À l'université Grenoble Alpes, des étudiants affûtent leurs neurones

Sophie Blitman - Mis à jour le
À l'université Grenoble Alpes, des étudiants affûtent leurs neurones
Isabelle Le Brun, maître de conférences en neurosciences à l'université Grenoble Alpes, mène un projet de recherche-action autour de la méthodologie. // ©  plainpicture/Cultura/Callista Images
Apprendre à apprendre : acquérir cette aptitude est loin d'être évident, ce qui explique en partie l'échec en licence. Pour y remédier, une enseignante de l'université Grenoble Alpes a mis au point un cours où les étudiants construisent eux-mêmes leurs outils méthodologiques.

Il y a longtemps que l'université propose aux étudiants des cours de méthodologie. À Grenoble, une enseignante renouvelle le genre, à travers une approche originale, baptisée "Affûter ses neurones". "En tant que neurobiologiste, je travaille sur les mécanismes du cerveau et depuis cinq ou six ans, je m'intéresse plus précisément aux stratégies d'apprentissage", explique Isabelle Le Brun, maître de conférences en neurosciences à l'université Grenoble Alpes. Ainsi est né ce "projet de recherche-action, à mi-chemin entre la psychologie cognitive et les sciences de l'éducation" qu'Isabelle Le Brun explore actuellement. Côté pédagogie, l'objectif est clair : apprendre à apprendre.

Proposée en option à tous les étudiants de licence de sciences depuis 2014, cette UET (unité d'enseignement transversale) concerne une cinquantaine de jeunes par an. Mêler ainsi des géographes inscrits en L3 d'aménagement du territoire à des L1 de maths-informatique est pour l'enseignante la garantie de discussions plus riches que si le cours était monodisciplinaire.

Des étudiants acteurs de leur apprentissage…

Se définissant elle-même comme une "facilitatrice d'apprentissage", Isabelle Le Brun s'attache à impliquer les étudiants pour les amener à identifier leurs difficultés et à s'emparer de ressources pour les surmonter.

Le cours débute par un brainstorming à l'issue duquel les étudiants définissent eux-mêmes leurs objectifs. Aussi bien comportementaux, méthodologiques que cognitifs, ceux-ci vont de l'hygiène de vie, à travers la résolution de "se coucher plus tôt", à l'acquisition de connaissances sur le cerveau, en passant par la motivation, l'organisation, ou encore la gestion du stress. Ensemble, ils élaborent également le plan du cours. "Dès le départ, cette façon de travailler désoriente les étudiants", raconte Isabelle Le Brun, amusée de s'entendre dire : "Mais madame, d'habitude, c'est le prof qui donne les objectifs !"

Si elle n'est pas directive, l'enseignante guide bien sûr les étudiants qui construisent leurs propres outils au fil des séances, à partir de documents qu'elle met en ligne, mais aussi de leurs propres recherches. En petits groupes, ils doivent rendre un travail écrit et faire une présentation orale mais restent maîtres des thématiques.

Parmi celles choisies cette année : "la motivation pour les nuls", "caféine et vigilance", "bien manger pour bien bosser"… Les formes varient, elles aussi : exposés classiques, posters, mais aussi "flashcards", des petites cartes-mémoire qui posent un problème de manière synthétique et donnent des pistes concrètes pour le résoudre. Il s'agit par exemple de suggérer d'espacer son temps de travail. Pourquoi ? Pour garder sa concentration. Comment ? En diversifiant les matières et en faisant des pauses.

Mais madame, d'habitude, c'est le prof qui donne les objectifs !

… jusqu'à leur auto-évaluation

"A la fin de chaque de séance, indique Isabelle Le Brun, je fais un bilan avec les étudiants pour voir ce qu'ils ont retenu, ce qu'ils vont mettre en place et ce qu'il leur reste à faire. L'objectif est de leur apprendre à se projeter."

L'enseignante travaille aussi avec ses étudiants sur des critères d'évaluation qu'ils modifient et valident ensemble, de manière à pouvoir noter leurs camarades, dans un cadre bienveillant. À la fin de l'UE, ils s'auto-évaluent eux-mêmes sur chacun de leurs objectifs, en expliquant où ils en sont. Un système de bonification valorise les objectifs les plus difficiles à atteindre, afin de "les inciter à aller vers des objectifs plus ambitieux", explique Isabelle Le Brun, qui pondère l'ensemble des évaluations pour obtenir la note finale.

Les résultats reflètent le profil des étudiants qui choisissent cette option : "Ils sont généralement d'un niveau bon ou moyen", regrette Isabelle Le Brun. Si elle a néanmoins accueilli un décrocheur, il est difficile de toucher ceux qui en auraient le plus besoin. L'écueil est le même que pour le tutorat. Reste que le cours se révèle utile pour les étudiants qui le suivent, d'après les retours "globalement positifs" recueillis par l'enseignante.

des méthodes utiles au quotidien

"Lors de ma première année à l’université, indique une étudiante en deuxième année de biologie, je me suis rendu compte que j’avais du mal à acquérir une méthode de travail qui me convenait et j’avais l’impression de perdre mon temps à essayer de chercher par moi-même." Appréciant l'interactivité des séances et l'ambiance "conviviale", la jeune fille estime que cette UE lui a apporté "beaucoup de connaissances sur les méthodes d’apprentissage et de mémorisation qu'[elle a] pu mettre en œuvre tout au long du semestre et qu'[elle] utilise encore aujourd’hui. Par ailleurs, certains de ces conseils et méthodes ne sont pas uniquement utiles dans le cadre des études mais aussi au quotidien."

En définitive, il en résulte parfois aussi un changement d'état d'esprit qui peut être très profond, comme en témoigne cet étudiant de L3 de biologie : "Mme Isabelle Le Brun a brisé le mur du stéréotype selon lequel nous naissons avec un 'quotient intellectuel' défini. Elle nous a démontré que ce n'était pas le cas (par le biais d'articles scientifiques), que nous pouvions nous améliorer, renforcer notre cerveau, et que nous pouvons tous réussir."

Sophie Blitman | - Mis à jour le