui a beaucoup de sens : ce besoin d’être présent physiquement sur le plateau de Saclay va se faire sentir.
L'école annonce avoir reçu un don de 4,5 millions d'euros de la part de Thierry Déau, ancien élève de l'école. Quels projets seront mis en place grâce à ce don ?
C’est un don historique pour une étape tout aussi historique pour l'École nationale des ponts et chaussées. Le soutien de Thierry Déau est crucial pour concrétiser la mise en œuvre de notre plan stratégique Ponts Ambition 2030 dans la cadre d’IP Paris.
La proximité compte, le don de Thierry va nous permettre de renforcer notre présence physique sur le campus d’IP Paris avec un bâtiment dédié au développement des activités conjointes, tant en formation qu’en recherche, avec les autres écoles membres de l’Institut.
Comment construire une vie de campus avec les écoles membres de l’IP Paris, loin de Saclay ?
La vie de campus à l’Institut polytechnique de Paris est vraiment en train de naître. Mais il y a aussi une vie de campus à Champs-sur-Marne. Cependant, la vraie question, c’est comment faire vivre le sentiment d’appartenance à l’IP Paris au sein de l’Ecole des Ponts, aussi bien auprès de la communauté des étudiants que celle des chercheurs.
Je ne suis pas inquiet concernant nos chercheurs. Cela va se construire au fur et à mesure des projets : par exemple, la grande majorité des chercheurs en mécanique travaillent très régulièrement avec les laboratoires de l’IP Paris.
Pour les étudiants, c’est différent. Il faudra qu’on fournisse un vrai effort sur le campus pour faire vivre la marque IP Paris. Il faudra trouver des expériences étudiantes qui fassent sens comme la Nuit de l'entrepreneuriat IP Paris.
Comment cette intégration sera bénéfique sur le plan de la recherche ?
Il faut avoir conscience qu’au périmètre de chacune de nos écoles, nous n’avons pas la taille critique pour aller jouer des coudes à l’international. Ce rapprochement est nécessaire pour répondre aux appels à projet, pour aller chercher des ressources propres auprès de nos partenaires industriels. Les chercheurs sont très attachés à leur école, mais ils sont conscients que l’IP Paris représente une plateforme de visibilité à l’international.
Quand on répond à un appel à projets sur les énergies renouvelables éoliennes, on va chercher à la fois les spécificités de l’Ensta Paris sur les systèmes mécaniques et énergétiques, mais aussi celles de l’Ecole des Ponts car il faut aussi du génie civil. Cette rencontre entre les compétences de nos écoles fait que le projet marche.
Ce rapprochement va-t-il favoriser la création de passerelles entre les écoles ?
Aujourd’hui, dans chaque école, nos élèves-ingénieurs suivent des parcours de spécialisation liés à nos thématiques de prédilection. Mais tout l’enjeu est de construire des synergies et de mettre en cohérence l’offre existante. Les passerelles se font avec la graduate school de l’Institut Polytechnique de Paris [qui centralise les programmes de master, les doctorats et les PhD tracks].
Nos étudiants se côtoient d'ores et déjà en troisième année sur des parcours de master. Par exemple, une de nos élèves en troisième année suit un parcours en génie maritime à l’ENSTA Paris : c’est cela qu’il faut que l'on amplifie avec la graduate school.
Quels avantages vous apportent l'intégration à l'IP Paris ?
Toutes les écoles de l'Institut polytechnique de Paris partagent cette construction de l’ingénieur à la française, l’excellence scientifique, la place des mathématiques. Pour autant, ces écoles ne sont pas substituables les unes aux autres, du fait de nos domaines de spécialisation.
Ce qui fait la force de l’IP Paris, c’est la complémentarité des sujets qui traversent nos spécialisations, comme l’intelligence artificielle et la cybersécurité. Quand on parle d’intelligence artificielle à Télécom SudParis, ce n’est pas la même chose qu’à l’Ecole des Ponts, mais pour autant il y a un sujet commun.
Une nouvelle dynamique pour IP Paris
Thierry Coulhon, président du directoire de l'IP Paris, assure que ce rapprochement va apporter une nouvelle dynamique à la fois pour l’École des Ponts et pour l'IP Paris avec pour objectif de s'affirmer sur la scène internationale et tandis que l'IP Paris a revu, par le décret de juillet 2024, sa gouvernance.
"L’entrée de l’Ecole des Ponts dans l‘Institut polytechnique de Paris, ce ne sont pas des interactions à la frontière : cela va remettre en mouvement l’ensemble de ces deux institutions", déclare-t-il à EducPros.
Quels projets allez-vous porter avec le plan de transformation "Ponts Ambition 2030" ?
J’ai hérité d’une école qui venait de signer son contrat d’objectifs et de performance avec son ministère de tutelle, dans lequel on retrouve des enjeux institutionnels comme son intégration à l’Institut Polytechnique de Paris.
Il y a désormais tout un enjeu de développement pour demeurer une école d’aménagement des territoires et pleinement embrasser les enjeux de la transition écologique et de décarbonation.
Il faut travailler sur le pilotage de l’établissement, c’est-à-dire comment on rénove les systèmes d’information, comment on fait vivre les talents à l’intérieur de l’école, comment on travaille son empreinte environnementale.
Mais aussi transformer notre offre de formation, pour que les étudiants gardent confiance dans le fait que les écoles d’ingénieurs sont une bonne manière de s’attaquer aux problèmes de la transition écologique et énergétique.
L'école reste-elle maître de sa propre stratégie depuis qu'elle a intégré l'IP Paris ?
Oui, l'école reste pleinement maître de sa stratégie. IP Paris délivrera les diplômes de masters et de doctorat à compter de la rentrée 2026. Nous avons donc une discussion sur les parcours de masters, et les projets de doctorat que l’école entend développer.
L’objectif d’IP Paris est de construire un institut de sciences et de technologie de rang mondial, sur la base de l’excellence en recherche de chacune des écoles. L’objectif est de nourrir les complémentarités et de faire fructifier les synergies entre nos domaines de recherche.